Titre | L'an I de la révolution sandiniste | |
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Auteur | Gilles Bataillon | |
Revue | Problèmes d'Amérique Latine | |
Numéro | no 116, printemps 2020 Amérique centrale 1979-2020 | |
Rubrique / Thématique | Dossier - Amérique centrale 1979-2020. Permanence et réaménagement du jeu des concurrents pour le pouvoir |
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Page | 11-60 | |
Mots-clés (matière) | église catholique guerre civile histoire opposition politique parti politique programme politique régime politique relations bilatérales relations Eglise-Etat révolution situation politique | |
Mots-clés (géographie) | Etats Unis Nicaragua | |
Résumé |
Dernière révolution du XXe siècle, la révolution sandiniste du 19 juillet 1979 incarna l'espoir d'une « troisième voie », un gouvernement composite s'engageait à promouvoir un régime démocratique et non aligné. Pourtant deux ans plus tard, le pays entra dans une nouvelle phase de guerre civile, opposant le Front sandiniste de libération nationale à une pléiade d'opposants armés soutenus par les États-Unis. Ce basculement d'une situation où un gouvernement pluraliste et non aligné vit une de ses composantes, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), se transformer en parti-État aux prétentions totalitaires, a fait l'objet de deux grandes interprétations. La première voit dans la montée en force du FSLN le résultat d'une « radicalisation » des secteurs populaires accentuée par l'agression des États-Unis ; la seconde souligne au contraire comment le cours nouveau des événements tint à la volonté des sandinistes d'imposer leur hégémonie, de construire un régime allié du bloc soviétique et, ce faisant, de briser un régime démocratique naissant.C'est une autre lecture des événements que l'on veut proposer. Si la révolution nicaraguayenne mit bien fin à une dictature, si elle s'affirma comme pluraliste et non alignée, elle n'en institua pas pour autant une matrice démocratico-libérale qui aurait été par la suite subvertie par le seul FSLN. Les différentes composantes révolutionnaires remirent au goût du jour le vieux système de pactes oligarchiques qui était en vigueur avant la prise du pouvoir par les Somoza. Ils y admirent de nouveaux concurrents pour le pouvoir, le FSLN et de nouveaux partis, mais ils préservèrent tous les habitus politiques en vigueur : l'idée que la politique devait être entre les mains du petit nombre ainsi que la préférence pour les coups de forces et les arrangements au sommet aux dépens de la remise en cause périodique et régulière du pouvoir. De même tous tinrent-ils en suspicion, pour des motifs différents, les principes démocratiques de séparation des pouvoirs et d'autoconstitution du social.C'est dans ce cadre que le FSLN organisa sa prise en main du nouvel appareil d'État, tandis que ses associés rivaux jouèrent avec lui le jeu qui avait été longtemps celui à l'honneur sous la dictature des Somoza. Tous eurent soif de pactiser avec le FSLN en ayant avant tout pour souci de défendre des intérêts purement catégoriels et la participation à un système de prébendes. Cette bureaucratisation « par en haut », s'accompagna d'une bureaucratisation « par en bas ». Le FSLN sut en effet attirer à lui toute une série de femmes et d'hommes aspirant à des responsabilités et à des destins nouveaux, femmes et hommes qui peuplèrent les organisations de masse du FSLN et les nouvelles institutions de l'État. C'est dire que si l'an I de la révolution se caractérisa à l'évidence par la mise en place du pouvoir d'un parti-État aux prétentions totalitaires, cette mutation s'articula et se fonda avant tout sur la remise à neuf des vieux habitus politiques nicaraguayens, ce que Charles Anderson nomma le « jeu des concurrents pour le pouvoir ». Il ne s'agit donc nullement de la subversion d'un régime démocratique en lequel très peu de Nicaraguayens eurent foi lors des débuts de la révolution. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
Last revolution of the 20th century, the Sandinista revolution of July 19, 1979, embodied the hope of a “third way”, a composite government, committed itself to promote a democratic and non-aligned regime. Yet two years later, the country entered a new phase of civil war pitting the Sandinista National Liberation Front (FSLN) against a plethora of armed opponents supported by the United States. This shift from a situation in which a pluralist and non-aligned government saw one of its components, the FSLN transform itself into a party state with totalitarian pretensions, has been subject to two major interpretations. The first sees the rise in strength of the FSLN as the result of a “radicalization” of the popular sectors accentuated by the aggression of the United States. The second, on the contrary, emphasizes how the new course of events was the result of the Sandinistas' desire to impose their hegemony, to build a regime allied to the Soviet bloc and, in so doing, to break a nascent democratic regime.This is another reading of the events that we want to suggest. If the revolution of July 19, 1979 did put an end to a dictatorship, if it asserted itself as pluralist and non-aligned, it did not institute a democratic-liberal matrix that would later be subverted by the FSLN alone. The various revolutionary components revived the old system of oligarchic pacts that had been in force before the Somoza seizure of power. They admired the new contenders for power, the FSLN and new parties, but they preserved all the existing political habits: the idea that politics should be in the hands of a few, the preference for coups de force and top-down arrangements at the expense of periodic and regular questioning of power. Similarly, they all held in suspicion, for different reasons, the democratic principles of the separation of powers and social self-constitution.It was within this framework that the FSLN organized its takeover of the new State apparatus, while its rival associates played with it the game that had long been the game of honour under the Somoza dictatorship. All of them were eager to enter into a pact with the FSLN with the primary concern of defending purely categorical interests and participation in a system of prebends. This bureaucratization “from above” was accompanied by bureaucratization “from below”. The FSLN was able to attract to itself a whole range of women and men aspiring to new responsibilities and destinies, women and men who populated the FSLN's mass organizations and the new state institutions. In other words, while the first year of the revolution was clearly characterized by the establishment of the power of a party state with totalitarian pretensions, this change was articulated and based on the refurbishment of the old Nicaraguan political habits, what Charles Anderson called the “game of competitors for power”, not on the subversion of a democratic regime in which very few Nicaraguans had faith at the beginning of the revolution. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PAL_116_0011 (accès réservé) |