Contenu du sommaire : Après nous... Quel monde ? Quelle société ?

Après nous... Quel monde ? Quelle société ?

• (Editorial) La France et l'Europe dans le monde de demain - Pierre Joxe p. 3
  Le monde de demain sera à la fois plus riche et plus savant, plus cosmopolite et plus égalitaire que celui d'hier, mais cela peut ne pas plaire à tout le monde, car cet enrichissement, ces progrès de la connaissance et de l'égalité, se feront principalement au profit des peuples qui furent les plus pauvres. Ceux qui travaillent le plus, ceux qui progressent le plus, ceux qui « émergent », ce sont les peuples qui ont été les plus exploités, les plus pillés et les plus massacrés au cours des derniers siècles. Mieux vaut s'y préparer.
• Retrouver du sens - Jacques Delors p. 7
  Depuis les années 1990, les appels à redonner sens à notre vie collective se sont multipliés. Au point que le concept s'est banalisé, à force d'être évoqué à tort et à travers. Il faut d'abord restaurer l'esprit public, fondé sur un pacte social où la reconnaissance des droits de chacun s'accompagne de l'acceptation des devoirs du citoyen. Cet esprit public doit procéder de l'exemplarité, valeur mendésiste trop oubliée. Ecouter et expliquer. Et aussi donner l'exemple par sa façon de se comporter, attentif aux autres sans faire d'une compassion théâtralisée la réponse aux angoisses et aux préoccupations des citoyens.
• Mondialiser le social-démocrate - Pascal Lamy p. 11
  Alors que le capitalisme de marché vient de connaître un séisme sans précédent dans sa globalité, sinon dans son ampleur, la social-démocratie est inaudible et affaiblie sur le continent qui l'a vu naître en réaction aux excès du même capitalisme. Les priorités de la social-démocratie doivent se déplacer du niveau de l'État-nation au niveau mondial. En faisant de la régulation globale du capitalisme de marché un enjeu équivalent à celui que fut, au XIXe siècle, la mise en place du “welfare state”. Sur des terrains bien identifiés : droits de l'homme, macroéconomie, social, commerce, santé, environnement. C'est un espace politique nouveau à construire, dans un monde qu'il faut accepter de “désoccidentaliser”.
• Pour que demain soit désirable - Brice Lalonde p. 14
  L'écologie a modifié profondément la vision du monde de nos contemporains. La plupart des dirigeants savent que le changement est indispensable, mais il faut encore que la population soutienne les réformes requises. Trois directions paraissent nécessaires : l'ouverture au monde, le sens de la durée, la foi dans le progrès. Quant à l'écologisme, il lance un défi à la politique : dans les négociations actuelles sur le climat, certains Etats craignent davantage les mesures prises pour lutter contre le changement climatique que le changement climatique lui-même ! Ils voient le futur empli de menaces et de privations. Nous manquons des images d'un futur désirable.
• Quel vivre ensemble dans nos villes de demain ? - Bertrand Delanoë p. 17
  Nos villes sont désormais à l'image du monde, cosmopolites et hyperconnectées. La ville, c'est la rencontre des générations, des itinéraires et des cultures, mais on ne créera pas cette ville de demain sans les citoyens. Il s'agit donc de témoigner notre solidarité à des habitants trop longtemps enclavés, négligés, oubliés en leur disant cette vérité d'évidence, traduite en actes : vous appartenez pleinement à la communauté. L'égalité territoriale, dans une grande métropole, est l'autre nom de la justice sociale.
• Cinq thèmes clés pour les migrations internationales - Catherine Withtol de Wenden p. 21
  Les migrations internationales sont l'un des grands enjeux du XXIe siècle. En quarante ans, le chiffre des migrants a triplé dans le monde, des pays de départ sont devenus des pays d'accueil et de transit, la plupart des Etats du monde sont aujourd'hui concernés soit par le départ, soit par le transit, soit par l'accueil. Dans cette nouvelle donne, de nombreux thèmes sont émergents. Ils ont tous une dimension internationale, bouleversant l'ordre étatique par l'ampleur mondiale ou régionale de leurs enjeux, l'incapacité des Etats à y répondre seuls, le rôle des migrants et de leurs réseaux transnationaux comme acteurs individuels et collectifs.
• Liberté, égalité, fraternité, laïcité : mythe ou réalité ? - Patrick Baudouin et Sophie Bessis p. 24
  La France a une religion d'Etat, qui se résume en quatre mots : liberté, égalité, fraternité, laïcité. Depuis plus de deux siècles pour les trois premiers, un siècle pour le quatrième, la République s'est faite le héraut des principes dont ces termes sont porteurs. Aujourd'hui, l'égoïsme, l'injonction faite aux pays du sud de respecter la liberté de circulation des capitaux et des marchandises quand celle des hommes et des femmes est interdite, sont en train de les vider de leur sens. A trop vouloir conserver intact leur statut et protéger leur richesse en interdisant à tous les damnés de la terre de se déplacer librement sur la planète, les Etats occidentaux pourraient bien être les fossoyeurs d'une devise que la France est justement fière d'avoir choisie.
• Jusqu'où les "digital natives” transformeront-ils le monde ? - Pascal Perez p. 28
  La jeunesse mondiale est numérique, “digital native”, elle crée un nouveau monde virtuel qui va influencer le devenir du monde réel. Facebook réunit 275 millions de terriens dont la moitié se connecte chaque jour. En France, 60% des inscrits ont moins de 30 ans. L'utilisation intense, volatile et inventive des communications électroniques par les nouvelles générations constitue un ferment puissant de transformation de la condition humaine. La puissance des communications électroniques est bel et bien entre les mains des jeunes, de ceux qui produisent déjà ce monde nouveau, virtuel, qui, progressivement, remplacera le monde ancien.
• Le modèle européen au défi du XXIe siècle - Catherine Lalumière p. 32
  La construction européenne a beaucoup apporté mais elle a besoin d'un soutien populaire. Réciproquement, les citoyens eux-mêmes ont besoin de connaître leurs droits et leurs devoirs afin d'agir en connaissance de cause et d'assumer pleinement leurs responsabilités civiques. On doit, aujourd'hui encore, constater un malaise qui se traduit par l'incapacité, pour beaucoup, de répondre à cette question, apparemment simple : L'Europe ? Pour quoi faire ? Pourtant s'est constitué un modèle de société qui présente des caractéristiques fortes : reconnaissance et respect des droits de l'homme et de leur liberté ; effort vers la solidarité et la justice sociale ; recherche du bien-être matériel par une économie prospère. Ce “modèle”, à la base de la construction européenne depuis 1945, devrait être l'inspirateur de ce que fera l'Union dans le siècle qui commence.
• L'Europe ou le retour de la géographie - Bernard Guetta p. 36
  L'Histoire est en marche, et il n'y a personne pour canaliser sa fureur, même plus l'Amérique. Il nous faut parvenir à bâtir un équilibre des puissances qui ne peut plus passer que par l'affirmation d'un nouveau type d'empires, non plus l'annexion de petits pays par une puissance dominatrice, mais la constitution d'ensembles régionaux de taille continentale, à même d'organiser leur zone et de négocier leurs relations d'égal à égal. Il faut décentraliser le pouvoir mondial pour la simple raison que personne ne peut plus l'exercer, qu'il est d'ores et déjà multipolaire et qu'il faut partir de cette réalité. C'est là que l'Europe est tellement essentielle !