Titre | Deux regards sur le travail ouvrier. A propos de Roy et Burawoy, 1945-1975. | |
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Auteur | Pierre Fournier. | |
Revue | Actes de la recherche en sciences sociales | |
Numéro | no 115, décembre 1996 Les nouvelles formes de domination dans le travail (2) | |
Rubrique / Thématique | Les nouvelles formes de domination dans le travail (2) |
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Résumé | Deux regards sur le travail ouvrier. Par le renversement de la question qui fait passer de « pourquoi les ouvriers refusent-ils de produire plus ? » à « pourquoi acceptent-ils de produire autant? », les contributions de Roy et de Burawoy, fondées sur deux enquêtes menées à trente ans d'intervalle sur un même terrain industriel, débordent les raisonnements de l'en- cadrement pour lequel l'intérêt économique serait le seul ressort légitime de l'action individuelle au travail. La limitation de la production se révèle une pratique collective multiforme qui cache des moments de travail d'une grande intensité où les ouvriers s'inventent des jeux auxquels se prendre pour rendre supportable leur condition et des garde-fous que les ouvriers mettent en place contre eux-mêmes en fixant des niveaux de production à ne pas dépasser pour ne pas se laisser emporter par ces jeux qui ont des effets de cohésion sur le groupe ouvrier. Si Roy et Burawoy ont pu révéler ces modes de régulation sociale du collectif de travail et ces systèmes de classement originaux en son sein, qui conduisent à l'évaluation et à la distribution des prestiges sociaux entre les travailleurs de l'atelier, c'est par le choix qu'ils ont fait de l'observation participante comme méthode d'enquête. Celle-ci réclame, comme les autres méthodes, un retour réflexif sur les conditions de sa mise en œuvre, ne serait-ce que pour évaluer les limites que ses modalités précises (selon par exemple qu'elle est déclinée à l'insu des enquêtes comme le fait Roy ou, comme Burawoy, à découvert) imposent à la qualité des informations recueillies. Les analyses du travail ouvrier, tirées de l'observation sont directement fondées sur des constats empiriques singuliers, matérialisés par les notes de terrain de Roy, que Burawoy utilise comme matériau secondaire, en plus de ses propres notes, dans un souci comparatiste. | |
Résumé anglais | Two views of factory labor. Turning the question «why do workers refuse to produce more » around to read « why are they willing to produce so much », the contributions by Roy and Burawoy, based on two surveys conducted in the same industry thirty years apart, go beyond the managerial reasoning in which economic interest is regarded as the only legitimate motive for individual action in the workplace. Limiting production is shown to be a multiform practice which conceals moments of intense effort wherein, to make their condition liveable, workers invent games in which they become caught up, as well as protective mechanisms which set maximum production levels lest they get carried away by these, games which have a cohesive effect on the work group. The reason Roy and Burawoy were able to uncover these social modes of regulating worker groups and their original systems of classification, which lead to assessing and distributing social prestige among the members of the shop, was that they chose to conduct their study as participant observers. Like other methods, this too requires reflection on the conditions of its implementation, if only in order to gauge the limitations its specific modalities (e.g. depending on whether it is conducted unbeknown to the subjects, as Roy did, or openly, as Burawoy chose to do) impose on the quality of the information gathered. The analyses of the work in question, drawn from their observations, are based directly on singular empirical observations materialized by Roy's field notes, which Burawoy uses, as a secondaiy source, in addition to his own notes, in a comparatist perspective. | |
Article en ligne | http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1996_num_115_1_3206 |