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Titre Servitude et travail à la fin du Moyen Âge : La dévalorisation des salariés et les pauvres « peu méritants »
Auteur Giacomo Todeschini
Mir@bel Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales
Numéro vol 70, no 1, janvier 2015 Lire Le capital de Thomas Piketty - Recherche historique et enseignement secondaire
Rubrique / Thématique
Dossier - Lire Le capital de Thomas Piketty
Page 81-89
Résumé Par l'analyse qu'il fait de la fausse méritocratie comme argument utilisé par les économistes néolibéraux pour justifier les inégalités économiques croissantes, Thomas Piketty sollicite, dans Le capital au XXIe siècle, une réflexion des historiens à propos de la représentation des salariés aussi bien dans la pensée économique que dans les politiques administratives des époques préindustrielles en Occident. Ce regard porté sur ceux que la tradition textuelle théologique, économique et gouvernementale appelait les mercenarii, c'est-à-dire les salariés, révèle que, à partir du XIIIe siècle, l'Europe chrétienne des élites alphabétisées a interprété le travail manuel comme le signe d'une compétence utile et en même temps dévalorisante d'un point de vue social et politique. L'ancienne idée romaine du salaire comme auctoramentum servitutis, preuve d'une servitude, réapparaît sous une forme réélaborée à la fin du Moyen Âge en se transformant en un discours complexe organisé par les juristes, les théologiens et les pouvoirs locaux sur l'incompétence intellectuelle et la nécessaire marginalité politique des salariés en tant que travailleurs manuels. L'idée selon laquelle le travail salarié signale une condition de servitude et de manque d'intelligence caractérise au début de l'époque moderne autant les œuvres littéraires que la rationalité économique dominante représentée par les premiers économistes « scientifiques ».
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais Servitude and Work at the Dawn of the Early Modern Era : The Devaluation of Salaried Workers and the “Undeserving Poor” Thomas Piketty's analysis of the way that neoliberal economists use false meritocracy to justify growing economic inequalities, as set out in his Capital in the Twenty-First Century, invites historians to reconsider the representation of workers in the economic thought and administrative politics of preindustrial Western Europe. This renewed focus on those who were termed mercenarii in theological, economic, and legal texts, namely salaried workers, shows that from the thirteenth century the literate elites of Christian Europe interpreted manual labor as the sign of a competence that was useful but also socially and politically devalorizing. The ancient Roman conception of salary as auctoramentum servitutis, that is as evidence of servitude, reemerges at the end of Middle Ages in the guise of a complex theological, legal, and governmental discourse about the intellectual incompetence and necessary political marginality of salaried workers as manual laborers. At the dawn of the modern age, the representation of salaried labor as a social condition corresponding to a state of servitude and lack of intellect characterizes both literary works and the economic rationality embodied by the first “scientific” economists.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ANNA_701_0081