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Titre Philippe II et la Ligue parisienne (1588)
Auteur Serge Brunet
Mir@bel Revue Revue historique
Numéro no 656, octobre 2010
Page 795-844
Résumé La première volonté de cet article est didactique. En cette année de commémoration de l'assassinat d'Henri IV, nous souhaitons attirer l'attention sur les difficultés qu'il y a à aborder la transition au trône de France entre les Valois et les Bourbons. Comme souvent après une guerre civile, la paix s'accompagne non seulement d'une large amnistie, mais aussi d'une forme d'amnésie. Le « devoir d'oubli » qui est imposé aux anciens belligérants, bien loin des usages et des mésusages de nos « devoirs de mémoire » contemporains, ne peuvent que troubler, voire dévoyer les historiens. Les puissances étrangères ayant été largement actives durant la guerre de la Ligue (1585-1598), particulièrement l'Espagne, nous engageons à croiser attentivement les sources nationales et étrangères, dont les archives de Simancas. Se découvrent alors non seulement certaines positions insoupçonnées des acteurs, mais jusqu'à des événements méconnus, voire inconnus des annales.Cette perspective permet également de s'affranchir d'une approche trop nationale, et téléologique, de l'histoire de France. Les multiples et successives récupérations de la riche légende du bon roi Henri IV, depuis son vivant et jusqu'à la Troisième République, en témoignent. Même si l'histoire de la diplomatie, jusqu'aux négociations secrètes et l'espionnage, est désormais réhabilitée, ses archives, tout à la fois cryptées et bavardes, sont trop souvent encore taxées de velléitaires et de controuvées. Refusant une « intelligibilité régressive » des événements, nous nous efforçons de replacer les acteurs devant leurs multiples alternatives et de penser les faits et les volontés en relation avec les stratégies des puissances voisines, alliées ou ennemies des camps considérés. L'explosion de la Ligue parisienne et le désastre de l'Invincible Armada se présentent alors comme un cas d'école. On a déjà rapproché ces deux actes majeurs de l'année 1588, mais nous en proposons une nouvelle lecture conjointe, non seulement depuis Paris et Madrid, mais aussi depuis Nancy, Turin et Anvers, en révélant des acteurs et des liens occultes. Dans un monde où les messages les plus secrets demeurent oraux, certains documents inédits, avec le croisement traditionnel des sources, concourent à l'établissement de la « preuve historique ». Nous pensons ainsi pouvoir affirmer que Philippe II était bien en relation avec les ligueurs parisiens et que le soulèvement de ces derniers, qu'il a soutenu, devait lui faciliter la conquête de l'Angleterre, en évitant une aide du roi de France à Élisabeth II. D'un autre côté, le péril représenté par l'Armada a retenu jusqu'en septembre la répression de l'insurrection ligueuse par Henri III, voire l'assassinat du duc de Guise jusqu'en décembre, fin programmée des états généraux. Ce dernier, plus qu'un archimignon ou un connétable de France, avait bien l'ambition de ceindre la couronne de France. Grâce à la réunion des États de Blois, dont la plupart des députés lui sont acquis, il espérait dans un premier temps la déchéance du dernier Valois et sa désignation en tant que lieutenant général du royaume. Le cardinal de Bourbon – futur Charles X de la Ligue – n'était qu'un souverain d'attente. La soustraction d'obédience du parlement de Paris, puis des parlements de Province, était préparée. Il s'agissait bien d'un complot guisard, lié à l'insurrection parisienne, mais dans le cadre de l'ensemble du royaume. Il était également lié au projet espagnol du débarquement en Angleterre, avec le soutien du gouverneur des Pays-Bas, du duc de Lorraine et le jeu, peu solidaire, du duc de Savoie. Philippe II, et les ligueurs hispanophiles, ne cautionnaient cependant pas les prétentions monarchiques des Lorrains. La découverte d'éléments du complot par le roi de France et, surtout, le désastre de l'Armada grippent la hasardeuse machination. Henri III croit y mettre un terme en faisant assassiner ceux qui en étaient l'âme, les Guises, il n'empêche pas un soulèvement général favorisé par les conjurés échappés de Blois ou dissimulés. Avec l'avènement du duc de Mayenne, la césure entre « Espagnols » et « Mayennistes » sur les destinées de la couronne de France est cruellement révélée, d'abord à Toulouse.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The first aim of this paper is didactic. In this year of commemoration of the assassination of Henri IV, we wish to draw attention to the difficulties in addressing the transition to the throne of France from the Valois and Bourbon. As often happens after a civil war, peace comes not only a broad amnesty, but also a form of amnesia. The “duty of oversight” is imposed on the former belligerents, so far the uses and misuses of our “duty of memory” contemporary, can only disturb or mislead historians. Foreign powers were largely active during the War of the League (1585-1598), particularly Spain, are committed to carefully cross the domestic and foreign sources, including the archives of Simancas. It then not only discover some unexpected positions of actors, but so far unrecognized events, even unknown to history. This perspective also helps to overcome one's approach to national and teleological history of France. The multiple and successive recoveries of the rich legend of good King Henry IV, since his lifetime and until the Third Republic, testify. Even if the history of diplomacy, to secret negotiations and espionage, is now rehabilitated, its records simultaneously encrypted and talkative, are too often branded as indecisive and concocted. Dismissing the “intelligibility regressive” events, we strive to put the players in front of their many alternatives and think the facts and intentions in relation to the strategies of neighboring powers, allied or enemy camps considered. The explosion of the Catholic League in Paris and the disaster of the Armada then appear as a case study. It has already brought these two major acts of the year 1588, but we propose a new joint reading, not only from Paris and Madrid, but also from Nancy, Turin and Antwerp, actors and revealing hidden connections. In a world where the most secret messages remain oral, some unpublished material, with the crossing traditional sources, contribute to the establishment of “historical evidence”.We believe this to say that Philip was in relationship with the Leaguers in Paris and uplift of the latter, he argued, was to facilitate the conquest of England, avoiding using the King of France to Elizabeth II. On the other hand, the danger represented by the Armada was kept there until September, the suppression of the insurrection Leaguers by Henry III or even the assassination of the Duke of Guise until December, scheduled end of the Estates General. This year, more than archimignon or a constable of France, had the ambition to wear the crown of France. With the meeting of the Estates of Blois, most of whose members are acquired him, he initially hoped the forfeiture of the last Valois and his appointment as lieutenant general of the kingdom. The Cardinal of Bourbon “the future Charles X of the Catholic League” was a sovereign waiting. The withdrawal of obedience of the parliament of Paris, and Provincial Parliaments, was prepared. It was indeed a Guisard conspiracy, related to the Parisian insurrection, but in the context of the whole kingdom. It was also related to the project of Spanish invasion of England, with support from the Governor of the Netherlands, the Duke of Lorraine and the game, lacking in solidarity, of the Duke of Savoy. Philip II, and the Hispanophile Leaguers not condoned, however, the monarchical pretensions of Lorraine. The discovery of elements of the plot by the King of France and, especially, the disaster of the Armada seizing the risky maneuver. Henry III believes stop it by killing those who were the soul, the Guises, it does not prevent a general uprising encouraged by the conspirators escaped from Blois or hidden. With the advent of the Duke of Mayenne, the break between “Spanishes” and “Mayennists” on the destiny of the crown of France was cruelly revealed, first in Toulouse.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RHIS_104_0795