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Titre « Un container de papiers » : Citoyenneté et fabrique des apatrides dans les villages de colonisation du centre de la Côte d'Ivoire
Auteur Richard Banégas, Armando Cutolo
Mir@bel Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales
Numéro vol. 79, no 1, janvier-mars 2024 Participation et citoyenneté et État et administration
Rubrique / Thématique
État et administration
Page 95-138
Résumé Cet article explore les dynamiques historiques et politiques qui articulent l'identification, l'état civil et la citoyenneté en Côte d'Ivoire. Il s'intéresse à des communautés rurales déplacées de Haute-Volta dans les années 1930 et installées par le gouvernement colonial français dans des « villages coloniaux » autour de Bouaflé. Maintenus jusqu'aux années 1990 dans un statut ambigu d'étrangers immigrés, ces individus rencontrent aujourd'hui encore des difficultés pour obtenir des documents d'identité auprès de l'administration locale et demeurent, malgré leur naturalisation collective, dans un statut liminal d'exception juridique et politique. À la suite de la crise ivoirienne (2002-2011), la vieille question de la citoyenneté s'est vue reformulée en termes de « risque d'apatridie » par le gouvernement et les organisations internationales. L'article reconstitue l'histoire de la discrimination de ces personnes et de leur lutte pour obtenir des « papiers ». Il montre que ni la réforme de l'état civil ni celle de la biométrie n'ont radicalement modifié leur insécurité documentaire ou les vieux stéréotypes qui continuent à structurer les représentations de l'appartenance nationale. Les « autochtones » continuent ainsi de rattacher la citoyenneté des « villages voltaïques » à la mémoire historique de la gouvernance coloniale. Il s'avère finalement que les nouvelles technologies biométriques, bien que visant à dépolitiser la question de l'identification, sont loin de réduire les risques d'apatridie et pourraient même ouvrir la voie à sa consolidation numérique.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais This article explores the historical and political dynamics connecting identification, registration, and citizenship in Côte d'Ivoire. It focuses on rural communities displaced from Haute-Volta in the 1930s and settled by the French colonial government in “colonial villages” around Bouaflé. These populations held the ambiguous status of foreign immigrants until the 1990s, and still face difficulties in obtaining identity papers from the local administration. Although now legally recognized as citizens, they have thus continued to exist in a liminal status of legal and political exceptionalism. Since the end of the Ivorian crisis (2002-2011), the old issue of citizenship has been recast in terms of the “risk of statelessness” by the government and international organizations. The present article reconstructs the history of discrimination against these populations and their struggle for “papers.” It shows that neither the reform of civil registration nor the introduction of biometric identification has radically altered their documentary insecurity or overturned the old stereotypes that continue to structure notions of national belonging. “Autochthonous” populations still consider the citizenship of the “Voltaic villages” through the prism of historical memories of colonial governance. The article concludes by observing that new biometric technologies, although intended to depoliticize the issue of identification, do little to reduce the risk of statelessness and may even pave the way for its digital consolidation.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne https://shs.cairn.info/revue-annales-2024-1-page-95?lang=fr (accès réservé)