Titre | Hiérarchie de la crédibilité et autonomie de la recherche. | |
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Auteur | Michel Trépanier et Marie-Pierre Ippersiel | |
Revue | Actes de la recherche en sciences sociales | |
Numéro | no 148, juin 2003 Entreprises académiques | |
Rubrique / Thématique | Entreprises académiques |
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Résumé | Hiérarchie de la crédibilité et autonomie de la recherche. L'impensé des analyses des relations université-entreprise L'examen des principales caractéristiques des travaux portant sur les relations entre les institutions de recherche et les entreprises soulève des interrogations méthodologiques - le choix des cas étudiés et la capacité de généraliser à partir de ceux-ci - qui fournissent l'occasion de jeter un regard critique sur le processus de production des connaissances en sciences sociales. On observe dans les travaux récents une nette tendance à choisir des objets de recherche similaires, les chercheurs retenant très majoritairement des cas de réussite impliquant un nombre restreint d'acteurs peu représentatifs de l'ensemble des pratiques. Nonobstant cette limitation, les résultats sont souvent généralisés à l'ensemble du phénomène étudié. Ainsi, la multiplication des études portant sur le MIT ou l'université Stanford laisse dans l'ombre l'examen des échecs en matière de collaboration entre l'enseignement supérieur et l'industrie. La focalisation des travaux sur les États-Unis indique que la répartition des travaux correspond à la hiérarchie des puissances mondiales dans le champ scientifique et que les chercheurs reprennent à leur compte le classement qui prévaut dans le champ qu'ils prennent pour objet. Sur ce plan, il est clair que le statut élevé d'un cas au sein du groupe étudié exerce une rétroaction positive sur le statut de celui qui l'étudié. Un idéal type de la relation entre une entreprise et une institution de recherche se dégage de cette analyse : une équipe de chercheurs de haut niveau travaillant dans le secteur biomédical et appartenant à une université américaine « prestigieuse», qui poursuit des activités de recherche pour ou en collaboration avec une grande entreprise ou une PME de haute technologie du même domaine, et qui possède le personnel et les expertises nécessaires à une relation fructueuse ainsi qu'à l'utilisation optimale des résultats obtenus. Cet idéal type ne permet pas plus de cerner les relations entre les différents acteurs de l'innovation que de saisir la diversité des liens entre entreprises et institutions d'enseignement supérieur. On peut se demander comment les travaux étudiés parviennent alors malgré tout à s'imposer sur le plan scientifique. Une part de l'explication est d'ordre méthodologique : les cas retenus peuvent être considérés comme exemplaires dans la mesure où, pris un à un, ils analysent quelques-unes des caractéristiques principales du phénomène étudié. C'est pris collectivement comme corpus qu'ils posent problème car ils ne permettent pas de produire une connaissance générale du phénomène. Un second aspect de l'explication tient au faible degré d'autonomie des sciences sociales et à la propension des chercheurs à accepter des objets empiriques qui s'inscrivent « naturellement » dans les préoccupations gouvernementales : les histoires de succès, le secteur biomédical et la biotechnologie, les universités de pointe, etc. | |
Résumé anglais | Hierarchy of credibility and autonomy of research. The hidden aspects of research-industry relations and its effects Examination of the main characteristics of the studies on relations between research institutions and firms raises some methodological questions - selection of cases to be studied and capacity to generalize on these grounds - that provide an opportunity to cast a critical look at the process of knowledge production in the social sciences. Recent studies show a clear tendency to choose similar research objects, as in the great majority of cases researchers retain cases of success involving a small number of actors who do not really represent general practice. Notwithstanding this limitation, the findings are very often generalized to the overall phenomenon under study. Thus the multiplication of studies on MIT or Stanford University neglect to examine failed collaborations between higher education and industry. The tendency to focus on the US indicates that the distribution of the studies corresponds to the hierarchy of world powers in the scientific field and that researchers adopt the prevailing classification in the field they take as their object. Here the elevated status of a case within the group studied clearly exerts a retroactive positive influence on the status of the person doing the study. An ideal-typical relationship between an enterprise and a research institution emerges from this analysis: namely a high-level research team working in the biomédical sector in a "prestigious" American university that is doing research for or in collaboration with a large firm or a small or medium-sized high-tech company in the same area, and which has the personnel and expertise needed for a productive relationship as well as the optimal utilization of the results obtained. This ideal-type does not allow one to identify the relations between the different actors of innovation or grasp the diversity of the ties between firms and institutions of higher learning. One may wonder how these studies nevertheless manage to gain scientific recognition. Part of the explanation has to do with methodology: the cases selected can be regarded as exemplary insofar as each one on its own analyses a few of the principal characteristics of the phenomenon studied. It is when they are taken together as a corpus that they pose a problem, for they do not lead to the production of a general knowledge of the phenomenon. A second part of the explanation has to do with the lack of autonomy enjoyed by the social sciences and with the researchers' propensity to accept empirical objects that "naturally" feature among governmental preoccupations: success stories, the biomédical and biotechnology sectors, leading-edge universities, etc. | |
Article en ligne | http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_2003_num_148_1_3324 |