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Titre Énonciation, interaction, conversation : les théories du langage entre le psychique et le social
Auteur Jean-Louis Chiss, Christian Puech
Mir@bel Revue Histoire, Epistémologie, Langage
Numéro vol.11, n°2, 1989 Extension et limites des théories du langage (1880-1980)
Rubrique / Thématique
Extension et limites des théories du langage (1880-1980). Jean-Louis Chiss et Claudine Normand [Dirs.]
 Articles
Page 7-36
Résumé La notion d" interaction, omniprésente dans les travaux divers qui, aujourd'hui, cherchent à rendre aux échanges linguistiques leur dimension sociale ou micro-sociale ou encore cherchent à fournir aux conceptions du « lien social » la dimension linguistique qui peut leur manquer, rencontre, inévitablement et dans une systématicité problématique, les thèmes de renonciation, du dialogue, de l'intersubjectivité langagière, de la socialite linguistique. L'article cherche donc, de manière essentiellement exploratoire et programmatique, à mettre en cause l'idée largement répandue selon laquelle la linguistique formelle - celle issue de Saussure et de Chomsky - ne se serait constituée que du refoulement radical de ces questions. A titre de symptôme : Benveniste et Jakobson ont pu, de manière emblématique- sinon développée -attirer l'attention sur la nécessité d'un déplacement du cadre transcendantal traditionnel de la linguistique vers celui d'une intersubjectivité fondamentale. De fait, il s'agit de suggérer la possibilité de suivre, à partir du XIXe siècle, les traces d'un intérêt de connaissance largement transdisciplinaire organisé autour de deux thèmes principaux que l'enquête s'efforce de préciser. Il s'agit d'une part de la question du langage intérieur qui, de V. Egger à Benveniste, de psychologie en linguistique, ouvre le champ d'un espace intra- mental ou s'articuleraient le dialogique et le dialogal. Il s'agit d'autre part du thème de la socialite d'essence linguistique que l'esquisse d'analyse conversationnelle fournie par G. Tarde représente de manière particulièrement parlante et où, à travers la métaphore du « lien », c'est-à-dire selon H. Kelsen, la spatialisation des phénomènes inter-psychiques, se jouent pour une part les rapports de la psychologie, de la sociologie et de la linguistique. Au-delà des pistes de recherche suggérées ici, il faudrait sans doute revenir sur l'idée d'un partage tranché dans la tradition linguistique entre un rationalisme abstrait d'une part, et un empirisme sans principe de l'autre. La dynamique de certains travaux récents, qu'ils relèvent de l'interactionisme symbolique (Goffman) ou d'une pragmatique du « troisième type » (Berrendonner), invite à penser que l'avenir de la notion d'interaction dépend peut-être autant de l'aptitude des théoriciens à assumer l'histoire de leurs intérêts de connaissance, que de la rigueur et de l'inventivité avec laquelle ils parviendront à formaliser l'expérience des locuteurs au sein de la communauté.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais The notion of interaction is omnipresent today in the various works that are attempting to restore to linguistic exchanges their social or micro- social dimension, or to provide a linguistic dimension for conceptions of the « social bond » that lack it ; this notion inevitably encounters the themes of enunciation, dialogue, language intersubjectivity, and linguistic sociality, the systemacity of which is problematic. The article therefore attempts, in an essentially exploratory and programmatic way, to place in question the widely accepted idea that formal linguistics - the linguistics which descends from Saussure and Chomsky - only came into being by radically repressing these questions. Symptomatic is the fact that Benveniste and Jakobson alluded to (without further developing) the necessity of shifting the traditional transcendental framework of linguitics towards a fundamentally intersubjective one. It is suggested that, starting in the last third of the 19th century, one can find traces of a broadly transdisciplinary cognitive interest organized around two main themes ; these latter the study endeavors to define. What is on the one hand the question of interior language, which, moving from V. Egger to Benveniste, and from psychology to linguistics, opens up the field of an intra-mental space in which the dialogic and the dialogal interconnect. On the other hand there is the theme of the linguistic essence of sociality, which is represented in a particularly suggestive way in G. Tarde's rough sketch of an analysis of conversation ; here, through, the metaphor of the « link », that is, in the terms used by H. Kelsen, the spatialization of inter-psychic phenomena, the relationships between psychology, sociology and linguistics are partly played out. In addition to the research orientations suggested here, the idea of a clear-cut division in the linguistic tradition between an abstract rationalism and an unprincipled empiricism, should doubtlessly be reconsidered. The dynamic of certain recent works, whether they associated with symbolic interactionism (Goffman) or with a pragmatics « of the third kind » (Berrendonner), suggests that the future of the notion of interaction will depend as much on the ability of theoreticians to accept the history of their cognitive interests, as on the rigorousness and inventiveness with which they will succeed in formalizing the experience of speaking subjects within the community.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne https://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_1989_num_11_2_2296