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Titre Les jurés populaires et les épreuves de la cour d'assises : entre légitimité d'un regard profane et interpellation du pouvoir des juges
Auteur Aziz Jellab, Armelle Giglio-Jacquemot
Mir@bel Revue L'Année sociologique
Numéro vol. 62, no 1, 2012 Sociologie et anthropologie. Convergences, croisements et dissonances
Rubrique / Thématique
Varia
Page 143-193
Résumé Citoyens tirés au sort à partir de listes électorales, les jurés de cour d'assises doivent se socialiser assez rapidement à un univers judiciaire et à un rôle auquel ils ne sont guère préparés. Cette socialisation ne va pas de soi, car non seulement les jurés s'interrogent sur leur légitimité puisqu'ils sont rarement des juristes mais aussi, ils découvrent des professionnels du droit, des faits incriminés et des mondes sociaux dont la cruauté les déstabilise alors même qu'ils doivent conserver une neutralité quant à la fonction de juger. La rencontre avec les professionnels de la cour d'assises et plus particulièrement avec les juges est marquée par de nombreuses épreuves et génère des sentiments très ambivalents, tenant aussi bien aux modes d'accueil, de qualification et de disqualification qui leur sont réservés, qu'aux écarts observés entre la légitimité des magistrats professionnels et des pratiques judiciaires perçues comme « manipulatoires ». Si juger n'exige pas de la part des citoyens la connaissance du droit mais une attention et un usage de la « raison » en vue de construire leur « intime conviction », l'émotion qu'ils éprouvent à l'écoute des faits incriminés apparaît aux juges comme à la fois inévitable et susceptible de déstabiliser la sérénité du jugement. Aussi, les rapports de pouvoir qui naissent lors de cette rencontre entre juges professionnels et jurés profanes ne prennent sens qu'à l'aune des contraintes institutionnelles qui s'exercent sur les premiers et des manières dont les seconds pensent plus ou moins peser sur la justice pendant le délibéré. L'appropriation socialement différenciée de son rôle de juré comme les différences relevées chez les magistrats quant à la conduite des procès et à la place accordée aux jurés ne remettent pas en cause le poids dominant des juges mais laissent entrevoir des effets différenciés de cette expérience sur les citoyens-juges. La contestation du pouvoir des juges qui cohabite avec l'attachement des jurés au maintien d'une justice échevine démontre qu'au-delà des épreuves vécues, la socialisation à la cour d'assises est une promesse de démocratie apportant une certaine reconnaissance aux individus.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ANSO_121_0143