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Titre Note de lecture : Taylor, la division du travail et les « espèces humaines »
Auteur Nicolas Jounin
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 240, décembre 2021 Les structures du travail
Page 48-57
Résumé Le geste taylorien consiste en une revendication du monopole de la représentation rationnelle de l'activité de travail. Dans les textes de l'ingénieur qui a donné son nom au taylorisme, le scientific management apparaît comme un système statique (une fois qu'il est pleinement déployé), autonome (n'articulant d'autre logique que la sienne, excluant apparemment toute considération sur les propriétés sociales des acteurs), qui met en rapport des figures abstraites (employeur et salariés) enfin réconciliées par un juge de paix (la science des temps et mouvements). Taylor ne donne aucune place analytique à l'articulation entre travail et hors-travail, ou encore aux propriétés sociales des acteurs de son système, en particulier des dispositions constituées en dehors de l'usine. Pourtant, à la faveur d'anecdotes, dont il est friand, mais aussi de réponses à ses détracteurs, Taylor dessine par petites touches un arrière-plan implicite de positions et de dispositions qui dépassent la seule sphère de l'atelier et forment les conditions de possibilité du grand récit qu'il soumet à ses lecteurs. Contrariant la belle image de la transcendance d'un dispositif supposé réconcilier les classes, Taylor mobilise en plusieurs endroits les propriétés sociales des protagonistes de son système (à commencer par lui-même), leur donnant une épaisseur historique dont ils semblaient dépourvus, rappelant des contingences d'ordinaire sous-entendues, et pourtant décisives.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The Taylorian gesture constitutes a monopoly claim over the rational representation of labour activities. In the work of the engineer – whose theory was named after him – scientific management aims at being a system that is static (once fully implemented), autonomous (that is, driven by internal logics, ostensibly excluding any variables linked to workers' social properties) and bringing together objectified figures (employer and employees) whose relations are eventually arbitrated by science (that of time and gesture management). Taylor gives no analytical consideration to the articulation between labour and non-labour activities, or to the social properties of agents within his system, in particular to dispositions constituted outside of the industry context. Yet, through the anecdotes he often imparts as well as his responses to critiques, Taylor does sketch an implicit background of positions and dispositions that go beyond the mere sphere of the factory and inform the conditions of possibility of the grand narrative he draws. Belying the ideal of a dispositive designed to transcend class struggles, Taylor makes several references to the social properties of the agents of his system (starting with himself) lending them a historical depth they seemed to be lacking, thereby invoking ordinary contingencies that – albeit implicit – are decisive.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_240_0048