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Titre Images, sons et fabrique de la preuve : Mettre en scène la justice du côté soviétique au procès de Nuremberg (1945-1946)
Auteur Victor Barbat
Mir@bel Revue Cahiers du monde russe
Numéro volume 61, no 3-4, juillet-décembre 2020 Écritures visuelles, sonores et textuelles de la justice
Page 429-462
Résumé En novembre 1945, le Studio central de films documentaires de Moscou envoie une équipe d'opérateurs à Nuremberg pour filmer le procès des principaux criminels de guerre nazis. À l'issue des onze mois de procès, le Studio sort sur les écrans soviétiques, puis américains, le long métrage Sud Narodov (Le Tribunal des peuples, 1946 / The Nuremberg Trial, 1947). Devant à l'origine célébrer un événement historique, cette production s'inscrit en réalité dans la compétition politico- médiatique qui oppose l'Est à l'Ouest à la veille de la « guerre froide ». Dans la salle du tribunal de Nuremberg, les cinéastes soviétiques se partagent les tournages avec d'autres opérateurs dont une équipe du Signal Corps. S'il leur arrive de travailler de concert, la répartition des plages de tournage est stricte. Dans ces conditions, comment les cinéastes ont-ils pu réaliser leur film ? Quel fut leur parti pris dans la mise en scène de l'événement ? Et qu'est-ce qui le distingue de celui de leurs confrères américains ? Les choix des cinéastes soviétiques, s'ils répondent à des contraintes spécifiques, s'inscrivent plus largement dans une histoire des pratiques professionnelles. Ces pratiques se sont forgées dans les années 1920-1930, alors que la mise en scène de la justice devenait un enjeu politique majeur. Cet héritage constitue la toile de fond de la rhétorique sophistiquée déployée par le film réalisé à Nuremberg. L'articulation de ce double contexte permet non seulement de mieux caractériser les objectifs et les attentes suscités par cette entreprise, mais aussi de mettre en perspective les prétentions proprement historiographiques à l'origine de la démarche soviétique.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais In November 1945, the Central Studio for Documentary Film sent a team of cameramen to Nuremberg to film the trial of the main Nazi war criminals. At the end of the eleven months of trial, the Studio released the feature film Sud Narodov (The Peoples' Tribunal, 1946 / The Nuremberg Trial, 1947) on Soviet and American screens. Originally intended to celebrate a historic event, this production was in fact part of the political and media competition between East and West on the eve of the “Cold War.” In the Nuremberg courtroom, the Soviet filmmakers shared filming with other newsreels operators, including a team from Signal Corps. While they happened to work together, the distribution of filming windows was strict. Under these conditions, how did the filmmakers make their film? What were their biases in staging the event? And what distinguished them from the American filmmakers'? As I would like to show, while the Soviet filmmakers' choices were based on specific constraints, they were part of a larger history of professional practices. These practices were elaborated in the 1920s and 1930s, when staging justice became a major political issue. This legacy forms the backdrop for the sophisticated rhetoric of the film made in Nuremberg. This double context makes it possible not only to better characterize the objectives and expectations raised by this enterprise, but also to highlight the historiographical claims underlying the Soviet approach.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CMR_613_0429