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Revue | Revue historique |
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Numéro | no 652, octobre 2009 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les Lengres à Marseille au XIVe siècle. Les activités militaires d'une famille d'armateurs dans un port de croisade - Carraz Damien p. 755-777 Dans le monde de la navigation médiévale, activités marchandes et militaires ne sont jamais vraiment dissociées et l'implication des Lengres dans la lutte contre les infidèles est représentative à cet égard. À partir de la fin du XIIIe siècle, l'ascension de ce lignage d'implantation récente contribue au renouvellement du milieu des armateurs marseillais : propriétaires de plusieurs galées qu'ils envoient en Orient et en Italie, ses membres investissent les charges municipales et mettent leur flottille au service de la monarchie angevine de Naples.Entre 1306 et 1321, une étroite collaboration se développe avec l'ordre de l'Hôpital qui, dans le cadre de la conquête de Rhodes, a besoin des navires marseillais pour assurer ses liaisons avec la mer Égée. En 1309-1310, les Lengres envoient encore quelques galères dans le détroit de Gibraltar au service des rois de Castille et d'Aragon. Mais surtout, avec d'autres armateurs provençaux, ils collaborent aux projets de passage au départ de Marseille organisés par les derniers Capétiens et par la papauté. Toutefois, dès les années 1330, le rétrécissement de l'horizon commercial marseillais détourne la famille de l'Orient. Tandis que les affaires se limitent aux côtes ligures, languedociennes et catalanes, les Lengres se contentent désormais de participer à quelques opérations de course dans la mer de Provence.In the world of medieval sailing, merchant and military activities were never really dissociated as it is shown from the involvement of the Lengres family in the struggle against the Muslims. From the end of the thirteenth century, this newly settled rising family from Marseilles took part in the replacement of the shipowners' sphere : they sent several of their galleys to the East and to Italy, they invested with the municipal offices and they rent their flotilla to the Angevin monarchy of Naples.Between 1306 and 1321, the family worked out a strong collaboration with the Hospitallers. Indeed, in the context of Rhodes' conquest, this Military Order needed vessels to ensure a regular liaison between Provence and the Aegean. In 1309-1310, the Lengres sent some other galleys in the straits of Gibraltar for the duty of the kings of Castile and Aragon. With other Provençal ships' managers, they especially collaborated in last Capetians and papacy projected passagium from Marseilles. In the 1330's however, the decrease of Marseilles trade diverted the family from the Middle East. As business was henceforth limited to the coasts of Ligury, Languedoc and Catalonia, the Lengres were satisfied with participating in few acts of piracy in the Provençal sea.
- « L'honneur de la reine » : la mort et les funérailles de Charlotte de Savoie (1er-14 décembre 1483) - Gaude-Ferragu Murielle p. 779-804 Si les funérailles des rois ont passionné bien des historiens, les femmes – et en particulier les reines – sont les grandes absentes de leurs débats. L'analyse des obsèques de Charlotte de Savoie, connues grâce à un document exceptionnel, un compte inédit conservé aux Archives nationales, permet de combler cette lacune. Reine discrète, sans envergure politique, Charlotte de Savoie reçut, sur ordre de son fils, tous les honneurs funèbres accordés aux souverains. Décédée à Amboise le 1er décembre 1483, après avoir rédigé son testament – publié en annexe –, elle fut inhumée quatorze jours plus tard dans la collégiale Notre-Dame de Cléry, aux côtés de son époux, Louis XI. C'est la première souveraine dont nous ayons la certitude qu'elle bénéficia d'une effigie. Munie des insignes du pouvoir – Regalia et dais –, elle représentait la reine dans toute sa majesté, témoignant que les femmes participaient, à part entière, à la communication politique royale.The funerals of kings have attracted the interest of numerous historians, but those of women (and especially queens) have been singularly neglected. An expense account preserved in the Archives nationales casts important light on the funeral of Charlotte of Savoy. Charlotte was an unassuming woman whose political importance was insignificant. After preparing her testament (which I edit in an appendix), she died at Amboise on 1 December 1483 and was buried two weeks later in the collegiate church of Notre-Dame of Cléry beside her husband Louis XI. Her son Charles VIII ordered that she have all the funerary honors traditionally accorded to sovereigns, and the expense account shows that his orders were fully executed. Charlotte is the first queen known to have had an effigy displayed at her funeral. Adorned with the traditional regalia, sheltered by a dais, the effigy depicted the queen in majesty, demonstrating the political role that queens might play after their deaths.
- Franchir la Saône à Lyon au milieu du XVIIe siècle. Enjeux critiques d'un chantier urbain - Lignereux Yann p. 805-829 Les chantiers urbains peuvent être appréhendés dans le cadre de ce qui a été appelé la politique d'« embellissement des villes » ou comme le terrain d'étude des progrès d'une gouvernance moderne, technicienne et rationnelle, de l'espace public. En étudiant un modeste chantier lyonnais, il s'agit d'interroger la notion de « rénovation » urbaine en mettant en évidence comment ces grilles de lecture citées plus haut ne constituent pas le cadre pertinent de l'analyse et combien même elles peuvent empêcher d'en apprécier l'originalité et la signification historiques dans cette ville marquée fortement par la Réforme tridentine et par l'engagement de son consulat dans une reconstruction spirituelle de ses légitimités politiques. La notion d'espace public, contractuelle et progressiste, doit alors être redéfinie à la lumière des réflexions contemporaines de l'élite dévote quant à la communauté et à sa nature proprement religieuse.In the 17th century, the Lyon's urban power undertakes to renovate the city in order to make one's authority felt. Its object is to change the sense of the « urban space » against the traditional uses of the roads and places of the town. Defending « public space », the municipal magistrates enter into struggle with the popular notion of « common place ». The wood footbridges upon the Saone's river in the 1630-1640's are one of the examples of this confrontation. They allow the historians to look into the opposed conceptions of the city. In the same time, the study of this conflict questions the pertinence of Habermas' theories about the construction of « public space ». In the Lyon's municipal perspectives, it's probably first a « spiritual space ».
- L'incendie de la comédie de Genève (1768) : Rousseau, Voltaire et l'impérialisme culturel français - Markovits Rahul p. 831-873 Dans la nuit du 29 au 30 janvier 1768, la comédie de Genève, édifiée à peine deux ans plus tôt à la demande des plénipotentiaires étrangers intervenus pour mettre fin aux troubles politiques opposant depuis 1762 les « négatifs » aux « représentants », fut consumée par les flammes. Vraisemblablement d'origine accidentelle, l'incendie fut pourtant qualifié d'« attentat » par le résident de France à Genève, Pierre-Michel Hennin, qui, de même que Voltaire depuis Ferney, en attribuait la responsabilité aux représentants. Pour comprendre la force symbolique dont s'était ainsi retrouvé investi le théâtre dans le contexte genevois, on propose ici une double recontextualisation de l'événement. D'une part à court terme, comme un épisode de la crise politique genevoise des années 1766-1768 ; d'autre part à moyen terme, comme un prolongement de la querelle du théâtre allumée une dizaine d'années auparavant par d'Alembert lorsqu'il avait suggéré aux Genevois, dans le fameux article « Genève » de l'Encyclopédie, d'accueillir la comédie en leur sein. À la croisée de ces deux contextes, politique et littéraire, on sera conduit à mettre en valeur la portée et la réception genevoises, souvent méconnues, de la Lettre à d'Alembert de Rousseau, et dès lors à montrer que l'opposition au théâtre à Genève prend la forme d'une dénonciation, au nom de l'identité genevoise, d'un « impérialisme culturel » français. La comédie, loin de n'être qu'un simple « amusement de classes », apparaît dès lors à la fois comme le symbole et le levier de cet impérialisme culturel, mis en branle par Voltaire en étroite collaboration avec le résident Hennin au nom de la fonction civilisatrice attribuée à la comédie.On the night of the 29th of January 1768, the Geneva theatre was destroyed by fire. It had been built two years previously to answer the wishes of the foreign plenipotentiaries sent into the city to put an end to the political strife which had been pitting the négatifs against the représentants ever since 1762. The fire, even though it was probably accidental, was immediately considered by most to be a politically motivated act of arson. The French résident in Geneva, Pierre-Michel Hennin, as well as Voltaire from neighbouring Ferney, were convinced that the représentants were to blame for it. The aim of this article is thus to understand what the theatre stood for in the political context of mid eighteenth-century Geneva. In the short term, the fire was an important moment in the final days of the ongoing political crisis. In the longer run, it was a new episode in the quarrel which had originated ten years earlier when d'Alembert, in his famous « Geneva » article in the Encyclopédie, had suggested that Geneva have a permanent stage. The uncovering of the oft neglected Genevan dimension of Rousseau's Lettre à d'Alembert points to the fact that far from being only a « class amusement », the theatre in Geneva came to be perceived as a symbol and tool of French « cultural imperialism » as practised by Voltaire and Hennin with the aim of « civilizing » the inhabitants of Geneva.
- Première Guerre mondiale. De l'Entente à la mésentente cordiale : cas africains et moyen-orientaux - Porte Rémy p. 875-896 Malgré les discours officiels, l'Entente dite « cordiale » entre Français et Britanniques est soumise à rude épreuve au cours de la Première Guerre mondiale. Sur tous les théâtres d'opérations surgissent de profondes divergences d'analyse, portées à leur paroxysme sur les fronts secondaires, africains et moyen-orientaux en particulier. Le Royaume-Uni, épargné par la guerre sur son propre sol, conserve une capacité d'action internationale que ne peut plus se permettre la République française. Ces oppositions portent en germe les tensions franco-britanniques qui suivent la signature du traité de Versailles et les crises diplomatiques de l'entre-deux-guerres.In spite of the official speeches, the so-called « Entente cordiale » between France and Great Britain had to suffer in a hard way during World War I. On all the operation's theatres, deeply analysis divergences appeared and reached their paroxysm on the secondary fronts, especially on the African and the Middle-East's ones. The United Kingdom escaped from the war on its own ground and preserves a capability of overseas operations that France cannot afford. Those difficulties explains the Franco-British difficulties after the Treaty of Versailles and the diplomatic crises of the Twenty's.
- La rencontre Brejnev-Nixon de 1972 et la culture de guerre froide soviétique - Kozovoï Andreï p. 897-914 La rencontre Brejnev-Nixon à Moscou en mai 1972 est entrée dans l'histoire comme un tournant de la guerre froide, mettant fin à une période de tensions et d'incertitudes. Inaugurant l'ère dite de la « détente » entre les États-Unis et l'URSS, elle amorce en même temps un véritable tournant culturel mesurable au travers des discours privés et publics. Ce tournant culturel participe d'une mutation de la représentation traditionnelle des États-Unis dans les médias. Préparé et attendu par un certain nombre de décideurs et d'institutions, comme par de nombreux exécutants de la vaste machine de propagande soviétique, il ne réussit cependant pas à confirmer les espoirs placés en lui. Le divorce entre l'État et la société n'est pas résorbé, bien au contraire ; les contradictions entre les attentes des uns et des autres demeurent trop nombreuses. La détente est, dès lors, vouée à l'échec.The meeting of Brezhnev and Nixon in Moscow in May 1972 became a turning point in the history of the Cold War, closing an era of tensions and uncertainties. Starting the so-called era of détente between the United States and the USSR, it also launched a genuine cultural turnabout which can be traced in public and private speeches. This cultural turnabout was to end the traditional representation of America in the media. Long awaited and prepared by certain political agents and institutions, as well as numerous representatives of the Soviet propaganda machine, it failed to realize the hopes of the proponents. The gap between the state and society remained and even amplified ; contradictions between the expectations of both parties were too numerous. Détente was then destined to fail.
- Comptes rendus - p. 915-982