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Titre Le mythe des premiers réfugiés climatiques : mouvements de populations et changements environnementaux aux îles Torrès (Vanouatou, Mélanésie)
Auteur Patricia Siméoni, Valérie Ballu
Mir@bel Revue Annales de géographie
Numéro no 685, 2012/3
Page 219-241
Résumé Depuis la fin des années 1990, la montée du niveau de l'océan aux îles Torrès, dans le nord de l'archipel du Vanouatou, a provoqué l'inquiétude des communautés locales et internationales. En 2004, le village de Lataw sur l'île de Tégoua fut déplacé de plusieurs centaines de mètres avec le soutien du gouvernement du Vanouatou et de l'aide canadienne. Sur la scène internationale, ces villageois devinrent les « premiers réfugiés climatiques » de l'Histoire, et furent présentés comme les victimes du réchauffement. Notre étude porte sur deux villages de deux îles différentes du groupe qui ont vu au cours des douze dernières années leur morphologie côtière évoluer, un phénomène interprété comme lié au réchauffement climatique et à son corollaire : la montée des océans. Cet article présente une analyse des données géophysiques et eustatiques expliquant la variation relative du niveau marin. S'il contribue à la montée des eaux, le réchauffement climatique n'a pas le rôle dominant qui lui a été attribué dans les inondations observées aux Torrès. En effet, les mouvements tectoniques soudains (séismes) ou plus lents nommés intersismiques (entre les séismes), ainsi que des variations temporaires du niveau marin dans le bassin Pacifique liées par exemple à l'oscillation australe (El Niño et La Niña) sont les principaux responsables de la rapide montée des eaux observée sur la période 1997-2009. Les Torrès sont constituées d'un groupe d'îles faiblement peuplées dont les vicissitudes démographiques ont fortement contribué à la distribution contemporaine des habitants. Aujourd'hui essentiellement côtiers, les Torrésiens ne l'ont pas toujours été. Ils sont plus sensibles aux changements environnementaux littoraux que du temps où ils résidaient à l'intérieur des terres. Par ailleurs, leurs croyances en certains pouvoirs surnaturels qui pouvaient commander les éléments naturels subsistent mais de façon approximative au cœur de leurs nouvelles valeurs chrétiennes. Ces dernières n'étant pas axées sur la compréhension de l'environnement, elles n'aidèrent pas particulièrement les insulaires à moderniser leur perception des dangers environnementaux.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The myth of the first climatic refugees : population movements and environmental changes in the Torres island (Vanuatu, Melanesia) Since the late 1990s, local and international communities have become increasingly concerned about rising sea levels in the Torres Islands, at the northern end of the Vanuatu archipelago. In 2004, Lataw village on Tegua Island was displaced by several hundred meters with help from Canada and the Vanuatu government. On the international scene, the Lataw villagers have been cited as history's first climatic refugees : innocent victims of global warming. Our study focuses on two villages belonging to two different Islands, where the coastal morphology has evolved in the past decade, which has been interpreted as a result of global warming and its “corollary” : the sea level rise. This article also presents an analysis of geophysical and eustatic data explaining the observed relative sea level rise : while global warming may contribute to present-day sea level rise, it did not play the dominant role in the flooding of Torres coastal lands. Instead, tectonic movements — both sudden (earthquakes) and gradual (in between earthquakes) — and pluriannual El Niño/La Niña events over the 1997-2009 period play the major role. The Torres Islands are scarcely populated, and the present-day distribution of the population is inherited from various demographic transformations. Although most of the population now lives near the coast, this was not always the case. This coastal migration makes the inhabitants more sensitive to environmental changes than they were before. In addition, their understanding of environmental problems — coded within beliefs in supernatural powers driving natural elements — has been weakened by the suppression of traditional beliefs in favor of Christian values. The latter, which are not oriented towards understanding and reacting to environmental problems, do not contribute to modernizing islander's perception of environmental threats.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=AG_685_0219