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Titre (S')occuper (de) la gauche, ou l'ignorer ?
Auteur Christophe Aguiton, Nicolas Haeringer
Mir@bel Revue Mouvements
Numéro no 69, printemps 2012 Changer la vie, changer la gauche
Rubrique / Thématique
La gauche dans tous ses états
Page 116-127
Résumé Le 22 novembre, des militants d'Occupy Wall Street (OWS) ont interrompu un discours de Barack Obama, dans le New Hampshire, pour lui demander (au moyen du fameux microphone humain popularisé depuis l'occupation débutée le 17 septembre au Sud de Manhattan) de s'attaquer aux banques qui « détruisent l'économie » et l'exhorter à sortir de son silence, qui « envoie le message que la brutalité policière1 est acceptable ». Après avoir obtenu le calme de ses propres partisans, qui tentaient de noyer les revendications des militants d'OWS en lançant des slogans de soutien à sa politique, il a conclu son discours en affirmant : « les familles comme les vôtres, les jeunes comme ceux qui étaient là aujourd'hui - ça inclut ceux qui m'ont interrompu en chantant -, vous êtes la raison pour laquelle j'étais candidat ». À l'aube de la campagne présidentielle, il tendait ainsi explicitement la main aux militants d'Occupy Wall Street, et laissait entendre que leurs revendications seraient au centre de son éventuel second mandat. Mais les militants d'OWS se sont bien gardés de répondre à l'invitation. Les mouvements Occupy, Indignad@s, ou encore Uncut, entretiennent en effet un rapport très distant aux acteurs de la sphère politique, qu'ils soient républicains ou démocrates, de droite comme de gauche : s'ils cherchent à les faire fléchir, ils n'entendent pour autant pas risquer la compromission ; et refusent de participer à toute forme de dialogue direct. Ces mouvements font tous l'objet d'une abondante production intellectuelle, par leurs acteurs eux-mêmes - une littérature, un ensemble de films, de flyers, de posters, dont la réflexivité, la lucidité et la maturité sont tout à fait remarquables. Le lecteur ou la lectrice ne perdrait ainsi rien à s'arrêter ici, pour se tourner vers les sites qui relaient et diffusent ces éléments. Si elle ou s'il décide de poursuivre, il/elle trouvera ci-dessous (après un bref développement sur l'émergence de ces mouvements) quelques éléments de réflexion sur les questions qu'ils posent à l'ensemble de la gauche (sociale-démocrate comme radicale ; partidaire comme associative ou syndicale), en examinant successivement les raisons et conséquences de leur distance vis-à-vis de la gauche traditionnelle ; l'importance de l'action directe et de la préfiguration ; la portée micropolitique de ces expériences ; pour finir par une analyse des ruptures que proposent ces dynamiques avec les acteurs de l'altermondialisation. Cet article se base sur de longues conversations et rencontres avec des militants d'Occupy Wall Street, Occupy London, des Indignés français, espagnols et israéliens, et des animateurs du mouvement sénégalais « y'en a marre ». Nous avons ici fait le choix d'insister sur ce que ces mouvements portent de commun, même si nous sommes conscients qu'il y a un risque à se bercer de l'illusion que ces mouvements auraient des connexions naturelles (alors qu'elles doivent être construites).
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=MOUV_069_0116