Titre | La cause de foi dans l'Inquisition espagnole : Entre droit et repentance | |
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Auteur | Jean-Pierre Dedieu, Gunnar W. Knutsen, Laurent Vannini | |
Revue | Annales. Histoire, Sciences Sociales | |
Numéro | vol. 78, no 1, janvier-mars 2023 Le fait religieux à l'épreuve du monde | |
Rubrique / Thématique | Le fait religieux à l'épreuve du monde |
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Page | 5-33 | |
Résumé |
Cet article se fonde, en premier lieu, sur des manuels manuscrits produits et/ou utilisés par les inquisiteurs en Espagne pour leur usage quotidien. Il s'appuie ensuite sur les traités latins que ces manuels citent en références, qui nous ont permis d'avoir accès à l'arrière-plan théorique, théologique, pastoral et philosophique sur lequel se fondait la pratique. Nous avons également comparé la structure procédurale des procès originaux aux relations de cause, ces rapports d'activité qui les résument où les inquisiteurs doivent justifier leurs décisions auprès de leurs supérieurs. Nous établissons grâce à cette double voie que la « cause de foi », qui est au cœur du travail inquisitorial, doit être formalisée à deux niveaux : d'une part une procédure judiciaire, qui commande la succession des opérations du procès ; d'autre part un niveau sous-jacent – moins visible pour un lecteur actuel, mais fortement articulé par l'appareil conceptuel décrit par les traités latins –, qui vise à produire, non pas une vérité judiciaire, comme le premier, mais une vérité pénitentielle. Le premier niveau est répressif, une fois le délit prouvé dans les formes judiciaires. Le second niveau est intégratif, ecclésiastique et non séculier ; il vise à réintégrer l'accusé au sein de l'Église catholique, même lorsque le délit d'hérésie est judiciairement établi. Les inquisiteurs jouaient sur ces deux niveaux avec souplesse, ce dont nous avions jusqu'ici du mal à rendre compte. Envisagé sous cet angle, le souci que l'Inquisition exprime sans cesse pour le bien-être spirituel de l'accusé ne peut plus être interprété comme simple hypocrisie. Le procès de foi inquisitorial, commandé par une double logique, est en équilibre instable, ce qui le rend particulièrement sensible aux choix personnels, en termes techniques à l'« arbitraire », des juges. Nous constatons qu'au fil du temps l'aspect pénitentiel prend de plus en plus d'importance au détriment de la logique purement judiciaire. De nombreux indices indiquent qu'une double logique de ce type commande également les procès criminels d'autres juridictions – un aspect dont la prise en compte éclairerait sans doute le fonctionnement global des institutions de résolution des conflits à l'époque moderne. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
By starting from a series of practical manuscript manuals produced by Spanish inquisitors for daily use in their work, then following their references to Latin legal treatises, it is possible to gain a better understanding of the theoretical, theological, philosophical, and pastoral underpinnings of inquisitorial practice. Further information can be gleaned by comparing the procedural structure of trials with the relaciones de causas, the reports that summarized those trials and justified inquisitors' decisions to their superiors. This double approach reveals that the inquisitorial trial of faith can be conceptualized on two different levels: the formal judicial proceedings that shaped the organizational sequence of the trial, and another process that followed a less explicit internal logic and sought to produce a penitential rather than a judicial truth. Though less evident for modern readers of the Inquisition's archives, this second level formed a key part of the theoretical apparatus described in the Latin treatises. The first level was repressive and, once the offense was proved in conformity with all judicial forms, imposed punishment. The second was integrative and ecclesiastic, and aimed to reintegrate defendants into the fold of the Catholic Church even when found guilty. The inquisitors mobilized these two levels with a certain flexibility that has not always been evident to historians: seen from this angle, their expressions of interest in defendants' spiritual well-being were more than simple hypocrisy. The two conflictual logics nevertheless meant that the inquisitorial trial of faith was an unbalanced edifice that could easily sway in one direction or the other, depending on the inquisitors' choices. Over time, it appears that the penitential aspect of the trial took precedence over the purely judicial dimension. There are several indications that a similar double logic governed the criminal trials of other jurisdictions, meaning that such an approach may shed a broader light on early modern institutions and their resolution of conflicts. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ANNA_781_0005 (accès réservé) |