Contenu du sommaire : Les droits des femmes : militantisme, recherche et politique

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (région moan), les droits de la femme occupent une place importante dans la recherche, les débats politiques et le militantisme féministe. Les spécialistes affirment que le progrès de la région passe par l'attribution aux femmes d'un rôle plus important dans la vie économique et sociale. Mais celles-ci continuent de faire l'objet d'une discrimination qui les empêche de développer tout leur potentiel, et ce malgré les progrès impressionnants qu'elles ont accomplis dans les domaines de la santé et de l'éducation. À des degrés divers selon les pays de la région, la discrimination à l'égard des femmes est ancrée dans les attitudes culturelles, les politiques gouvernementales et les cadres législatifs. Les lois de la famille qui y sont en vigueur subordonnent femmes et filles aux hommes - cette position étant par la suite reproduite dans la sphère économique et dans la société.Dans cet article, j'aborde brièvement les tendances récentes du féminisme ainsi que les réformes de la législation familiale au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en mettant l'accent sur le Maroc qui a adopté, en 2004, un code de la famille entièrement nouveau. La nouvelle législation marocaine prend en compte les normes internationales en matière de droits de la femme et de l'enfant, les impératifs de développement national, et l'esprit de justice et d'équité de l'Islam. Qu'une campagne féministe ait réussi à modifier la législation familiale dans une région où les lois ont pour fondement la charia, ou loi islamique, montre que des coalitions efficaces peuvent être mises en place dans la région moan en liant le développement économique et social aux droits des femmes. Le cas du Maroc met clairement en évidence l'articulation entre recherche, militantisme et politique.

Les États-Unis ont connu ces trente-cinq dernières années des changements extraordinaires concernant l'accès des femmes à l'égalité dans l'éducation, l'emploi et la participation à la vie politique. Ces changements sont à rapporter à l'introduction de lois antidiscriminatoires et aux activités par lesquelles des organisations professionnelles féminines (ou intégrées dans certains cas) ont stimulé la mise en œuvre des textes législatifs et poussé à leur donner une interprétation très large. Cette évolution aurait été inconcevable sans les travaux de chercheurs en sciences sociales prouvant les disparités d'accès des femmes à l'éducation et à l'emploi, qui ont ensuite servi à formuler des programmes de changement social.L'étude qui suit retrace les débuts (de la deuxième vague) du mouvement des femmes aux États-Unis, vers la fin des années 1960, auquel j'ai participé ; je m'intéresse en particulier à l'utilisation que le mouvement a faite de la recherche et des recherches qui ont suivi et donné leur substance aux programmes politiques. J'étudie d'abord le contexte dans lequel le mouvement des femmes s'est constitué, ainsi que l'établissement des droits aux États-Unis. Je m'attache à l'accès des femmes à l'emploi, en particulier (mais pas exclusivement) aux professions libérales et spécialisées.

Malgré le consensus international sur l'importance de l'émancipation économique des femmes qui s'est exprimé au niveau mondial à la faveur d'accords comme le Programme d'action de Beijing ou l'accord sur les Objectifs du Millénaire pour le développement, nous avons cessé de nous rapprocher d'un grand nombre de nos objectifs et nous nous en sommes même parfois éloignés. Une étude récente du Forum économique mondial a montré qu'aucun pays n'avait encore réussi à combler l'écart entre les niveaux d'activité économique des deux sexes. Même les pays les mieux classés suivant l'indice d'émancipation du Forum obtiennent généralement des scores plus élevés sur la santé et le bien-être, le niveau d'éducation et l'émancipation politique des femmes que sur leurs possibilités de participation et leur participation effective à l'activité économique. Si les premières variables sont des composantes essentielles de l'émancipation générale des femmes, il faut leur ajouter l'émancipation économique pour que le tableau soit complet. Les activités de recherche et de formation de l'instraw en faveur de l'émancipation économique des femmes portent sur trois questions majeures : la perspective du genre et des problèmes économiques des femmes dans le champ de la politique et des décisions économiques générales ; l'analyse des programmes et des projets économiques pour déterminer et diffuser les bonnes pratiques ; la création d'une véritable mesure de l'émancipation économique des femmes, fondée sur des données relatives à l'influence des politiques économiques et des projets de développement économique sur les relations entre les sexes et la condition des femmes.

Créée en 1980 dans le cadre des Nations unies en vertu de la résolution 35/55 de l'Assemblée générale, l'Université pour la paix assure des missions d'enseignement, de formation et de recherche postuniversitaires sur des thèmes liés à la prévention des conflits, à la sécurité et à la paix. L'upeace est la seule institution des Nations unies spécifiquement chargée de dispenser à des étudiants du monde entier une formation postuniversitaire sanctionnée par un diplôme. L'Université jouit d'une grande autonomie au sein du système des Nations unies, car elle n'est pas soumise aux règlements financiers et administratifs de l'onu et est dirigée par un conseil restreint composé d'éminents universitaires et spécialistes du domaine de l'enseignement pour la paix. Le département d'études sur le genre et la paix défend l'idée que la paix, l'égalité des sexes et l'équité entre les sexes sont intimement liées. En intégrant la dimension de genre, le département entend inciter les décideurs politiques à utiliser cette approche comme instrument d'analyse permettant d'éviter la discrimination, l'injustice et les inégalités fondées sur le sexe, et de tirer parti des qualités particulières des hommes et des femmes pour prévenir la violence, résoudre les conflits ou agir sur les situations postconflictuelles. Dans cette perspective, le département associe recherche et politique et pour ce faire : dispense, dans de nombreux domaines liés à la sécurité et à la paix, un enseignement et une formation spécialisés qui s'appuient sur des travaux de recherche innovants, afin de générer les ressources humaines compétentes essentielles à la prévention et à la médiation des conflits, à la consolidation de la paix et de la démocratie, ainsi qu'à la reconstruction et à la préservation de la société civile ; encourage l'éducation et la sensibilisation du public, pour changer les comportements et faire reculer l'ignorance, la méfiance, les préjugés et la haine ; élabore une base objective et pertinente de données, d'études de cas et d'enseignements, ainsi que des systèmes d'information spécifiques aux questions liées à la paix, au genre et à la sécurité, qui serviront de base solide pour l'élaboration des politiques, le consensus et l'action ; mène des recherches sur les causes de la violence et des conflits, afin de fournir une base saine pour la prise de décisions. Les questions de genre sont un sujet de préoccupation majeur dans de nombreuses sociétés, cultures, institutions et universités. La consolidation de la paix est un vaste processus au cœur de la construction de la paix, qui comprend la prévention, la gestion/résolution des conflits et les actions engagées à l'issue des conflits, telles que la reconstruction, la réconciliation et la coopération. La violence fondée sur le sexe est un domaine particulièrement délicat en raison de la difficulté à établir un contact direct avec les victimes d'exactions, la plupart d'entre elles craignant des représailles ou éprouvant un sentiment de honte à l'égard de leur famille et de leur communauté. Néanmoins, le genre constitue un champ d'investigation utile pour la transformation des conflits qui permet également d'aborder sous un angle nouveau la recherche sur la famille et sur la paix ainsi que les initiatives de consolidation de la paix.

Je m'appuie sur mes travaux universitaires récents concernant la démocratisation, les droits liés au genre et les mouvements sociaux et sur ma contribution au débat public relatif aux politiques sociales afin de présenter quelques réflexions sur la mise en place des politiques sociales et notamment de ce qu'on appelle à présent les « politiques du genre ». J'attire ainsi l'attention sur la justice sociale en tant que principe fondamental des politiques sociales, et sur le fossé qui sépare la conception juridique ou abstraite des droits liés au genre et leur application. En ce qui concerne la démocratisation, la citoyenneté et les droits de la personne humaine, je propose des réflexions sur la traduction du langage des besoins en droits invoqués par différents mouvements sociaux argentins qui contribuent à l'évolution du discours sociopolitique en inscrivant de nouvelles questions et de nouveaux problèmes au programme des acteurs publics. Le discours des mouvements sociaux qui se fonde sur le concept de droits s'étend à la pauvreté et au chômage, que les propos sur les politiques sociales dans les années 1990 évoquaient déjà. Mais, contrairement à ces discours ancrés dans des stratégies d'assistance, la parole actuelle reflète la politisation croissante des domaines de la production et de la reproduction sociale. Elle encourage la reconnaissance des différences, la quête de la dignité, la critique des relations de pouvoir existantes et l'établissement d'une relation d'interdépendance entre les acteurs et les organisations. J'avance aussi l'idée que les mouvements de femmes ont atteint un stade nouveau susceptible de contribuer au renforcement du féminisme populaire en Argentine, ainsi qu'à une alliance entre des femmes issues de différents segments de la société urbaine et rurale.