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Si les secteurs agricole et industriel perdent des emplois, la vitalité des services ne suffit pas à occuper une population active en augmentation. Pour saisir les opportunités de créations d'activités et donc d'emplois nouveaux, il faudra d'abord que la société retrouve sa cohésion sociale.

Le choc du baby-boom et l'arrivée massive des femmes ont marqué le marché du travail depuis trente ans. Parallèlement, on observe une réduction du temps du travail aux deux bouts de la vie, mais qui ne suffira pas à elle seule, sans véritable politique de l'emploi ni choix sociaux, à atteindre à l'avenir le plein-emploi.

La France est malade du manque d'emplois qui frappe durement les jeunes, les moins qualifiés et les salariés âgés, en partie à cause de la surqualification généralisée, où les plus diplômés se rabattent, faute de mieux, sur les postes destinés aux personnes moins qualifiées.

Plus que les taux de chômage, l'analyse de l'emploi dans le monde révèle d'importantes disparités entre pays et entre modèles, liées à la structure interne des sociétés et au choix qui y sont faits.

Au-delà de l'explosion du chômage de masse, les conditions d'emploi se sont aussi considérablement dégradées en vingt ans. Ainsi l'emploi précaire et la baisse du pouvoir d'achat sont les marques de ce déséquilibre du marché du travail en France.

La plupart des économistes considèrent que la société peut créer assez d'emplois pour éliminer le chômage. Seuls diffèrent les moyens d'y parvenir. Mais rares sont ceux qui avancent des propositions pour concilier marché, croissance et cohésion sociale.

L'échange international est-il un facteur de développement ou réduit-il l'emploi tout en accroissant les inégalités? Tout dépend du cadre économique, politique et social dans lequel il s'inscrit. Dans tous les cas, il doit être manié avec circonspection.

Nombreux sont les économistes à s'être penchés depuis deux siècles, sur les effets du progrès technique sur l'emploi, mais aucun n'a apporté de réponse complètement satisfaisante, la question recurrente étant l'habituel débat sur l'ajustement de l'offre et de la demande.

L'économie des conventions propose une analyse renouvelée du marché du travail, qui rompt avec la vision dominante en économie, et prône le développement de la qualité de l'intermédiation, tant publique que privée.

Le libéralisme s'est imposé dans la théorie parce qu'il triomphait dans la pratique. Face au chômage les politiques de l'emploi sont restées dans des logiques réparatrices ou adaptatives, faute de parvenir à imposer une nouvelle régulation du capitalisme.

Le débat fait rage chez les économistes à propos du lien entre salaire et emploi. Mais cette question est plus ambiguë qu'il n'y paraît, et la simplicité des remèdes libéraux se heurte vite à la complexité des phénomènes sociaux.

Depuis 25 ans la politique de l'emploi n'a pas réussi à empêcher la progression du chômage, même si elle a permis d'en limiter certains effets destructeurs, et risque de se transformer en vaste système de subventions aux entreprises embauchant des personnes peu qualifiées, sur fond de déréglementation du marché du travail et distribution de minimas sociaux aux exclus.

Agir pour l'emploi, ce n'est pas seulement empiler des mesures, aussi bonnes soient elles, c'est aussi pousser les feux de la croissance et veiller à ce que cela profite à tous. Il faudrait pour y parvenir, ce qui n'est pas suffisamment le cas, élever fortement les minimas sociaux et faciliter l'insertion dans l'emploi de ceux qui dépendent de ces revenus.

Face au chômage, les pays européens enregistrent des résultats différents, selon leurs traditions sociales et leurs politiques économiques, mais il ne semble pas qu'il existe nulle part de solution miracle.

S'il est impossible, pour l'instant, de pronostiquer un bilan final en termes d'emplois, la loi sur les 35 heures a d'ores et déjà favorisé un renouveau significatif de la négociation sociale.

Pour Bernard Gazier, il faut rendre les périodes de formation, les congés parentaux, le temps partiel, etc., aussi désirables que l'emploi à temps plein, afin de multiplier les opportunités pour tous sur le marché du travail et de lutter plus efficacement contre le chômage.

Si l'économie française va bien, ce n'est pas le cas de la société, où les incohérences sont nombreuses entre les valeurs dominantes et le fonctionnement effectif de la société, trahissant un dysfonctionnement du politique.

Alors que de nouvelles formes de relation entre travail, emploi et vie sociale semblent en train de naître autour de la notion d'activité, le débat sur l'emploi et le chômage ne peut être envisagée qu'en mesurant le caractère social et historique de ces notions.

Si nous nous en donnons les moyens, il est possible de développer l'emploi sans aggraver les inégalités, à condition de se mobiliser autour d'une vision partagée de ce qu'il convient, en priorité, de transformer.

Le problème n'est pas de savoir si le travail se raréfie et par quoi il sera remplacé, mais de réfléchir sur une véritable politique des temps sociaux, ouvrant sur une redéfinition de la norme d'emploi.

Partage ou croissance, le choix dans lequel s'enferme le débat sur l'emploi n'a guère de sens. L'enjeu est aujourd'hui de recréer, en Europe, les conditions d'une redistribution des gains de productivité qui assure le soutien de la croissance, et d'établir ainsi une véritable norme de croissance.