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Titre Conflits et coopération liés à l'eau du fleuve Sénégal
Auteur Martin Kipping
Mir@bel Revue Géocarrefour
Numéro volume 80, no 4, 2005 La pénurie d'eau : donnée naturelle ou question sociale ?
Page 335-347
Résumé La recherche sur ?l'hydropolitique? - c'est-à-dire les conflits et la coopération liés à l'eau douce - a pu montrer que jamais une guerre internationale n'a été menée à cause de l'eau au cours de notre ère. Néanmoins, le discours ?néo-malthusien? dominant continue à faire croire que des pénuries d'eau provoquent nécessairement des conflits et nuisent à la coopération entre les riverains de fleuves partagés. Le cas du fleuve Sénégal en Afrique de l'Ouest permet de mettre en question cette perspective : d'un côté, trois des Etats riverains - le Mali, la Mauritanie et le Sénégal - ont intensifié leur coopération au sein de l'Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) en mettant en ?uvre un programme d'infrastructure commun (deux barrages) après le début de la grande sécheresse de 1968-1973. De l'autre côté, la Mauritanie a connu l'expulsion sanglante de groupes de sa population vivant dans la vallée du fleuve en 1989-1990, après que leurs terres aient pris de la valeur suite à l'accroissement de l'eau d'irrigation disponible grâce aux barrages. Ainsi, une corrélation ?anti-malthusienne? existe entre l'offre d'eau disponible et le degré de conflit ou de coopération dans ces deux cas. L'article explore les causes derrière cette corrélation. Il montre que la sécheresse a augmenté l'intérêt des États riverains pour le développement commun du fleuve et leur a permis d'obtenir les finances nécessaires de la part des bailleurs de fonds. C'est la raison pour laquelle la pénurie grandissante d'eau a été une condition nécessaire à la coopération intensifiée autour du fleuve Sénégal. Concernant le conflit mauritanien, l'auteur montre que l'augmentation de la quantité d'eau d'irrigation a motivé en grande partie la ?saisie de terres? par l'élite maure, conduisant à l'expulsion de la population non maure de la vallée du fleuve. Ainsi, n'étant pas forcément une condition nécessaire, l'offre grandissante d'eau a néanmoins contribué de manière significative à ce conflit violent. En conclusion, l'auteur suggère que soit développée une recherche plus complexe sur les liens entre les pénuries d'eau et les conflits, qui devrait prendre en considération les intérêts précis des riverains. Sur le plan politique, il semble opportun de consacrer plus d'attention aux possibles conséquences non voulues de la coopération internationale liée à l'eau au sein même des pays concernés.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://geocarrefour.revues.org/1314