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Titre Sciences sociales et société, histoire d'un malentendu
Auteur Christophe Charle
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 243-244, septembre 2022 Qui a peur des sciences sociales ?
Page 36-45
Résumé Le débat récurrent sur le statut des sciences sociales est entré, semble-t-il, dans une phase critique depuis quelques années. Si la sociologie a été surtout mise en cause dans les polémiques, on ne peut comprendre ce débat sans le resituer dans l'ensemble du champ des sciences sociales (économie, histoire, ethnologie, anthropologie, science politique, psychologie sociale, géographie humaine), dont certaines fournissent régulièrement des arguments contre la sociologie réutilisés par les idéologues d'autres horizons (politiques, journalistes, porte-parole des disciplines humanistes) et, plus largement, dans l'ensemble des disciplines universitaires, y compris les sciences non sociales qui prétendent, dans leurs développements les plus récents, traiter les mêmes questions ou apporter des réponses alternatives à la sociologie ou aux sciences sociales plus anciennes. Cet article esquisse une histoire de ces transformations et de ces débats en lien avec la divergence croissante entre les demandes sociales et politiques et l'autonomisation des objectifs des sciences sociales par rapport à elles. Une des difficultés structurelles des sciences sociales réside dans leurs divisions multiples, leur concurrence, l'émiettement des spécialisations et des productions, conséquence logique de la division croissante du travail et de l'augmentation du nombre des chercheurs et chercheuses, si l'on compare aux époques initiales où leur fonction était beaucoup mieux reçue. Ne proposant plus de grands « modèles » ou schémas simples de connaissance assimilables pour un public plus large, elles laissent de fait le champ libre à tous les essayistes ou bricolages intellectuels dont sont friands les médias contemporains. Ces constats soulignent la fragilité accrue de leur position dans le champ universitaire et intellectuel général et la nécessité de refonder leur légitimité dans la société contemporaine désemparée qui tourne de plus en plus le dos aux rationalités savantes.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The protracted debate on the status of the social sciences seems – in recent years – to have reached a critical phase. Sociology has certainly been the prime target of these controversies. But the recurrence of this critique can only be explained by repositioning sociology within the wider scientific field – both the social sciences and other sciences. Some social sciences - economics, history, ethnography, anthropology, political science, social psychology, human geography - regularly wage critiques against sociology that are instrumentalized by political rain makers in other fields (be it the media, the political field, or the humanities). Other non-social sciences are also increasingly turning to sociological themes and professing alternatives to sociology or more established social sciences disciplines. This article sketches these evolutions and controversies and argues that they reflect the growing divide between social and political demands and the objectives pursued by the social sciences qua sciences. Compared to earlier periods when the social sciences were seen to be more in tune with societal demands, this divide is tied to a structural feature of the social sciences as a field which is characterized by multiple internal conflicts and competitions, and the fragmentation of research specializations as the logical outcome of growth – both in the expansion of divisions of labor within the field, and the growing number of researchers. ‘Grand' theories or ready-to-use explanations palatable to a wider audience are therefore supplied by media savvy essayists or intellectual jerry-rigging. This underscores the growing fragility of the social sciences within the scientific field and more generally the public space and the urgency to rekindle their legitimacy against the backdrop of the ongoing societal crisis and the wider backlash against rational scientific thought.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_243_0036 (accès réservé)