Contenu du sommaire : Les croyances collectives
Revue | L'Année sociologique |
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Numéro | vol. 60, no 1, 2010 |
Titre du numéro | Les croyances collectives |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les croyances collectives
- Actualité des croyances collectives - Bronner Gérald p. 11-18
- La rationalité ordinaire : colonne vertébrale des sciences sociales - Boudon Raymond p. 19-40 La conception de la rationalité courante dans les sciences sociales contemporaines est de caractère instrumental, y compris dans les formes ouvertes que lui ont données des théoriciens importants comme H. Simon ou G. Becker. Elle postule que les individus choisissent rationnellement les moyens qu'ils utilisent pour atteindre leurs objectifs ; leurs croyances et leurs objectifs leur étant imposés par des forces conjecturales. Devons-nous considérer les croyances normatives et positives des acteurs comme vouées à être laissées sans explication ou à être expliquées par des forces conjecturales ? On évite ces difficultés en substituant la Théorie de la rationalité ordinaire (tro) à la conception instrumentaliste de la rationalité. On propose ici une définition formelle de la tro, on montre qu'elle peut être efficacement appliquée aux croyances représentationnelles et axiologiques, on présente un échantillon de ses applications, on esquisse un catalogue de ses avantages logiques par rapport à la Théorie du choix rationnel (tcr) et à la Théorie de la rationalité limitée (trl), en fait des cas particuliers de la tro.The current instrumental conception of rationality even in the revised versions proposed by important theorists as H. Simon or G. Becker leads to the view that people choose rationally the means they use to reach their goals, while their goals, values or beliefs would be imposed to them by social, cultural, biological or psychological forces they have little control of and even are unaware of. Should we consider the objectives, preferences, values, normative and positive beliefs of actors as facts to be observed and left unexplained or explained by conjectural forces? A way to get rid of the difficulties aroused by the various instrumental versions of the theory of rationality is to substitute for it the Theory of Ordinary Rationality (tor). The paper proposes a formal definition of this notion, shows that it can be applied to representations and values, presents a sample of applications and sketches a survey of its logical advantages over the theories of rationality currently in use, as notably the so-called Rational Choice Theory (rct).
- Le partage du croire religieux dans des sociétés d'individus - Hervieu-Léger Danièle p. 41-62 La description sociologique du paysage contemporain des croyances religieuses met fortement l'accent sur le processus global d'individualisation qui conduit chaque sujet à fabriquer lui-même le petit récit qui donne sens à son expérience personnelle. Poussé à la limite, une telle tendance pourrait suggérer une atomisation individualiste généralisée des croyances et donc la dislocation — voire la disparition — de toute forme de croire partagé au sein d'une communauté. Cependant, un certain nombre de facteurs, sociaux, culturels et psychologiques, contribuent à limiter ce mouvement et favorisent au contraire un renforcement des attachements communautaires. Cet article propose une analyse de ce paradoxe et explore les formes contemporaines du partage religieux des croyances.The sociological description of the contemporary scene of religious believing insists on a global process of individualization, which drives each subject to produce by him/herself the small narrative able to give sense to his/her personal experience. At its outermost expression, such a tendency could suggest a generalized individualistic atomization of beliefs, and thus a dislocation, or even a disappearance of any form of shared community believing. However, different social, cultural and psychological factors tend to limit this movement and contrarily reinforce community links. This article offers an interpretation of this paradox and explores the contemporary forms of the religious sharing of beliefs.
- De la nature des croyances collectives - Clément Fabrice p. 63-91 Les croyances collectives ont constitué dès Durkheim un objet privilégié pour l'analyse sociologique. Pourtant, les sociologues peinent aujourd'hui encore à s'accorder sur la manière de les aborder, aussi bien théoriquement que méthodologiquement. Certains pensent qu'elles renvoient essentiellement à des dispositions acquises lors de la socialisation. D'autres qu'elles s'ancrent sur de bonnes raisons que l'analyste doit expliciter. Le pari de cet article consiste à montrer que ces oppositions reposent pour l'essentiel sur le fait que des phénomènes de nature différente se cachent derrière cette notion trop vague. L'identification de différents types de croyances permet alors de montrer comment une approche résolument pluridisciplinaire est susceptible d'enrichir notre compréhension des croyances collectives.Collective beliefs were an important topic for sociology since its official institution by Durkheim. However, sociologists have not yet reached a consensus on the right way to study them. For some, they are a matter of disposition acquired during socialization. For other, they are based on good reasons that the analyst has to make explicit. The aim of this article is to show that these oppositions are mainly grounded on the fact that this notion refers to different phenomena. Once these different kinds of beliefs have been identified, it appears that only a multidisciplinary approach can give a full account of collective beliefs.
- Les croyances religieuses : entre raison, symbolisation et expérience - Lamine Anne-sophie p. 93-114 Est-il possible de prendre en compte les trois dimensions de la croyance religieuse : les processus de rationalisation, ceux de symbolisation et le croire en acte (et en présence, en émotion) ? Ces approches sont discutées, à partir de leurs appuis théoriques (Weber, Schutz/Luckmann et Simmel/Wittgenstein) et de cas empiriques, ainsi que l'articulation entre elles. On montre qu'il y a d'une part une dimension rationnelle dans le fait de rendre des expériences ou des croyances signifiantes et plausibles et d'autre part une dimension existentielle de la croyance comme vécu ou comme pratique, qui peut — temporairement ou durablement — suspendre l'analyse rationnelle, la justification, l'explication réflexive. Les trois dimensions explicatives de la croyance apparaissent donc comme complémentaires et compatibles.Is it possible to take into account three dimensions of religious belief : rationalization, symbolization and experience of belief ? The corresponding theories are discussed (Weber, Schutz/Luckmann and Simmel/Wittgenstein) and related to empirical investigations. The paper also aims to articulate them and to show that they are compatible. On the one hand, there is a rational aspect in making religious experiences significant and in showing their plausibility; on the other hand, the experience of belief may suspend the reflexive and rational analysis about it.
- Croyances fantastiques et rationalité - Renard Jean-Bruno p. 115-135 Raymond Boudon a appliqué sa théorie générale de la rationalité à la connaissance ordinaire et à la connaissance scientifique, principalement les sciences humaines. Les croyances fantastiques, c'est-à-dire l'affirmation de l'existence d'êtres ou de phénomènes extraordinaires, sont fréquemment expliquées, à cause de leur étrangeté, par l'irrationalité humaine ou par un « besoin de merveilleux ». Elles relèvent pourtant aussi, le plus souvent, de la rationalité subjective. L'article explorera les « bonnes raisons de croire » à des choses incroyables comme les sirènes, le monstre du Loch Ness, le yéti, les extraterrestres, les phénomènes paranormaux…Raymond Boudon has applied his general theory of rationality to ordinary and scientific knowledge, especially human sciences. Owing to their oddness, paranormal beliefs, that allege the existence of extraordinary beings and extraordinary phenomena, are frequently explained by human irrationality or by « the need for fantasy ». Moreover, most of the time, they are also connected with subjective rationality. The present paper will explore the « good reasons for believing » in incredible things such as mermaids, the Loch Ness monster, the yeti, extraterrestrial beings, paranormal phenomena…
- Le succès d'une croyance. Évocation ? crédibilité ? mémorisation - Bronner Gérald p. 137-160 Deux grandes familles de programmes prétendent expliquer le succès ou l'insuccès d'une croyance sur le marché cognitif. Après avoir révoqué les propositions des programmes fonctionnalistes, cet article examine d'une façon critique celles, très innovantes, du programme naturaliste/mécaniste. Il s'agit, sur la base d'expérimentations, de voir les limites du facteur de mémorisation et la façon dont il peut être complété par les facteurs d'évocation et de crédibilité. L'intention est de parvenir à un modèle mixte qui rende justice au caractère hybride des phénomènes cognitifs qui résultent d'invariants de la pensée individuelle et de la variabilité des données sociales.Two paradigms claim to explain the success or the failure of a belief in the cognitive market. After calling the proposals of functionalist programs into question, this article considers critically the highly innovative naturalistic/mechanistic program. This examination is based on experiments in order to see the limits of the memory factor and how it can be completed by the factors of evocation and credibility. The purpose is to achieve a mixed model that takes into consideration the hybrid nature of cognitive phenomena resulting from individual thought's invariants and social data's variants.
Varia
- Éthique et engagement dans un groupe antispéciste - Turina Isacco p. 161-187 Cet article présente les résultats d'une enquête ethnographique sur une association italienne qui lutte pour les droits des animaux, en se focalisant sur les aspects éthiques de cette forme d'engagement. Par contraste avec l'antispécisme des philosophes moraux, je me propose de définir la version élaborée par ce groupe comme « antispécisme anti-humaniste », vu que, au sein de ce collectif, la défense des animaux va de pair avec un mépris pour les hommes et une méfiance généralisée envers l'humanité, jugée moralement inférieure aux autres espèces et vouée à l'extinction. Dans un deuxième temps, j'analyse les actions entreprises par le groupe en deux sphères distinctes : celle de l'éthique, qui renvoie à l'œuvre de Weber, et celle de la morale, définie d'après Durkheim. Je suggère que cette distinction peut se révéler utile dans le développement d'une sociologie empirique des phénomènes éthiques, qui semble de plus en plus urgente pour mieux comprendre et analyser les sociétés pluralistes contemporaines.The article aims to give an ethnographic account of the ethics of an anti-speciesist Italian militant group. I define the ideology underpinning their activism as “anti-humanistic anti-speciesism”, since animal advocacy goes hand in hand with overt contempt for human beings. I classify the activities of the group into two different spheres: the sphere of ethics, defined in Max Weber's terms as an ideologically coherent lifestyle; and the sphere of morals, concerning — as in Emile Durkheim's vocabulary — the defense of the group from doctrinal and physical challenges. Finally, I claim that empirical research on ethical and moral phenomena is needed in order to improve our understanding of contemporary pluralistic societies.
- Éthique et engagement dans un groupe antispéciste - Turina Isacco p. 161-187
Note de lecture
- Note de lecture - Raynaud Dominique p. 189-207
Analyses bibliographiques générales
- Analyses bibliographiques générales - p. 209-249