Contenu de l'article

Titre Le droit de "mal écrire". Trois cas helvétiques (XVIIIe-XXe siècle).
Auteur Jérôme Meizoz.
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 111-112 mars 1996 Littérature et politique
Rubrique / Thématique
Littérature et politique
Résumé Le droit de mal écrire À travers les cas de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), de Rodolphe Töpffer (1799-1846) et de Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947), tous trois formés dans l'espace linguistique de la Suisse romande, cet article étudie la réception parisienne des écarts d'écriture, revendiqués ou non, par lesquels se signalent les différences nationales. Atténués ou accentués selon la conjoncture historique, ces écarts peuvent faire l'objet de violentes remises à l'ordre. Mais, au prix d'un travail de légitimation accompli par la critique (ainsi Sainte-Beuve commentant Töpffer, Claudel défendant Ramuz), ils peuvent aussi être perçus comme des effets de style. Les enjeux de ceux-ci dépassent la simple dimension esthétique. Le style si particulier de Ramuz, par exemple, apparaît à la fois comme une production individuelle et une réponse polémique aux règles tacites du champ littéraire français. Déplorant le fossé entre les français régionaux parlés et la norme standard de l'écrit, de nombreux écrivains des régions francophones périphériques refusent d'aligner entièrement leur écriture sur le français « de Paris ». Un enjeu littéraire peut ainsi naître d'un décalage géohistorique des champs : de nombreux cas suisses romands, québécois, belges ou les mouvements antillais d'aujourd'hui présentent des similitudes frappantes dans leur ardeur à débaucher le français « de Paris » afin de construire leur identité.
Résumé anglais The right to write badly Using Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Rodolphe Töpffer (1799-1846) and Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947), all three shaped in the French linguistic space of Switzerland, this article looks at the welcome Paris reserves for deviations from standard written practice, a point of pride or shame that announces national differences. Attenuated or accentuated, depending on the historical moment, these deviations may be the object of a violent bringing into line. But at the cost of a labor of legitimation undertaken by the critics (e.g. Sainte-Beuve's remarks on Töpffer, Claudel's defense of Ramuz) ; they can also be perceived as effects of style. More is at stake than simply esthetics, however. Ramuz' highly personal style, for instance, appears both as an individual production and a polemical response to the unspoken rules of the French literary field. Deploring the chasm between regional variants of spoken French and the standard written version, many authors around the French-speaking periphery refuse to align their style on the French "of Paris". A literary issue may thus emerge from a geohistorical gap between fields : many cases in French-speaking Switzerland, Quebec, Belgium or the West Indies present striking similarities in their enthusiastic debauching of the French "of Paris" the better to construct their own identity.
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1996_num_111_1_3171