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Titre Théorie du langage et idéologie dans La Prairie de James Fenimore Cooper (1827)
Auteur Éric Fassin
Mir@bel Revue Revue française d'études américaines
Numéro no 37, juillet 1988 Les aventuriers du langage.
Rubrique / Thématique
Des mots sur la prairie
Page 16 pages
Résumé Dans La Prairie de Cooper , les fragments de théorie linguistique qui parsèment le discours du narrateur, mais aussi des personnages, ne doivent pas être lus comme de pures digressions : s'iis retardent l'action, ils en fondent la signification. On commence par étudier les débats qui opposent le trappeur Natty Bumpo, « philosophe naturel », au savant Obed Battius, naturaliste contre-nature : la vérité résiderait dans les seules Ecritures. Mais l'écriture ne relève pas plus que la science de la nature : l'art est du côté de l'artifice. La nostalgie de la nature est donc contredite par une volonté de civilisation. Cooper résout ce dilemme par un renversement : dans une monde babélien, une langue naturelle est impossible, faute de noms propres, le langage ne décrira pas ce qui est, il prescrira ce qui doit être. L'arbitraire des signes est ainsi fondé en vérité : les signes ne mentent pas. La critique s'est faite légitimation : les signes désormais réhabilités disent pareillement la vérité naturelle, la loi divine et l'ordre social. Contre les errements barbares de la démagogie, la nature de Cooper impose sa règle à la langue et à la société démocratiques. Au centre de l'œuvre, théorie linguistique et philosophie sociale se confondent ainsi dans le projet d'une définition nationale par la littérature. L'analyse idéologique que nous avons tentée ici prend donc tout son sens en complément du travail proprement littéraire de François Brunet.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais In Cooper's The Prairie, the fragments of literary theory scattered in the narrator's, as well as the characters' discourse, should not be read as mere digressions — although they delay the action, they lay the foundation for its significance. The study begins with the debates opposing the trapper, Natty Bumppo, a « natural philosopher », to the scientist Obed Battius, an unnatural naturalist : truth is said to reside solely in the Holy Writ. But writing is, no more than science, a part of nature : art belongs with artefact. The nostalgia for nature is therefore in contradiction with the will to civilize. Cooper solves this dilemma through a reversal : in the world of Babel, no natural language proves possible ; in the absence of proper names, languages cannot describe what is, but should prescribe what ought to be. Arbitrary signs thus receive their foundation in truth, signs are not mendacious. Het turns from criticizing to legitimizing : the now rehabilitated signs speak of natural truth, divine law and social order at the same time. Against the barbarous wanderings of demagoguery, Cooper's nature imposes its rule on the language and society of democracy. At the center of his work, both the linguistic theory and the social philosophy thus merge into the project of a national definition through literature. The ideological analysis here attempted shou'd therefore find its full meaning in relation with the properly literary work of François Brunei.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne https://www.persee.fr/doc/rfea_0397-7870_1988_num_37_1_1326