Titre | Développer le désert : anciennes et nouvelles utopies | |
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Auteur | Jean-Robert Henry, Jean-Louis Marçot, Jean-Yves Moisseron | |
Revue | L'année du Maghreb | |
Numéro | Vol. VII, 2011 Dossier : Sahara en mouvement | |
Rubrique / Thématique | Dossier de recherche : Sahara en mouvement L'invention du Sahara : découvertes et utopies |
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Page | 115-147 | |
Résumé |
Désert et développement : deux termes en apparence antinomiques, mais qui ont souvent été associés étroitement dans les imaginaires et les pratiques. Aussi bien dans les traditions religieuses méditerranéennes que sous les habits successifs de « progrès », de « développement » et de « mondialisation », l'idée de civilisation a maintes fois trouvé dans la référence au désert son contraire, son révélateur et son complément : quand la civilisation échoue à conquérir le désert, c'est à celui-ci qu'elle retourne. Cette interaction des représentations autour des variantes contemporaines du rapport culture/nature n'a cessé d'inspirer depuis deux siècles une abondante littérature sur le désert, dans laquelle la relation de celui-ci avec l'espace développé n'est pas seulement confrontation entre deux espaces, mais aussi entre deux temps mythiques du monde, deux visions du destin humain. Cet imaginaire se projette aussi dans les utopies pratiques – anciennes et nouvelles – de mise en valeur du désert. La présente contribution a choisi de porter l'accent sur deux d'entre elles, sensiblement différentes dans leur moment, leur esprit et leurs effets : les projets d'irrigation du désert et ceux d'exploitation de l'énergie solaire. Les premiers qui visaient à mobiliser les ressources hydriques du désert pour le « faire reverdir » et élargir l'espace cultivé ont suscité, à la fin du XIXe siècle, l'intérêt très vif de scientifiques et d'hommes politiques, mais n'ont été finalisés, comme le transsaharien, que dans les romans. Il a fallu attendre les indépendances pour que des États postcoloniaux les reprennent en partie à leur compte. Pour le solaire, il s'agit moins de développer le désert que de mettre l'énergie stérilisante du soleil au service du développement durable de toute la région euro-méditerranéenne. Le Plan solaire méditerranéen, projet-phare de l'Union pour la Méditerranée, suscite l'intérêt financier et technologique de grandes entreprises qui s'investissent dans les énergies renouvelables et rêvent de faire du Sahara la future centrale énergétique de l'Europe. Mais, en rattachant trop étroitement ce désert au développement européen, il fait bon marché des attentes plus modestes des sociétés sahariennes en matière de mise en valeur de leur espace de vie et risque de se heurter à des déconvenues politiques et techniques considérables. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Résumé anglais |
Desert and Development: Two seemingly contradictory terms, though often closely associated in practices and imaginations. In both the religious traditions of the Mediterranean and under the successive labels of "progress", "development" and "globalization", the idea of civilization has repeatedly found its opposite, its enhancer and its complement when referring to the desert: when civilization fails to conquer the desert, it reverts to desert. The interaction of representations around the contemporary variants of the Culture / Nature relation has ceaselessly fueled for two centuries an extensive literature on the desert, in which the relation between desert and developed space is not only a confrontation between two spaces, but also between two mythical eras of the world, two visions of human destiny.This vision is also projected into practical utopias – old and new – of desert enhancement. This study will focus on two of them – significantly different in time, spirit and effects: the desert irrigation projects and the plans for solar energy exploitation. The former aimed at mobilizing water resources in the desert to “make it grow green again” and expand cultivated areas; they sparked great interest among scientists and politicians in the late 19th century but were only finalized, like the trans-Saharan railway, in novels. It was not until independence that post-colonial States took over part of the projects.The solar energy project is less about developing the desert than it is about using the sun's sterilizing energy for sustainable development throughout the Euro-Mediterranean region. The Mediterranean Solar Plan, a flagship project of the Union for the Mediterranean, is backed by large financial and technology companies who invest in renewable energy and dream of the Sahara as the future powerhouse of Europe. But by associating the desert too closely to European development, little space is left to the expectations of Saharan societies for the development of their living space and the project is likely to encounter considerable technical and political setbacks. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Article en ligne | http://anneemaghreb.revues.org/1167 |