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Titre Les paradoxes de la supervision : Le « règne du droit » à l'épreuve de la situation coloniale dans l'Inde britannique, 1772-1781
Auteur Gildas Salmon
Mir@bel Revue Politix
Numéro vol. 31, no 123, 2018 Paradoxes de la modernité
Rubrique / Thématique
Dossier : Paradoxes de la modernité
Page 35-62
Résumé L'ambition affichée par les Britanniques d'instaurer le « règne du droit » dans les provinces conquises par la Compagnie des Indes à la fin du XVIIIe siècle recouvre un projet de modernisation paradoxal, distinct de la rhétorique de la mission civilisatrice qui s'imposera au XIXe siècle : gouverner les Indiens selon leurs propres lois mieux qu'eux-mêmes ne sont capables de le faire. À travers l'analyse d'une affaire cruciale pour l'histoire du système judiciaire impérial, l'affaire de Patna, cet article met en évidence la faillite du dispositif mis en place par la puissance coloniale pour faire contrôler par des juges anglais l'administration du droit musulman dans les tribunaux du Bengale. Ce faisant, l'enjeu n'est pas seulement d'illustrer les difficultés auxquelles se heurte le mode d'exercice du pouvoir privilégié par les Britanniques, la supervision, dans un empire où coexistent plusieurs formes de droit hétérogènes. Il est également d'esquisser à partir des formes de réflexivité déployées en situation par les administrateurs coloniaux une généalogie de l'orientalisme, en montrant comment et pourquoi un savoir capable d'objectiver les systèmes juridiques propres aux peuples colonisés dans leur différence avec celui des colonisateurs est devenu nécessaire à l'exercice de la gouvernementalité impériale.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The Paradoxes of supervision
The desire shown by the British to establish the “rule of law” in the provinces conquered by the East India Company in the late eighteenth century was part of a paradoxical modernization project, distinct from the rhetoric of the civilizing mission that prevailed in the nineteenth century. They sought to govern the Indians according to their own laws better than they themselves were able to do. Through the analysis of a crucial case for the history of the imperial judicial system, the Patna case, this article highlights the bankruptcy of the mechanisms set up by the colonial power to control the administration of Muslim law in the courts of Bengal with British judges. In doing so, my aim is not only to illustrate the deadlocks encountered by the British in the exercise of a mode of power whose importance has passed unnoticed so far, i.e. supervision, in an empire where several heterogeneous forms of law coexisted. It is also to sketch a genealogy of Orientalism on the basis of the situated forms of reflexivity deployed by the colonial administrators, showing how and why a knowledge capable of objectifying the legal systems specific to the colonized peoples, in their difference with that of the colonizers, became necessary for the exercise of imperial governmentality.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=POX_123_0035