Titre | La mobilité des élites scientifiques de l'Autre Europe : exode ou circulation ? | |
---|---|---|
Auteur | Mirjana Morokvasic | |
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest | |
Numéro | vol 27, no 3, septembre 1996 | |
Page | 31 | |
Résumé |
L'objectif de ce texte est d'élucider la dynamique migratoire dont les scientifiques en provenance de l'Europe centrale et orientale sont les acteurs (parfois principaux) et de proposer une typologie des situations, compte tenu des transformations globales et spécifiques intervenues dans cette partie de l'Europe depuis la chute du mur de Berlin. Le champ géographique de ce travail a été délimité par des considérations théoriques concernant la migration internationale en général et la migration des "cerveaux" en particulier : nous avons analysé les situations en Pologne, en Russie, en Croatie et en Serbie à partir des recherches empiriques à notre disposition. Nous avons pu en dégager quelques tendances globales. Premièrement, le paradoxe relatif à la science, sollicitée comme facteur de transformation, mais en même temps entravée dans cette fonction par sa propre transformation : partout, la situation dans laquelle se trouve la science, le statut et les conditions de travail des scientifiques sont les forces mobilisatrices des départs (qui, toutefois, ne sont pas aussi massifs qu'on le croit ; d'ailleurs, l'exode interne est bien plus fréquent que l'émigration hors frontières). Deuxièmement, en ce qui concerne la migration, on assiste à un renversement de la situation par rapport à celle connue pendant la période de la guerre froide : la possibilité de partir et de revenir, donc de circuler, remplace une situation où, dans la plupart des pays, l'émigration équivalait à l'expatriation. Ces tendances globales peuvent cependant avoir une signification différente selon le pays. En opposant une vision dynamique des migrations internationales aux analyses de type "push-pull" et en nous inspirant du dilemme permanent entre les visions "nationaliste" et "internationaliste" de l'exode des cerveaux, nous avons pu distinguer deux situations idéal-typiques : d'une part, celle qui reflète directement les bouleversements en Europe centrale et orientale, représentée par la Pologne et la Russie, où la liberté de circuler s'installe progressivement, se substituant aux départs qui furent autrefois rares et définitifs ; d'autre part, celle de l'enfermement, de l'entrave à la mobilité et donc de la rupture entre les mondes de départ et d'arrivée, situation représentée dans cette recherche par les pays ex-yougoslaves (Croatie et Serbie) où elle vient remplacer une longue période d'ouverture et une relative liberté de mouvement. Nous avons postulé que, dans le premier cas, le départ ou la mobilité des scientifiques contribue à la multiplication des liens entre la Pologne, la Russie et le reste de l'Europe, tandis que dans le second, le départ des élites scientifiques prive effectivement la société de départ d'une couche nécessaire au renouveau du pays et à sa démocratisation. Source : Éditeur (via Persée) |
|
Résumé anglais |
Movement of scientific élites from the Other Europe : exodus or circulation ?
The aim of this text is to explain the dynamics of migration in which scientists from Central and Eastern Europe figure, sometimes prominently, as social actors and to suggest a typology of situations, given both the global and the specific transformations in that part of Europe since the fall of the Berlin Wall. The geographic field of our investigation was delineated by theoretical considerations about international migration in general, and the migration of "brains" in particular : the analysis centred on Poland, Russia, Croatia and Serbia and was based on the empirical evidence and secondary analyses available to us. Our research revealed certain overall tendencies : firstly, science seems to be everywhere in a paradoxical situation. Challenged by high expectations as an important factor of transformation, it is at the same time jeopardized in that same function by its own transformation ; whatever the country, the situation in which science finds itself, the status and working conditions of the scientists are the driving forces behind emigration (less massive than it is believed to be, internal migration being more frequent than emigration abroad). Secondly, as far as migration is concerned, the situation is different from that observed during the cold war period : the possibility to leave and to return, i.e. the chance to circulate, replaces a situation where, in most Central and Eastern European countries, emigration abroad implied expatriation for good. These global tendencies can, however, have a different meaning in each country. Our theoretical framework draws on the opposition between a dynamic approach to international migration versus the push-pull approach, and the "nationalist-internationalist" dilemma as far as brain drain and mobility are concerned. We have pinpointed two situations as "ideal types" : the first directly reflects the changes in Central and Eastern Europe, and is represented by Poland and Russia, where a relative freedom of movement is gradually replacing departures which used to be rare and permanent ; the second is one of confinement and restricted mobility, in other words a break between the worlds of departure and arrival, represented in this study by the former Yugoslav republics of Croatia and Serbia. Unlike the first situation, it takes the place of an earlier period of openness and relative freedom of circulation enjoyed by the citizens of former Yugoslavia. Our assumption was that, in the first case, the departure and the mobility of scientists contribute to the multiplication of links between Poland, Russia and the rest of Europe, whereas in the second, the departure of top scientists deprives the countries in question of an élite necessary for the rebuilding of the country and its democratization. Source : Éditeur (via Persée) |
|
Article en ligne | https://www.persee.fr/doc/receo_0338-0599_1996_num_27_3_2799 |