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Titre Les encadrants du quotidien à l'asile Sainte-Anne à la fin du XIXe siècle
Auteur Alis Montois
Mir@bel Revue Revue historique
Numéro no 703, juillet 2022
Page 587-623
Résumé Cet article propose une étude de l'asile Sainte-Anne comme lieu de travail. Il se focalise sur un corps de métier oublié dans l'historiographie française de la psychiatrie : le personnel dit « secondaire » ou « non médical », qui regroupe les employés encadrant les patients de l'asile au quotidien – gardiens, infirmiers, sous-surveillants, surveillants, veilleurs, chefs des bains, et chefs d'atelier. L'article délimite les tâches et les devoirs du corps d'encadrement déterminés par les autorités asilaires. En dépit de l'idéal thérapeutique du traitement moral qui voudrait que le médecin soit au centre de la thérapie, les encadrants sont de véritables médiateurs entre le patient et son médecin, acteurs de la vie pavillonnaire et intime des internés, garants des traitements dits « physiques ». Conscients du rôle grandissant des encadrants dans les thérapies, le Département de la Seine et les médecins d'asile engagent dès les années 1880 leur professionnalisation : les gardiens, désormais laïcs, deviennent peu à peu infirmiers, formé par l'École des infirmiers et infirmières de Sainte-Anne. Les salaires sont augmentés et une caisse de retraite est mise en place. Mais la politique de stabilisation du personnel est mise à mal par la discipline et le rythme imposés, qui incitent bon nombre d'encadrants de quitter l'asile après seulement quelques années de services. Dans une perspective sociale, cet article invite enfin à repenser les expériences d'internement et de travail à l'asile au prisme des interactions entre les internés et leurs encadrants : les encadrants, en sous-effectif permanent, doivent assurer le contrôle des faits et gestes des internés, les accompagner et les seconder à chaque moment de la journée et de la nuit, et arbitrer les tensions et les conflits. Cette surveillance presque carcérale offense les patients, qui contournent chacun à leur manière les règlements. Les dérives de l'infantilisation, de l'humiliation et de la maltraitance sont fréquentes, largement dénoncées. Elles ne doivent pas faire oublier, cependant, les moments de joie, de rire et de partages, qui, eux, ne laissent pas de traces.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais This article studies St-Anne's asylum as a workplace. The focus is on a forgotten trade in the French historiography of psychiatry : the « secondary » staff, or « non-medical » staff, which includes watch-mans, nurses, monitors, night watch-mans, hydrotherapy-staff and workshop-staffs members. The article analyses the tasks and obligations of the monitoring staff determined by institutional authorities. The monitoring staff appears as an actor of the daily life, privacy and physical treatments of patients, and intermediary (or mediator) between patients and doctors despite the therapeutic model of moral treatment which places the doctor in the centre of the therapy. As they where slowly becoming more aware of the crucial part of monitoring staff in the smooth running of therapies, the department and institutional authorities initiate his professionalization in the 1880s. Laicised, the watchman become little by little a nurse. The nursing school of St. Anne opens in 1882 and earns department status in 1886. Wages increase, pension fund is implemented. But the pace of work jeopardize efforts to stabilize the monitoring staff. A lot of monitoring staff members leave St. Anne's asylum after a few years of service only. The article invites to revamp internment and work experiences in asylum with an analysis of interactions between patients and monitoring staff members. The constant understaffing of monitoring, the obligation to watch and follow each patient every time and everywhere and to arbitrate dormitory quarrels wear the monitoring staff members out. The quasi-penitentiary surveillance offends the patients, who circumvent orders and play with rules. Slides of infantilization, humiliation and mistreatment are usual but denounced. But we shouldn't forget moments of pleasure, laugh and arrangements, which doesn't leave traces for historians.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RHIS_223_0587 (accès réservé)