Le texte qui suit reprend un article publié dans « L'Evénement européen » : « Minorités, quelles chances pour l'Europe ? » (Ed. Seuil, 1991). Cet article a seulement été écourté et toiletté. Près de vingt ans après, le reprendre sans modification substantielle a semblé justifié par la permanence des interrogations que soulèvent les trois dynamiques minoritaires qui avaient été étudiées. Les cultures régionales et les langues minoritaires ont poursuivi leur déclin, l'effacement étant masqué par des folklores trompeurs. Des initiatives inspirées du « fédéralisme culturel personnel » sont peu concevables aujourd'hui. Pourtant, un régionalisme plus respectueux des réalités historiques, alliant ambitions économiques et créativité culturelle, reste plus que jamais un projet porteur d'avenir. Malgré la succession des générations, la diversité culturelle induite par les immigrations n'est toujours pas intégrée de manière apaisée sur le plan sociétal. Sur fond de crise économique, des ghettoïsations ont pris corps. Les défis inédits touchant à l'accueil de l'islam n'ont pas été traités à la hauteur voulue. Transformée en « question musulmane » lors d'un débat manipulateur sur l'identité nationale, la présence musulmane, avec les nouveautés culturelles qu'elle présente, accroît les méfiances alors que la crise se creuse. Dans la mouvance juive, très diverse, la dynamique de recentrement s'est poursuivie. La relation à l'Etat d'Israël, la référence religieuse, le souvenir du génocide et l'évocation permanente d'un risque antisémite y cimentent l'identité. Politiquement et médiatiquement influentes, des institutions ayant pignon sur rue se refusent à toute distance critique à l'égard de la politique israélienne et « communautarisent » abusivement ce soutien. En l'absence d'issue politique au conflit du Proche-Orient, la perception des responsabilités de la situation, ici, s'est de plus en plus divisée, et les soutiens opposés prennent plus fréquemment qu'autrefois une coloration culturelle et confessionnelle.