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Titre Confisquer pour redistribuer : la circulation de la grâce royale d'après l'exemple de la forfaiture de Pierre Remi (1328)
Auteur Olivier Canteaut
Mir@bel Revue Revue historique
Numéro no 658, avril 2011
Page 311-326
Résumé À l'avènement de Philippe VI, Pierre Remi, trésorier et homme de confiance de Charles IV, subit le sort de nombre de favoris royaux : tombé en disgrâce et condamné à mort suite à un procès d'exception, il fut exécuté le 25 avril 1328. Philippe VI fit ainsi du favori de son prédécesseur un bouc émissaire ; par le sacrifice de celui-ci, le nouveau souverain travailla à créer un temps d'unanimité politique destiné à régénérer la monarchie.Le souverain tira aussi un profit matériel de cette exécution, puisqu'il mit la main sur l'immense fortune que Pierre Remi avait accumulée du temps de sa splendeur. Pourtant, il s'employa aussitôt à dilapider les biens ainsi acquis et, au terme de 41 actes répartis sur huit années, il n'en conserva presque rien. Trois groupes bénéficièrent de cette redistribution : des créanciers de la monarchie, ainsi payés d'une partie de leur dû ; des conseillers et des barons du roi, récompensés par des dons de leur soutien au nouveau roi ; et des serviteurs plus modestes, souvent issus de l'hôtel royal, eux aussi remerciés par des libéralités.Que la redistribution des biens de Pierre Remi répondît à des nécessités financières et politiques ou qu'elle pût apparaître comme une dilapidation gratuite et inutile, elle permit au roi de tenir son rôle de patron auprès de ses serviteurs. Elle attesta même, à travers tout le royaume, la capacité à donner du nouveau souverain, capacité essentielle pour régner dans la mesure où le don, avec la grâce judiciaire, constitue l'un des deux fondements du gouvernement royal par la grâce. Dons et confiscations constituent deux modalités complémentaires de circulation des biens et le développement de la théorie de l'inaliénabilité du domaine royal les rend indissociables. Les favoris déchus, comme Pierre Remi, l'attestent : accumulant les dons émanant du roi, voire les monopolisant, ils s'en voient à leur chute dépossédés au profit de nouveaux bénéficiaires des largesses royales. Le souverain, tout en étant le maître de cette circulation des biens, n'en tire pas de profit matériel. Mais il y régénère régulièrement son pouvoir.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais When Philip VI ascended the throne, Pierre Remi, the treasurer of Charles IV and his trusted confidant, suffered the same fate as favorites before and since: condemned to death he was executed on 25 April 1328. Remi was a scapegoat: the new king sacrificed him in hopes of opening the way to political consensus, in order to regenerate the monarchy. Philip VI profited notably from the execution, seizing Remi's immense fortune, of which he disposed in the next eight years, in 41 separate grants; and he barely kept any part of it. Three groups benefited from the royal grants: some creditors of the monarchy were thus paid a part of their dues; the counselors and the barons of the king were rewarded to their support for the new king; and eventually some modest servants, frequently employed at the royal hotel, were thanked by such gifts. The redistribution of Remi's fortune may have responded to financial and political necessities, or may appear as free and useless grants. Whatever, it allowed the king to keep his role of patron over his servants. It also attested, throughout the kingdom, to the capacity of the new ruler for giving; a capacity essential to reign since gifts, along with judicial favor, constituted one of the two fundamentals of a royal government ruled by favor.Gifts and confiscations are two complementary forms of asset circulation. As the theory of the inalienability of the royal domain develops, both are made inseparable. The fallen favorites, like Pierre Remi, attest for that: they accumulate gifts from the king, they even monopolize them. But at their downfall, they are deprived of them for the profit of some new beneficiaries of royal gifts. The king is overall the master of this circulation of wealth: it does not provide him with any material profit but allows him to regenerate constantly his power.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RHIS_112_0311