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Titre Scepticisme, incrédulité et contestation religieuse au haut Moyen Âge (VIe-Xe siècle)
Auteur Warren Pezé
Mir@bel Revue Revue historique
Numéro no 704, octobre 2022
Page 753-791
Résumé L'incroyance au Moyen Âge a fait l'objet de nombreux travaux récents ; cependant, ces derniers ont systématiquement négligé le premier Moyen Âge (VIe-Xe siècle). Il est supposé que cette période « sombre » est incapable d'une démarche critique et que la doctrine catholique n'est contestée que par « l'hérésie », la « superstition » ou les « survivances païennes » : en d'autres termes, la croyance n'est remise en cause que par d'autres croyances, et non par le doute ou l'incroyance. Cet article propose la première étude systématique du sujet. Sur toute la période envisagée, les doutes des fidèles touchent des contenus de foi aussi centraux que la résurrection des morts, l'enfer, la providence, les miracles ou la présence réelle. C'est aussi la période qui lègue la première démonstration rationnelle de l'existence de Dieu du Moyen Âge – avant Anselme. Ces doutes sont appuyés sur des arguments empiriques, sur l'évidence naturelle ou sur les contradictions internes de la doctrine. Sans remettre en cause, bien sûr, le caractère religieux des sociétés du haut Moyen Âge, cet article suggère que le scepticisme a un profond ancrage anthropologique et n'est pas l'apanage de périodes historiques prétendument moins « sombres ». Ce scepticisme diffus contribue à expliquer des phénomènes caractéristiques de la période : l'indifférence de bien des fidèles envers les menaces et excommunications du clergé, leur manque de zèle, leur éventuelle conversion à une autre religion, et, pour finir, l'émergence d'hérésies populaires qui, au Moyen Âge central, font l'économie de plusieurs doctrines déjà mises en doute les siècles précédents.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais Unbelief in the Middle Ages has been extensively studied over the past few years: however, these studies have systematically neglected the Early Middle Ages (6th-10th centuries) and focused on the later Middle Ages. It is often assumed that these alleged « dark ages » were incapable of critical thinking and that the catholic faith was challenged only by « heresy », « superstition » or the « remnants of paganism ». In other words, belief was only challenged by other beliefs, but not by doubts or unbelief. This paper is the first systematic survey of evidence regarding this issue. Over the entire period, central beliefs of the Christian faith were seriously put in question: the resurrection of the dead, the material existence of hell, divine providence, miracles, real presence in the eucharist. The first medieval demonstration of the existence of God was also drafted during this period. Quite often, these doubts are defended in public and well-argued. They rely on empirical evidence, on the observation of nature and on the inconsistencies of the doctrine. This is not to say, of course, that early medieval society in general was not religious as a whole; but the findings of this article suggest that skepticism in general has a deep anthropological dimension and cannot be considered to be the prerogative of more « advanced » historical periods, as opposed to any « dark ages ». The existence of this skepticism also helps to explain many specific features of this period of time: the widespread indifference towards clerical threats (of hell, for instance) and towards excommunication, the lack of religious zeal, the few cases of conversion to another religion and, lastly, the rise of popular heresy in the high middle ages – some of which heresies eventually discarded beliefs which had already been questioned many times during the previous centuries.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RHIS_224_0753 (accès réservé)