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Titre Une nuisance imaginaire ? Comment les tensions autour de la fumée des locomotives sont devenues « anecdotiques »
Auteur Arthur Émile
Mir@bel Revue Revue historique
Numéro no 704, octobre 2022
Page 915-949
Résumé Cet article porte sur la disqualification durable d'alertes médicales et de craintes environnementales concernant la fumée des locomotives à vapeur, à travers l'étude de deux anecdotes renvoyant à des épisodes historiques des années 1820-1830 : l'expression de craintes relatives à l'exploitation de tunnels ; l'appréhension de nuisances de proximité par certains propriétaires. Ces anecdotes, façonnées par les promoteurs du chemin de fer et popularisées par les vulgarisateurs scientifiques entre le milieu du XIXe siècle et la fin de l'entre-deux-guerres, ont contribué à ancrer l'idée d'une attitude irraisonnée en réaction à l'irruption du train dans l'espace et la société. L'étude du contexte de leur production et de leur mobilisation montre qu'elles avaient pour objectif de glorifier les ingénieurs ferroviaires, en exagérant les difficultés rencontrées. Instruments d'un jugement moral, elles accompagnent aussi l'émergence d'une rhétorique technophile venant au secours d'inventions nouvelles dans le cadre d'un paradigme progressiste. Ce faisant, leur circulation jusqu'aux débats plus contemporains sur la technique a contribué à nier puis à effacer en partie certains risques et nuisances de la mémoire collective. Pendant l'ère de la vapeur, comme toute activité industrielle, le chemin de fer a été la source de conflits de proximité et d'incidents parfois sérieux suscitant la réponse des autorités : les tunnels ferroviaires sont longtemps considérés comme un milieu insalubre voire dangereux, notamment pour les travailleurs ; la fumée émise par les locomotives, contributeur à la pollution atmosphérique urbaine, est progressivement reconnue comme un problème public.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais This article examines the enduring disrepute of medical warnings and environmental concerns about steam locomotive smoke, through the study of two anecdotes referring to historical episodes from the 1820-30s: the concerns about the operation of tunnels; the landowners' apprehension of local nuisances. These anecdotes, shaped by railway promoters and spread by French popularizers between the middle of the 19th century and the end of the interwar period, support the idea of an irrational attitude towards the appearance of train in space and society. The context of their production and use reveals they played a role in the glorification of railway engineers by exaggerating the difficulties encountered. As instruments of a moral judgment, they also supported the emergence of a technology-oriented rhetoric coming to the aid of new inventions. In doing so, their circulation up to more contemporary debates on technology contributed to the denial of certain hazards and nuisances, then to their obliteration from collective memory. In the age of steam, as any other industrial activity, the railway industry was the source of local conflicts and sometimes serious incidents prompting a response from the responsible authorities: railway tunnels were long considered as unhealthy or even dangerous, especially regarding workers; the smoke emitted by locomotives, a contributor to urban air pollution, has gradually been regarded as a public problem.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RHIS_224_0915 (accès réservé)