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Titre "Aussi humainement que possible". Le CICR et les minorités allemandes de Pologne et de Tchécoslovaquie (1945-1950)
Auteur Anne-Laure Sans
Mir@bel Revue Relations internationales
Numéro no 122, avril-juin 2005 Nouvelles recherches
Rubrique / Thématique
Nouvelles recherches
Page 63
Résumé « Aussi humainement que possible ». Les déplacements des minorités allemandes de Pologne et de Tchécoslovaquie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ont précipité le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans une situation inédite, non couverte par les Conventions de Genève, au moment même ou l'institution genevoise essuyait de virulentes critiques sur ses activités durant la guerre. Cette étude vise d'une part à dessiner le bilan de l'action du CICR en faveur des minorités allemandes, et d'autre part, à dégager les leçons que l'organisation a tirées de cette expérience par rapport à sa mission traditionnelle. Après une première phase de secours empirique, les délégués du CICR commencèrent à jouer un rôle essentiel pour faciliter le départ des Allemands, suivant les accords de Potsdam en août 1945 et la reconnaissance par les grandes puissances du principe des transferts de population. Ils apportaient à la fois une aide matérielle dans les camps, mais aussi luttaient pour que les évacuations aient lieu « de manière humaine et ordonnée » selon les termes employés à Potsdam, et fournissaient aussi une assistance administrative, en servant de relais entre les autorités locales, les puissances d'occupation et les Allemands. Cependant, le Comité entrait dans une délicate phase de réorganisation institutionnelle et devait se concentrer sur son mandat initial concernant la protection des prisonniers de guerre, et par conséquent abandonner certaines de ses activités, dont celle en faveur des minorités allemandes. Pris en tenaille entre les gouvernements de l'Est qui refusaient de cesser les expulsions, et les Occidentaux qui tentaient de repousser les transferts à des jours meilleurs devant les difficiles conditions d'accueil en Allemagne, le CICR tenta alors d'obtenir le règlement politique et global de la question. Ses efforts diplomatiques restèrent vains pendant de longs mois, jusqu'à ce que le jeune gouvernement allemand de la République fédérale d'Allemagne n'exprime sa volonté de faciliter le retour des minorités allemandes de l'Est européen. L'action menée par le CICR en faveur des minorités allemandes a sans aucun doute su combler un vide qu'aucune autre organisation ne remplissait ou n'était à même de remplir. Mais il est tout aussi certain que les délégués se sentaient très souvent pris au piège par des gouvernements qui se déchargeaient sur eux d'une question politiquement sensible. Leur position était extrêmement fragile, car ils étaient souvent perçus comme pro-allemands, alors que l'opinion publique internationale leur reprochait de ne pas en faire assez pour ces populations. Enfin, l'assistance aux civils allemands a forcé le Comité à s'interroger sur les limites de son mandat et à se concentrer sur ses activités en faveur des prisonniers de guerre.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais « Aussi humainement que possible ». The displacements of German minorities from Poland and Czechoslovakia drew the International Committee of the Red Cross (ICRC) into an unprecedented situation, in which Geneva Conventions could not be applied, and at a time when the Geneva-based organization had to cope with very strong criticisms of its activities during the war. This paper aims to evaluate the ICRC's activities for German minorities, as well as to identify the lessons learnt by the organization with regard to its traditional mandate. After a first phase of routine assistance, ICRC delegates began to play an essential role in facilitating the departure of German civilians, following the Potsdam Agreement in August 1945 and the acceptance of the displacement principle by the Great Powers. They delivered humanitarian aid in the camps, advocated evacuations organized « in an orderly and humane manner » as stipulated in the Potsdam Agreement, and facilitated administrative interactions between the local authorities, the occupying powers and the Germans. Meanwhile, the ICRC was experiencing a difficult rationalization exercise. The organization had to discontinue some its activities and revert to its initial mandate focused on the protection of war prisoners. In this context, the assistance to German minorities had to be abandoned. The field, ICRC tried to negotiate a global and political settlement of the issue, since it was caught between the refusal of governments of the East to stop the evacuation, and the attempt by Western countries to postpone the collective displacement until better economic conditions in Germany were observed. The ICRC's diplomatic efforts were unsuccessful for a long time, until the young government of the Federal Republic of Germany expressed its willingness to facilitate evacuation and welcome the German minorities of Eastern Europe on its territory. The ICRC's assistance to the German minorities indisputably filled a gap that no other organization was able to fill. But it is also without doubt that very often the delegates had the feeling that they were trapped by the governments, which had pushed a very sensitive political issue on to them. The delegates' work was very fragile as they were often seen as pro-German, though international public opinion accused them of not doing enough to help the population. Finally, the assistance to German civilians forced the ICRC to question and to redefine the limits of its mandate, and to focus on its primary activity : the protection of war prisoners.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RI_122_0063