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Titre ‪Morale de la stratégie, stratégie de la morale : le débat chinois sur la guerre juste‪
Auteur Jean Levi
Mir@bel Revue Extrême-Orient, Extrême-Occident
Numéro no 38, 2015 La Guerre en perspective : histoire et culture militaire en Chine
Rubrique / Thématique
II. Stratégies et idéologie : les fondements militaires de la culture classique
Page 99-127
Résumé Pour beaucoup de peuples la guerre est avant tout une fête, cruelle certes, mais fête tout de même. En Chine même, à l'époque des Shang et sous les Zhou occidentaux, la guerre constituait, avec la chasse, la principale activité de l'élite de la société. Pourtant, tous les traités militaires de l'époque ultérieure ont à cœur de stigmatiser la guerre : il faut écouter le concert de lamentations des généraux et stratèges sur le caractère destructeur de leur activité. Le caractère jugé néfaste de la guerre est l'expression, sur le plan de la pensée, de la mutation de la nature de la guerre et du statut du guerrier. Il témoigne du passage d'une société guerrière, ayant développé une mentalité héroïque, à un ordre militarisé véhiculant des valeurs civiles, lesquelles ne pouvaient coexister avec lui qu'en en travestissant sa véritable nature par le discours, alors même que toutes les institutions étaient conçues pour soutenir l'effort de guerre. Si la guerre traduit une défaillance de la vertu civilisatrice du chef, elle s'avère aussi l'unique moyen d'assurer le retour à l'ordre et de garantir la justice. C'est ainsi que l'on voit s'esquisser dans les écrits politico-militaires une légitimation de la guerre juste (yi bing), qui, précisons-le, se doit de l'être doublement, dans ses buts comme dans ses moyens. Cette notion de guerre juste devient elle-même polémique quand les penseurs en précisent les modalités et les moyens. À compter qu'il existe une guerre juste et des objectifs justifiant le recours aux armes, on peut se demander si les moyens que celle-ci doit mettre en œuvre pour emporter la victoire, dans une certaine pratique stratégique élaborée à partir de l'expérience historique des Ve-IIIe siècles av. J.-C., n'en sapent pas d'entrée de jeu la légitimité.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais For many peoples in the world, war is above all a festivity, a cruel one needless to say, but a festivity all the same. In China, during the Shang era and under the Western Zhou, the main activity of the elite, apart from hunting, was war. However, military treatises from later periods stigmatize war, as is clear from the lamentations of generals and strategists on its disastrous effects. The negative prevalent opinion on war, an activity deemed to be nefarious, reflected the profound change in the nature of war and in the status of warriors. The demise of a warrior culture that had forged a heroic mentality had been replaced by a militarised order conveying civil values that could only exist alongside the new order by betraying its true nature through discourse, while in fact the role of all its institutions was to support the war effort. While the event of war was seen as revealing a fault in the civilising virtue of the leader, it was also considered to be the only way to restore order and to guarantee justice. So the outline of the legitimization of the just war (yi bing) began to appear in politico-military writings, with the war needing to be doubly just, both in its aims and in its means. The notion of the just war becomes polemical in itself when its methods and means are clearly stated by the thinkers. Given the existence of a just war and of objectives justifying the call to arms, one may ask whether such means as required to ensure victory, using the kind of strategy developed through experience from history in the 5th to 3rd centuries BCE, undermine the legitimacy of war before it even begins.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=EXTRO_038_0099