Titre | Des faux qui ne trompent personne. Les textes d'abdication sous les Six Dynasties | |
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Auteur | François Martin | |
Revue | Extrême-Orient, Extrême-Occident | |
Numéro | no 32, 2010 Faux et falsification en Chine, au Japon et au Viêt Nam | |
Rubrique / Thématique | I. Faux et légitimation du pouvoir politique |
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Page | 13-39 | |
Résumé |
Une des caractéristiques les plus frappantes du haut Moyen Âge chinois (IIIe-VI s.) est un mode original de succession d'une dynastie à une autre : celui d'une abdication (on en compte quatorze en tout) reposant sur la fiction d'une cession volontaire du pouvoir au profit d'un usurpateur qui le détient déjà dans les faits. Le processus, censé inspiré par le précédent des sages empereurs mythiques Yao et Shun, avait en fait pour prototype l'abdication extorquée par Wang Mang à la maison des Han, bien que cette figure maudite ne soit jamais évoquée à leur propos. Un certain nombre de textes caractéristiques – panégyrique du futur souverain, acte d'abdication, brevet de transmission du sceau de l'État, etc. – jouaient dans le mécanisme de l'abdication un rôle fondamental. Tous ces textes, qui sont parfois des chefs-d'œuvre d'art littéraire, et font appel en tous cas à une science rhétorique consommée, n'étaient pas de la main du souverain abdicataire, censé cependant en être l'auteur, mais étaient dus au pinceau d'auteurs de renom. Si ces écrits, qui faisaient massivement appel aux précédents historiques et à l'idéologie impériale (le mandat céleste en particulier) ne trompaient certainement personne, ils étaient nécessaires à la légitimation de l'abdication. La notion de faux se détache ici de son support matériel pour rejoindre les catégories morales. Bien que ces « textes d'abdication » ne puissent être confondus avec les ordres impériaux forgés à l'occasion de tel ou tel coup de force – des faux purs et simples dans tous les sens du mot – , ils méritent bien aux aussi, par leur intention de tromper la postérité – sinon les contemporains – et de falsifier l'Histoire, d'être qualifiés de faux. On a pris comme support de cet étude un cas concret : l'abdication du dernier souverain des Song de Liu au profit du fondateur des Qi méridionaux, en 479, et on a tenté de montrer que l'opinion était loin d'accepter sans ciller cette falsification portée à la hauteur d'une institution. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
One of the most striking features of the early medieval period in China (3rd to 6th century) is an original mode of succession from one dynasty to the other: an abdication process (repeated 14 times altogether) based on the fiction of voluntary renunciation of power and benefiting a de facto, already empowered usurper. The process, supposedly inspired by the example of mythical Sage-Kings Yao and Shun, was modeled on the case of the abdication forced by Wang Mang on the House of Han, even though this accursed figure was never mentioned. A number of typical writings – panegyrics on the new sovereign, abdication acts, State seal transmission acts, etc. – played a fundamental role in the abdication process. All these texts, some of them literary masterpieces, reflected a subtle rhetorical art. They were not authored by the abdicating sovereign – although this was supposed to be the case – but were the work of famous writers. Whereas these writings, which extensively refer to historical precedents and to imperial ideology (in particular to the Heavenly Mandate), hardly deceived anyone, they were nevertheless necessary for legitimizing the abdication. Here, the conception of fake is disengaged from its material context and pressed into a moral category. Although it is true that these “abdication writings” cannot be confounded with imperial instructions fabricated during episodic coups – i. e, blatant fakes – it is legitimate to term them “fakes” as well, due to their underlying intention to deceive posterity (if not fellow contemporaries) and to manipulate history. The present contribution is based on a concrete case, the 479 a.d. abdication of the last sovereign of the Liu Song dynasty in favor of the founder of the Southern Qi dynasty, and is an attempt to demonstrate that people were far from accepting without a blink a falsification of such magnitude that affected such an august institution. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=EXTRO_032_0013 |