Contenu du sommaire : Inventer le patrimoine moderne dans les villes du Sud

Revue Autrepart Mir@bel
Numéro no 33, 2005
Titre du numéro Inventer le patrimoine moderne dans les villes du Sud
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Inventer le patrimoine moderne dans les villes du Sud

    - Editeurs scientifiques : Galila El kadi, Anne Ouallet, Dominique Couret
    • Le patrimoine moderne dans les villes du Sud : une articulation en cours entre mémoires locales, modernités urbaines et mondialisation - Galila El Kadi, Anne Ouallet et Dominique Couret p. 3 accès libre
    • Enjeux culturels et politiques de la mise en patrimoine des espaces coloniaux - Alain Sinou p. 13 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objet de cet article est de présenter, à partir d'exemples choisis dans une même aire culturelle, l'Afrique de l'Ouest, dans quelles conditions l'espace bâti colonial, c'est-à-dire l'architecture et l'espace urbain produits à l'initiative des occidentaux entre le milieu du XIXe et le milieu du XXe siècle, devient une figure du patrimoine bâti. Après avoir caractérisé cet espace, ce texte propose d'identifier les différents acteurs du processus, leurs logiques, leurs objectifs, ainsi que les enjeux des politiques conservatoires et les difficultés qui apparaissent dans leur mise en œuvre.
      Cultural and political issues surrounding the designation of colonial features as heritage sites
      The aim of this article is to examine the situations and contexts in which the colonial built environment, in other words the architecture and urban environment initiated by Western colonizers between the mid-XIXth and mid-XXth Centuries, has become a component of the built cultural heritage. The paper uses examples from the same cultural area, West Africa. The Author defines this urban environment, then sets out to identify the different parties involved in the process, their philosophy and approach, their objectives and the major issues concerning the conservation policies and the problems that face their implementation.
    • Mémoires urbaines et potentialités patrimoniales à Addis-Abeba - Anne Ouallet et Fasil Giorghis p. 33 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La ville d'Addis-Abeba offre l'exemple d'une ville récente, un peu plus que centenaire, mais dans laquelle plusieurs strates patrimoniales peuvent être décelées. Elles renvoient à des périodes historiques tranchées pendant lesquelles se sont épanouies des architectures spécifiques, liées à des épisodes plus ou moins glorieux ou plus ou moins douloureux de l'histoire éthiopienne. Les métissages architecturaux qui en sont issus sont l'illustration des pouvoirs de l'époque et donnent à la ville un cachet particulier. La création d'Addis-Abeba par l'empereur Ménélik II en 1886 comme ville de garnison lui a donné sa polynucléarité de base autour des campements des généraux, puis la décision de conforter son rôle de capitale a conduit à la construction de maisons de maître édifiées dans une architecture éthiopienne intégrant des inspirations étrangères, principalement arméniennes, indiennes et européennes. La période de l'occupation italienne, de 1936 à 1941, est, elle, marquée par la volonté de construire une ville imposant la civilisation des occupants. Cependant, les urbanistes italiens de l'époque, loin d'appliquer la table rase suggérée par Mussolini, ont intégré dans leurs constructions des savoir-faire locaux. L'époque plus contemporaine façonne aussi une nouvelle urbanité. Nous analysons ici les modes de constitution d'un espace urbain en continuel renouvellement et ses rapports à la mémoire urbaine.
      Urban memory and heritage potential in Addis Ababa
      The Ethiopian capital Addis Ababa provides the example of a city recently established, in that it dates back a little over 100 years, but in which several historical levels of built heritage can be distinguished. Such layers correspond to distinct historical periods during which there was a flourishing of specific architectural styles, linked to more-or-less glorious or painful moments in Ethiopian history. The architectural cross-fertilizations produced by these episodes illustrate the nature of the powers prevailing at the time and give the city a special character. The foundation of Addis Ababa as a garrison town by Emperor Menelik II in 1886 gave the city its basic multi-nucleate configuration. Settlements grew around the camps of military generals. The subsequent decision to affirm the city's role as capital led to the construction of large houses of society's upper echelons, manifesting an Ethiopian architecture incorporating features inspired from abroad, mainly Armenian, Indian and European. The period of Italian occupation from 1936 to 1941 was marked by the occupiers' intention to stamp the city with its civilization. However, the Italian urban planners of the time, far from applying the complete clearance policy put forward by Mussolini, incorporated local savoir faire into their building realizations. The more contemporary era has also been creating a new form of built environment. The Authors examine here the different ways in which an urban environment continues to develop in a perpetual process of renewal.
    • Héritage reconnu, patrimoine menacé : la maison traditionnelle à Tananarive - Catherine Fournet-Guérin p. 51 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les maisons traditionnelles de Tananarive constituent un patrimoine architectural original, fruit du métissage entre des apports merina et européens. Ces maisons font aujourd'hui l'objet d'enjeux symboliques et identitaires forts car elles sont à la fois considérées comme la maison des ancêtres, ce qui nécessite leur maintien au sein de la famille, et comme le support du statut des « hautes castes » qui s'efforcent aujourd'hui de les protéger pour affirmer une identité menacée. Toutefois, le processus de dégradation de ces maisons du XIXe siècle est très avancé, parfois irréversible, tant les facteurs d'altération sont nombreux et tant les politiques de préservation apparaissent dérisoires dans un contexte économique fragile. Néanmoins, certains facteurs, variables selon les quartiers, permettent une évolution différenciée de l'état des maisons.
      Legacy recognized, heritage threatened: the traditional house in Tananarive
      The traditional houses of Tananarive, the old quarters of Antananarivo, represent a specific architectural heritage. They are the fruit of cross-fertilization between Merina (traditional Madagascan) and European influences. The houses now are at the core of potent symbolic and identity-related issues. They are considered at one and the same time as emblematic of the ancestors' house, which makes it essential to keep them within the family, yet as elements that underpin the status of “high castes” who now strive to protect them to assert a threatened identity. These XIXth houses are in an advanced state of decay. Some are irreparable, given the multitude of factors that contribute to the degradation and the practical non-existence of conservation policies in a perilous economic situation. Nevertheless, certain factors, which vary from district to district, leave room for the state of the houses to be improved to various degrees.
    • Damas, la reconnaissance patrimoniale en question - Carine Sabbagh p. 71 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le patrimoine architectural des XIXe et XXe siècles à Damas est influencé par deux périodes de domination étrangère, la première ottomane jusqu'en 1919, la seconde française pendant la durée du mandat (1920-1946). La ville évolue au rythme de nouvelles modes architecturales et d'aménagement urbain venues de l'Occident. Aujourd'hui, Damas s'est étendue. Les nouveaux bâtiments et l'organisation urbaine ont apporté une modernité à la ville et composent un patrimoine national. En Syrie, le patrimoine ancien et antique est reconnu et protégé. En revanche, la prise en compte d'un patrimoine contemporain suscite des interrogations. Une réflexion est menée pour dégager les enjeux et les limites de la protection du patrimoine.
      Damascus, heritage recognition in question
      In Damascus, the architectural heritage of the XIXth and XXth Centuries bears the influence of two periods of foreign domination. The first was the rule of the Ottoman Empire, up to 1919, the second was the French protectorate that prevailed during France's mandate (1920-1946). The city grew and developed under the influence of successive architectural styles and town planning approaches that surged in from the West. Damascus is now a much-expanded city. The new buildings and revised urban layout have injected modernity into the city and created a national heritage. In Syria, the heritage from historical times and more distant antiquity is well acknowledged and protected. Yet the notion of conserving a more recent and contemporary heritage arouses a great deal of debate. There is much ongoing discussion on the issues involved in heritage conservation and the limits to which this ethos can be stretched.
    • Valorisation patrimoniale en cours de la ville moderne du Caire - Galila El Kadi et Dalila Elkerdany p. 89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Un des traits novateurs des politiques publiques de patrimonialisation en Égypte est l'élargissement de la sauvegarde aux objets et sites du XIXe siècle et du début du XXe, au cours de ces dix dernières années. Toutes les actions engagées depuis vont dans le sens d'élever le legs de cette époque au rang de patrimoine au même titre que les tissus urbains médiévaux. L'édiction, à partir de 1993, de plusieurs décrets interdisant la démolition ou la transformation des bâtiments de grande valeur architecturale s'accompagne d'un nouveau mode de gestion qui se base sur cinq outils majeurs : les campagnes de sensibilisation aux valeurs de ces sites et objets, aux dangers qui les menacent et aux nécessités de leur sauvegarde ; les inventaires et le classement ; la diffusion et la gestion de l'information ; la réutilisation du bâti ancien ; la réhabilitation de l'espace collectif et la restauration des édifices publics. Dans cet article, nous allons établir un état de la question de ces nouvelles orientations. La question principale à laquelle nous tenterons de répondre est de savoir s'il s'agit de la construction d'un nouveau patrimoine et de la mise en place de modes adéquats de gestion de la sauvegarde permanente ou, au contraire, d'actions à portée limitée, dispersées dans le temps et dans l'espace.
      Heritage conservation and enhancement schemes under way in the modern city of Cairo
      One of the novel characteristics of public heritage policies in Egypt is the broadening of scope of protection schemes to historical objects and sites of the XIXth and early XXth Centuries, widening that has been progressing over the past ten years. All the actions undertaken since aim to contribute to raising the legacy of this era to the same heritage status as mediaeval city patterns. Several decrees issued from 1993 forbid the demolition or alteration of buildings of high architectural value. They have come along with a new approach to heritage management. This is based on five main strands: awareness-building campaigns explaining the value of these historical sites and objects, warning of the dangers that threaten them and explaining the necessity of conserving them; inventory establishment and classification; communication and management of information; reuse of older buildings; rehabilitation of the community environment and the restoration of public buildings and sites. The Authors review the situation regarding these new policy strategies. The main question they attempt to answer hinges on whether the process is one of constructing a new heritage and is installing well-adapted management approaches to achieve permanent protection or, conversely, simply composed of actions of limited scope, spread out in time and space.
    • Devenir patrimonial contre développement urbain : l'exemple de Port-Saïd - Sawsan Noweir p. 109 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les villes égyptiennes où la croissance urbaine atteint un seuil limite et où la mutation rapide et la densification des tissus urbains sont un phénomène courant, peut-on concevoir la préservation du patrimoine sans une politique d'intervention, d'aménagement et de protection des quartiers ? La construction de cette politique passe nécessairement par une connaissance historique de la ville et de ses qualités architecturales et urbaines. L'exemple des effets du développement urbain à Port-Saïd, première ville moderne construite en Égypte, montre comment une politique d'urbanisation volontaire et un schéma directeur peuvent, s'ils ne prennent pas en considération l'enjeu de développement que constitue la ville ancienne et existante, mettre en péril les potentialités patrimoniales locales.
      Heritage for the future against urban development: the example of Port-Saïd
      In Egyptian towns and cities where urban growth is reaching limiting thresholds and where rapid change and densification of urban structural patterns are commonplace, is heritage conservation conceivable without an interventionist policy involving improvement and conservation of the various city districts? Elaboration of such a policy inevitably requires good knowledge of the history of the city and the way it was planned and developed, plus an appreciation of the quality of its architecture and urban features. The example of the effects of urban development at Port-Saïd, the first modern city built in Egypt, shows how a strongly-determined planning development policy and a strategic plan can jeopardize the heritage potential of the local areas, if it does not take into consideration the major issues surrounding city development history much earlier in the process.
    • Entre monde et patrie : l'entreprise patrimoniale palestinienne, 1995-2002 - Sylvaine Bulle p. 127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Nous parlons ici du fait patrimonial apparu dans la très éphémère période d'autonomie palestinienne (1995-2002). On a vu en effet s'ouvrir un grand nombre de « chantiers » urbains liés à la reconquête du bâti dans les villes palestiniennes de Ramallah, Naplouse, Gaza, Hébron, Bethléem. La mémoire du patrimoine local et autochtone a été fortement invoquée comme une croyance politique dans la nation palestinienne, capable de « rassembler » la communauté. La menace de la dégradation, de la guerre et surtout le registre symbolique et nationaliste palestinien sont partout invoqués dans la politique de préservation d'un patrimoine, partiellement libéré de la longue présence étrangère, militaire et coloniale. Mais ces identités urbaines ne doivent pas être considérées comme la stricte expression du patriotisme. La politique de mémoire est regardée ici au filtre de la circulation des idées ou du capital, et d'une certaine internationalisation dont dépend fortement le champ urbain palestinien. Tel est le cas de Bethléem 2000, gigantesque machine patrimoniale articulée à la commémoration universelle du millénaire que nous analysons comme l'exemple d'une nouvelle culture publique, à la croisée de la nation, de l'économique et d'une certaine culture publique mondiale.
      Between world and homeland: the Palestinian venture into heritage policy 1995-2002The article examines the factor of heritage as it arose during the extremely ephemeral period of Palestinian autonomy (1995-2002). That period saw the beginnings of a great number of urban “projects” linked to the re-appropriation of the built environment in the Palestinian towns of Ramallah, Naplouse, Gaza, Hebron and Bethlehem. The memory of the local autochthonous patrimony was brought to the forefront as a political belief in the Palestinian nation, capable of “rallying” the community. The policy of conservation of the heritage of the built environment, partly freed of the long foreign, military and colonial presence, is full of references to the threat of degradation, of war, and expresses, especially, the symbolic Palestinian nationalist tone. However, these urban identities must not be considered as just the expression of patriotism. The policy dealing with the memory is looked on here in the light of the circulation of ideas or of capital, and of a certain internationalization on which the Palestinian urban sphere depends. Such is the case of Bethlehem 2000, a gigantic heritage scheme hinging on the universal commemoration of the new Millennium. The Author analyses this as the example of a new public culture, existing in a space which is a crossing-point where ideas of the nation meet the economic situation and a certain globalized public culture.
    • Hôi An, de l'éveil à la résurrection du patrimoine - Nguyên Tùng et Nelly Krowolski p. 141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Fondé probablement vers la fin du XVIe siècle, Hôi An a attiré très tôt les marchands portugais, hollandais, français... et surtout japonais et chinois. Ces derniers ont formé, dès la première moitié du XVIIe siècle, deux communautés importantes qui ont largement contribué à la constitution d'un ensemble architectural urbain unique au ViêtNam. Négligé jusqu'à récemment, ce patrimoine, étudié et sauvegardé depuis une vingtaine d'années, est aujourd'hui valorisé au point d'être inscrit depuis 1999 sur la liste du patrimoine mondial et de devenir un site très visité des touristes tant vietnamiens qu'étrangers.
      Hôi An, from the wakening to the resurrection of heritage
      Hoi An, founded probably towards the end of the XVIth Century, very early on attracted merchants from abroad: Portuguese, Dutch, French, and especially Japanese and Chinese. The latter two groups, from the first half of the XVIIth Century, formed two large communities which greatly contributed to the constitution of what is a unique set of features of urban architecture in Vietnam. This legacy was neglected until relatively recently. However, this heritage has been studied and conserved over the past 20 years, and is highly valued, to the extent that from 1999 it has been on the world heritage list and has become a site frequently visited by tourists, both Vietnamese and from abroad.
    • L'invention du patrimoine urbain à Singapour. Entre "fantômes ancestraux" et "ville mondiale" - Gilbert Hamonic p. 157 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le patrimoine urbain de Singapour s'est moins constitué à partir d'un contenu concret à découvrir que comme une pure invention, certes en rapport avec une histoire et une certaine mémoire, mais surtout créé à des fins relatives à la citoyenneté, l'identité nationale et l'image internationale de la cité-État. Plutôt que d'évoquer en détail les caractéristiques d'un inventaire (travail déjà fort bien réalisé par les autorités locales), on s'attache davantage ici à la manière dont ont surgi les modalités de classement et de mise en valeur des bâtiments ou des quartiers sauvegardés ; étant entendu que ce que l'on recense et ce que l'on ignore, ce que l'on conserve et ce que l'on détruit, est extrêmement révélateur d'une politique patrimoniale, et plus largement d'une conception de l'urbanisme, qui outre Singapour, inspire désormais plusieurs mégapoles d'Asie du Sud-Est.
      The invention of urban heritage in Singapore
      The urban heritage of Singapore has been put together not so much as a set of real features to discover, but as a pure invention. This conception certainly bears a relation to a particular history and a certain memory, but was created for purposes bound to citizenship, national identity and the city-state's international image. Rather than present in detail the characteristics of an inventory (a task which has already been remarkably well accomplished by the local authorities on the subject) this paper examines the ways in which the buildings and the conserved districts have been classified and treated to show them in their best aspect. What is recorded and what is ignored, what is preserved and what is destroyed, reveals a great deal about a heritage policy and, more widely, much about an approach to urban planning which, beyond Singapore, is now inspiring authorities of several megalopolises in South-East Asia.