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Titre Manifestations rurales et contestation politique autour des centrales hydro-électriques en Turquie
Auteur Ekin Kurtiç
Mir@bel Revue L'Homme et la société
Numéro no 187-188, 1er et 2e trimestre 2013 Mondes méditerranéens
Rubrique / Thématique
Mondes méditerranéens. L'émeute au c?ur du politique
Page 15-38
Résumé Depuis que les projets de centrales hydro-électriques (CHE) se sont mis à proliférer dans toute la Turquie, à l'initiative des entreprises privées chargées de les construire et de les gérer, les CHE sont au cœur de l'agenda politique du pays. Quand le secteur privé a commencé à capter l'eau des rivières pour produire de l'énergie, les habitants locaux ont fait entendre leur voix pour l'empêcher, recourant à diverses pratiques et stratégies : ils ont fait irruption dans les réunions, monté des camps près de la zone de construction des centrales, jeté des œufs sur les représentants de l'entreprise et eu de vifs échanges avec la gendarmerie, etc. Cet article étudie les manifestations rurales contre les centrales, et notamment le contexte dans lequel elles sont apparues, les positions et les discours des participants aux émeutes, et les réactions de l'État et des entreprises privées. Dans de nombreux cas, la manifestation naît spontanément, de façon désorganisée, dans un sentiment de colère et en réaction aux risques d'impact dévastateur des centrales sur la vie des communautés rurales. Mais alors que les projets se multiplient et que les luttes s'approfondissent, diverses formes d'organisation voient le jour, comme les associations et les plateformes pour une lutte commune. Dans ce contexte, si l'on veut comprendre une contestation rurale qui s'est étendue à tout le pays, il convient de repenser ce qui différencie l'émeute du mouvement social. Pour ce faire, la théorie de la rupture permet d'analyser la montée des réactions émotionnelles face aux destructions socioéconomiques et à la désillusion dans les campagnes turques. Et la théorie de la mobilisation des ressources de l'action collective permet de considérer l'agencéité politique des paysans, pour qui l'organisation et la manifestation sont des moyens de pouvoir. Ces théories, en reproduisant l'opposition binaire entre l'émeute et le mouvement social – le rationnel et l'irrationnel, le routinier et le non-routinier, l'organisé et le spontané –, ne donnent toutefois qu'une image très partielle de la situation. Je montre ici que le concept d'encadrement de Timothy Mitchell est un outil utile pour comprendre les formes conflictuelles de l'action collective dans la Turquie rurale, qui remettent en cause un pouvoir qui s'emploie à créer un effet d'externalité pour se reproduire lui-même. L'espace théorique ainsi ouvert permet de déconstruire l'opposition entre les six termes susmentionnés.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais Rural protests and political unrest over the issue of hydroelectric power plants in Turkey
Hydroelectric power plant projects came into the political agenda of Turkey together with the proliferation of these projects all over the country to be constructed and managed by private companies. As rivers in the countryside started to be taken into the pipes for the purposes of energy production by the private sector, local people have arisen their voices to hinder them through different strategies and practices : they break into the meetings, formed camps near HEPP construction area, attack the company representatives with eggs, entered into severe debates with gendarme etc. This paper examines the rural protests against HEPPs by focusing on the context in which they emerged, the positions and discourses of the agents in these riots and the responses of the state and the private companies. In many cases, the protests arise spontaneously and in an disorganized way together with a feel of anger and as a reaction to possible devastating impacts of HEPPs in the lives of rural communities. However as the projects and struggle against them deepen and proliferate towards diverse rural localities in the country, different forms of organization start to being formed such as associations and platforms for a common struggle. In this context it is necessary rethink the boundary drawn between riots and social movements to be able to comprehend the overall picture of the expanding rural unrest all over the country. In order to understand the emergence of these rural unrests, the breakdown theory helps to analyze the rise of affective responses in relation to the socio-economic destruction and disillusion in countryside of Turkey. Resource mobilization theory of collective action pave the way to consider the political agency of the peasants that get organized and protest as a means of power. Yet, as they reproduce the binary oppositions between riots and social movements – such as the irrational and rational, routine and non-routine, spontaneous and organized – these theories lack in providing a complete picture. I argue that Timothy Mitchell's concept enframing provides a fertile ground to comprehend the contentious forms of collective action in rural Turkey, which directly question and attack the very power which creates an externality effect to reproduce itself, thus open a theoretical space to deconstruct these constructed boundaries between irrational vs rational, routine vs non-routine and spontaneous vs organized.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=LHS_187_0015