Contenu du sommaire : Les Images de l'identité
Revue | Autrepart |
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Numéro | no 24, 2002 |
Titre du numéro | Les Images de l'identité |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les Images de l'identité
- Éditeur scientifique : Denis Vidal- Introduction. Aux lisières de l'image - Denis Vidal p. 5
- Photographie et dynamiques identitaires dans les sociétés africaines contemporaines - Jean-François Werner p. 21 À partir de données ethnographiques recueillies en Afrique de l'Ouest, les relations existant entre constructions identitaires et images photographiques dans les sociétés africaines contemporaines sont envisagées en tenant compte de caractéristiques techniques de la photographie et des modalités historiques de sa diffusion. Dans un premier temps, en utilisant la photographie comme un instrument légal d'identification de la personne, l'État (colonial puis postcolonial) a placé le rapport des Africains à la photographie sous la domination de la mimesis et lui a conféré un pouvoir de vérité qui a joué un rôle déterminant dans la construction de l'imaginaire africain contemporain. Puis, les Africains ont mis à distance le pouvoir mimétique des images photographiques pour construire des représentations qui tendent à brouiller les limites entre réel et fiction et sont autant d'essais, au sens expérimental du terme, pour faire coïncider, l'espace d'un instant, le vécu et l'imaginaire des sujets. Dans cette perspective, l'atelier photographique a constitué ce lieu privilégié – hors d'atteinte du contrôle du groupe – dans lequel les sujets pouvaient se libérer temporairement des entraves communautaires et donner libre cours à leurs aspirations individualistes.Photography and identity dynamics in contemporary African societies
Using ethnographic data gathered in West Africa, we set out to review relationships between constructions of identity and photographic images in contemporary African societies, taking into account technical characteristics of photographs and the uses made of them in the past. At first, as photographs could be used for legal purposes as a form of personal identification, the relationship between Africans and photography was seen by the State (during its colonial and postcolonial periods) as a form of mimesis, thus giving the photograph the power of truth which played a determining role in the construction of contemporary images of Africa. Later, Africans distanced themselves from the mimetic power of photographic images by creating representations which tend to blur the barriers between what is real and what is fiction. Thus these images act as tests, in the experimental sense of the word, which create a short moment during which the subject's concept of reality and of imagery coincide. As a result, the photographer's workshop becomes a privileged place – beyond control by the group – in which subjects, momentarily released from community constraints, give free rein to their individual aspirations. - Les contagions "filmi" : le spectateur et l'art de mêler les plans dans le cinéma de Bombay - Emmanuel Grimaud p. 45 Le rapport entre le cinéma hindi et son public est le plus souvent glosé en termes d'imitation ou d'influence (à tel point qu'on dit d'une personne qu'elle se comporte de manière filmi, qu'elle parle ou qu'elle s'habille filmi), partageant le public indien en deux : d'un côté, le spectateur qui sait faire la différence entre la fiction et la réalité et, de l'autre, le spectateur « automate », qui confond les deux et répète volontiers ce qu'il a vu. On a choisi d'explorer plusieurs cas où le spectateur, en dehors de la projection, soumet le cinéma et son public à une véritable mise à l'épreuve. Celle-ci admet plusieurs formes : test de contagion, de ressemblance, de vigueur, de viabilité et de vraisemblance. Les variantes de ce test seront autant de moyens d'enrichir et de « retemporaliser » la relation cinématographique, car entre la projection et la conversation, et de la conversation à la reproduction (dont on sait qu'elle n'a jamais lieu « à l'identique »), il n'y a pas confirmation seulement d'une connivence cognitive établie dans l'intimité du rapport à l'écran. Changer de moment, c'est aussi d'une certaine manière changer de rapport au cinéma et à sa multiplicité d'objets reproductibles.The “filmi” contagion : filmgoers and the art of mixing images in Bombay cinema
The relationship between Hindi films and their audience has often been ignored, in particular the importance of imitation and influence. For example, it can be said of a person that he or she acts, speaks or dresses like a filmi. Thus, the Indian filmgoers can be divided into two groups : on the one hand, those who know how to differentiate between fiction and reality and, on the other, those who watch films “automatically” and freely repeat what they have seen on the screen. The author has chosen to examine several cases where, after the screening, he puts the film and its public to the test. This can take various forms : there are tests for contagion, resemblance, vigour, viability and closeness to truth. These tests offer many ways of enriching and “re-setting the time element” in the cinematographic relationship : between the projection and the conversation, between the conversation and the imitation/reproduction (which we know will never be exactly “identical”), confirming a cognitive connivance is only due to one's intimate relationship with the screen. Changing the time frame is also, to a certain extent, a way of changing one's relationship with the cinema and its multiplicity of reproducible objects. - Construction d'une identité urbaine par l'utilisation d'imagerie; Le cas de Bengui, favela d'Amazonie brésilienne - Agnès Serre p. 69 L'organisation sociale de Benguí, favela de Belém, en Amazonie brésilienne, repose sur une forte mobilisation des habitants organisés en associations pour améliorer leurs conditions de vie. Ces mouvements populaires urbains sont liés à la conjoncture politique du Brésil et synthétisent les enjeux du pouvoir local. Leurs campagnes d'actions s'appuient sur une riche imagerie qui, en sensibilisant les habitants, contribue à créer, puis à renforcer la notion de citoyenneté dans des zones où les droits ne sont pas respectés. L'article analyse la mise en forme, la diffusion et la réception de l'imagerie produite tant par l'église dans le cadre de la pastorale que par le système associatif. Leur efficacité se traduit par l'émergence du mouvement des citoyens au sein de ces structures associatives et par la création d'une identité urbaine à l'échelle du quartier. L'analyse prend aussi en compte le regard externe posé sur les habitants, lequel est façonné et manipulé par la presse locale.Construction of a urban identity by the use of images. A case study of Bengui, a favela in the Brazilian Amazonia. The social organisation of Bengui, a favela in Belem in the Brazilian Amazonia, is based on a strong mobilisation of its inhabitants to create associations with the objective of improving conditions in their daily lives. These popular urban movements are linked to the political situation in Brazil and draw together key issues in local politics. Their action campaigns make use of rich imagery which attract the attention of residents, thus contributing to the creation, and the reinforcement, of the notion of citizenship in areas where these rights are not respected. The article analyses the ways in which these images, which may be generated by the Church as part of its pastoral mission or by the associations, are constructed, distributed and perceived. The emergence of a citizens' movement within these associative structures and the creation of a urban identity at the neighbourhood level bear witness to the efficacy of image use. This analysis also takes into account the way residents are perceived by the outsider, as developed and manipulated by the local press.
- Addis-Abeba 2001 : des images, des jeunes et des jardins - Bezunesh Tamru, Dominique Couret p. 89 Au début de l'année 2001, un nouvel acteur de l'aménagement urbain prend place dans les espaces publics d'Addis-Abeba : l'ONG Gaché Aberra Mola. Ses objectifs affichés sont le développement de la prise de conscience de la population, et en priorité des jeunes, pour un environnement urbain plus propre et plus agréable. Les différents médias ont relayé avec enthousiasme les actions de cette ONG et les jeunes des quartiers, surtout les plus défavorisés, ont interprété l'appel à leur façon, nettoyant et aménageant les espaces de leur quartier, créant parterres et jardins, selon leurs moyens et leur goût, affichant, par des dessins et des écrits, leurs idées et leurs messages. Ils tendent ainsi vers la création d'un art visuel et urbain inusité et nouveau, porteur de valeurs de dignité, de salubrité et d'hygiène publiques et composé d'ordonnancements du végétal, de peintures et d'écritures. À partir de l'analyse de cet événement, il s'agit d'une part, de mieux cerner l'image de la jeunesse qui se modèle actuellement, en regard à celles qui l'ont précédée dans la société éthiopienne, d'autre part, d'éclairer son instrumentalisation comme interface entre des individus en position de marginalisation et leur société.Addis-Abeba 2001: images, youth and gardens
At the beginning of 2001, a new organisation appeared in the arena of urban development relating to public areas in Addis-Abeba: the NGO Gaché Aberra Mola. According to the NGO's objectives, it intends to raise awareness among the local population and in particular among young people, for a cleaner more agreeable environment. The media have enthusiastically covered the NGO's activities and the young people in the city districts, particularly the most disadvantaged areas, have interpreted this appeal in their own way : cleaning up and reorganising public areas in their neighbourhoods, creating gardens and parks using their imagination and financial resources, demonstrating their ideas and messages with graphics and texts. They have also created a new and unusual urban visual artform, which, in their eyes, illustrates the values of dignity, good health and public hygiene, using a combination of graphics, script and organic materials. By analysing these events, we can improve our understanding of this new image of youth and compare it with those of past generations in Ethiopian society. At the same time, we can highlight its instrumentation as an interface between marginalized individuals and their society. - Images de Guyane, entre réduction et cloisonnement - Marie-José Jolivet p. 107 Cet article s'intéresse au style et à l'évolution des images de la Guyane et des Guyanais produites au cours des cent cinquante dernières années (illustrations de récits de voyage ou d'exploration, photographies, films documentaires). La dimension multiculturelle et multiethnique du pays est au cœur de la réflexion. Des images « assignées » par le colonisateur puis les cadres métropolitains du DOM, aux images produites ou assumées par les Guyanais, ressortent finalement des tendances très semblables : réduction à telle ou telle composante humaine ou naturelle, alors promue au rang d'image globalement représentative ; cloisonnement presque étanche de ces divers éléments. Mais, à la question de savoir à quelles images chaque Guyanais peut s'identifier, et qui se pose aussi en termes d'hyper ou d'hypo-représentation, les réponses varient sensiblement en fonction des époques et des positions respectives des groupes en présence.Images of Guyana, between réduction and compartmentalization This article focuses on the style and evolution of images of Guyana and Guyanans created over the last 150 years (illustrated accounts of travel or exploration, photographs, documentary films). The multicultural and multiethnic dimensions of the country are at the heart of this reflection. Images “scribed” first by colonisers, then by representatives of colonial administrations in overseas dominions, and those created and accepted by Guyanans provide evidence of very similar tendencies : reduction to a single element, representing local flora and fauna or a person, which are thus promoted to the level of a global representation ; almost total compartmentalization of these elements. But, depending on the period and the respective positions of the individuals in the photograph, it is difficult to say which images the Guyanans accept as a representation of themselves, and which are in fact a hyper or hypo-representation.
- L'histoire comme vous ne l'avez jamais vue : un film népalais - Anne de Sales p. 125 Simarekha ou La Frontière, acclamé comme le premier film historique népalais, est resté à l'affiche du plus grand cinéma de Katmandou pendant plusieurs mois en 1998. Il présente une version révisée de l'histoire officielle de la conquête par des colons hindous au XXe siècle de la principauté de Gorkha, alors gouvernée par un chef tribal. Plusieurs récits de cet événement fondateur de l'histoire nationale (une chronique, un chapitre d'un manuel scolaire, une pièce de théâtre, un roman) sont analysés ici comme autant d'étapes d'un processus qui aboutit à son interprétation cinématographique.La mise en images opère une sorte de télescopage de cet enchaînement historique tout en l'ancrant dans la situation présente, marquée par de violentes revendications ethniques. Le film eut un fort impact émotionnel sur les spectateurs qui eurent le sentiment de découvrir la vérité sur eux-mêmes et sur leur passé. En condensant les multiples évocations d'une identité « feuilletée », les images permettent aux intéressés de s'ajuster au contexte actuel.History as you have never seen it : a Nepalese film
In 1998, the first Nepalese film, Simarekha (The Frontier), scored a record run at the largest cinema in Kathmandu, attracting filmgoers for months. Taking a différent standpoint from that of history books, this film portrays how Hindu colonists took over the Gurkha principality, then governed by a tribal chief, during the 16th century. The article studies several versions of this key event in the country's history (chronicle, school textbook, theatre, novel) and analyses each version as a separate step in the process, culminating in its interpretation for the cinema. In the screen adaptation, events of the past are linked to more recent incidents, marked by violent ethnic demands. The film had a strong emotional impact on filmgoers who felt they were discovering a new truth about themselves and their past. By condensing the multiple narratives of a “multi-faceted” identity, these images allow each spectator to adjust the current context. - L'image ou sa dissolution au moment de la préparation de l'exposition internationale japonaise de 2005 - Sophie Houdart p. 141 La préparation de l'exposition internationale japonaise de 2005 est l'occasion de suivre, entre autres choses, les processus de mise en images d'un projet à vocation politique. Dans le cadre de cette contribution, est présenté le scénario, rhétorique et visuel, déployé par l'architecte japonais en charge des plans préliminaires. Ce scénario, supporté par des dispositifs et imageries virtuels, se donne pour objet de dissoudre le traditionnel pavillon et, rendant l'architecture invisible, de transformer la nature, cadre autant que thème de l'exposition, en sujet. En tant qu'outil chargé de remporter l'adhésion nationale aussi bien qu'internationale au projet d'exposition, le scénario architectural est confronté à d'autres dispositifs visuels, les uns comme les autres constituant autant de systèmes d'argumentations différents.Image or its dissolution when organising the Japanese International Exhibition of 2005The organisation of the Japanese International Exhibition 2005 provides an opportunity to study, among other things, the process of creating images for a politically-orientated project. In this context, the article reviews the rhetorical and visual scenario developed by the Japanese architect responsible for the preliminary plans. According to this scenario which manipulates logistics and virtual imagery, the image of the traditional pavilion dissolves visually and transforms nature which acts as both background and theme for the exhibition into the subject by rendering the architecture invisible. As a tool for establishing both national and international support for the exhibition project, the article compares the architectural scenario with other visual arrangements, each of which constitutes a different system of argumentation.
Notes de lecture
- Living with the Rubbish Queen. Telenovelas, Culture and Modernity in Brazil - Thomas Tufte p. 185
- Marchandes dakaroises entre maison et marché. Approche anthropologique - Mireille Lecarme-Frassy p. 187
- Femmes Beti entre deux mondes. Entretiens dans la forêt du Cameroun - Jeanne-Françoise Vincent p. 187
- Motifs économiques en anthropologie - Laurent Bazin, Monique Selim p. 190
- Le Terroir et son double. Tsarahonenana 1966-1992, Madagascar - Chantal Blanc-Pamard, Hervé Rakoto Ramiarantsoa p. 192
- La Population des pays en développement - Yves Charbit (éd.) p. 196