Contenu du sommaire : La guerre des mots. 14-18 dans les Parlements européens
Revue | Parlement[s] |
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Numéro | no 10, 2008 |
Titre du numéro | La guerre des mots. 14-18 dans les Parlements européens |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 5-6
- Présentation - Fabienne Bock p. 10-12
- Le Parlement français et la Première Guerre mondiale - Nicolas Roussellier p. 13-30 Pendant longtemps, on a présenté le Parlement comme une institution faible dans la tourmente de la Première Guerre mondiale. Cette image doit être aujourd'hui très largement révisée. Face aux changements entraînés par la guerre, notamment le pouvoir accru du commandement militaire et la croissance de l'exécutif, les assemblées françaises ont su inventer et mettre en pratique un « parlementarisme de guerre » (Fabienne Bock) qui s'est révélé assez efficace. Les assemblées ont pu exercer leur pouvoir de contrôle sur les Gouvernements successifs mais ont su aussi définir un rôle, certes limité mais réel, dans le processus de décision de la nation en temps de guerre (armement, ravitaillement, buts de guerre). La période du Gouvernement Clemenceau représente certes un moment d'affaiblissement du Parlement mais pas un étouffement ou une marginalisation. En fait, la faiblesse véritable du Parlement pendant la guerre s'est située dans la bataille des images : les assemblées n'ont pas su ou pas voulu revendiquer haut et fort leur part dans la Victoire.
- Le scandale des embusqués. Le Parlement français dans la tourmente (1914-1918) - Charles Ridel p. 31-45 Submergeant une grande partie de la société française en guerre, la rumeur contre les embusqués, ces hommes qui se dérobent aux devoirs des armes en conservant des places de tout repos à l'arrière, a souvent pris pour cible le Parlement. À l'endroit de ce dernier, le reproche est double : il abrite des parlementaires frileux qui s'exonèrent de la loi militaire commune, mais surtout il soutient ces stratégies d'embusquage à des fins électoralistes. Réactualisation d'une invective antiparlementaire très en vogue sous la IIIe République mais exacerbée par les sacrifices de la Grande Guerre, cette grave accusation en dit long sur les sentiments et les attentes contradictoires des citoyens à l'égard d'une institution pourtant élue par eux. Source de malaise et d'incidents réguliers dans les assemblées, cette question des embusqués n'en constitue pas moins l'aiguillon et le levier principal de l'intervention croissante du Parlement dans le contrôle et la conduite de la guerre.
- Les Régions libérées à la Chambre : des textes et des hommes (1916-1925) - Alexandre Niess p. 46-62 Les régions envahies, dévastées puis libérées constituent une question primordiale pour le pays dès avant la fin du conflit. Dès lors, cet aspect est abordé au Parlement et tout particulièrement à l'Assemblée nationale, mais aussi au coeur du Gouvernement puisqu'un ministère puis deux sont tout spécialement dédiés aux problèmes rencontrés par les départements concernés. Cette contribution propose d'examiner les textes qui émanent du Parlement et dont le Journal officiel de la République garde traces, mais aussi de s'interroger sur les hommes qui représentent ces régions à la chambre et au gouvernement. Ces députés partagent-ils les particularités de ces régions au sortir de la guerre ? Les gouvernements français qui se succèdent entre 1917 et 1925 sont-ils marqués par l'empreinte de ces régions libérées ? Les ministres des Régions libérées sont-ils des ministres comme les autres ou leur recrutement procède-t-il de problématiques différenciées ?
- L'État, le parti et les parlementaires turcs face au génocide arménien (1908-1916) - Vahakn N. Dadrian, Alexandre Niess p. 63-74 Pour mener à bien une politique génocidaire, les structures gouvernementales et parlementaires traditionnelles ne peuvent suffire. Le cas du génocide arménien ne diffère en rien. Le parti ittihadiste porte en lui les ferments nécessaires au développement d'une politique génocidaire à l'encontre d'une minorité nationale, dans un contexte de défaites dans les Balkans. Le parti Ittihad ve Terraki est centralisé et dirigé par des hommes profondément arménophobes qui utilisent le parti et les parlementaires issus de celui-ci pour mettre en oeuvre une véritable politique génocidaire à l'encontre des Arméniens.
- « Parlement et gouvernement sont une seule et même chose. » Prorogation des sessions parlementaires et recours aux commissions de contrôle en Italie (1914-1918) - Carlotta Latini p. 75-91 Le système parlementaire italien contemporain est créé dans le cadre du Statut albertin. Celui-ci prévoit la réunion du Parlement en sessions suite à une convocation royale. Néanmoins, si le principe initial est simple, la mise en pratique de celui-ci, surtout en temps de guerre, n'est pas aussi limpide. D'une part, le principe de la prorogation, initialement prévu dans le Statut albertin, prend une mesure nouvelle. D'autre part, le parlement italien est rapidement relégué au second plan, laissant le Gouvernement prendre en main l'activité législative. Mais, un retournement de situation est perceptible au cours de la Grande Guerre puisque les commissions parlementaires contrôlent progressivement les actes gouvernementaux. Quels principes juridiques ont conduit ces évolutions ?
- Les débats sur la guerre sous-marine et la neutralité américaine au Reichstag 1914-1917 - Torsten Oppelland p. 92-103 Le Parlement allemand avait été exclu de la prise de décisions en matière de politique étrangère depuis Bismarck. Avec le début de la Première Guerre mondiale, le Reichstag est devenu un symbole important d'unité nationale, le Burgfrieden. Les nationalistes et la majorité annexionniste du Parlement, constituée du parti libéral de gauche et des Nationaux libéraux, du parti catholique du centre et, bien sûr, les conservateurs, ont initialement soutenu la décision de mener la guerre sous-marine sans restriction contre la Grande-Bretagne. Cette décision est une réponse au blocus britannique de l'Allemagne, sans considération pour les réactions potentielles des pays neutres, et en premier lieu des États-Unis. En 1916, la majorité change au sein du Reichstag. Les sociaux-démocrates, les libéraux de gauche et le parti du centre soutiennent la prudente solution proposée par le Chancelier Bethmann Hollweg. Cette dernière consistait à stopper la guerre sous-marine à outrance plutôt que de s'aliéner les États-Unis. Le Reichstag est ainsi devenu un acteur de politique étrangère important. En octobre de la même année, quand les nouveaux leaders militaires, Hindenburg et Ludendorff, appelaient sans restriction à la guerre sous-marine, le parti du centre a de nouveau changé d'opinion sur la question et a rédigé une résolution donnant pratiquement carte blanche à Hindenburg pratiquement. Ainsi, le Reichstag a abandonné sa nouvelle influence sur les décisions stratégiques importantes et a suivi les chefs militaires sur une route qui a mené à l'entrée des forces américaines dans la Première Guerre mondiale et, finalement, à la défaite.
- La guerre au Reichstag : la génération du front entre en politique ? - Nicolas Patin p. 104-117 La moitié des députés du Reichstag de la République de Weimar a fait la Première Guerre mondiale. Comment ont-ils intégré cette expérience dans leur parcours politique et dans le récit qu'ils en font ? Cette expérience commune aurait pu aboutir, dans une Assemblée profondément divisée par de nombreux clivages, à construire une communauté au-dessus des partis. Mais c'est à l'intérieur des partis que cette expérience a trouvé sa traduction politique. En effectuant une prosopographie minutieuse du corpus, l'image des quatre ans de guerre apparaît de manière beaucoup plus complexe qu'à première vue : ni complètement différente, ni réductible à des schèmes, cette expérience s'est très rapidement polarisée, sous le poids de la défaite, autour d'événements politiques (Révolution, traité de Versailles...), pour exercer des effets très différents selon les partis : effet centrifuge sur des députés depuis longtemps politisés à gauche, effet de politisation radicale pour l'extrême droite.
Sources
- Le député Viollette défend les prérogatives parlementaires en matière d'économie de guerre - Fabienne Bock p. 119-123
Varia
- Pierre Biétry (1872-1918), un parlementaire iconoclaste - Christophe Maillard p. 126-137 Pierre Biétry, ancien ouvrier, leader du mouvement jaune, qui de 1899 à 1914, a rassemblé de nombreux ouvriers hostiles à la lutte des classes, est député du Finistère de 1906 à 1910. C'est au terme d'une campagne agitée qu'il est élu dans la circonscription de Brest contre le candidat socialiste Émile Goude. Cet élu atypique très présent à la Chambre dans les débats nationaux mais absent de sa circonscription, illustre la difficulté d'être un parlementaire reconnu pour un personnage sans ancrage local solide et sans une culture sociale adéquate. Faute d'avoir adopté les règles du jeu politique du Palais Bourbon, Pierre Biétry est condamné à devenir un paria qui n'a plus d'autre solution que de renoncer à se présenter à sa propre succession en 1910. Il sombre ensuite dans l'oubli tout comme le mouvement jaune qui périclite rapidement.
- Paul Painlevé, le savant et le politique - Anne-Laure Anizan p. 138-151 Le mathématicien Paul Painlevé fut un « personnage consulaire » de la IIIe République pour lequel le Parlement organisa des funérailles nationales et une inhumation au Panthéon. Cet article analyse les raisons et les formes d'un succès singulier. À une époque où les savants sont peu nombreux à accéder aux plus hautes fonctions politiques, la carrière de Paul Painlevé repose sur un mariage entre compétences scientifiques et ancrage à gauche. Ce double ressort s'articule de manière différente au fil de sa carrière politique. Dans quelle mesure la science a-t-elle pu constituer une filière d'accès à la carrière parlementaire ? Quel lien peut-on établir entre l'origine professionnelle et la précoce spécialisation sur les questions de défense nationale ? Les engagements propres au savant peuvent-ils encore s'exprimer lorsqu'il devient, dans l'entre-deux-guerres, un leader de la gauche ?
- La déclaration de politique générale a-t-elle vécu ? - Pascal Marchand p. 152-164 Conséquence du cinquantenaire de la Ve République, le 15 janvier 2009 marque également 50 ans de déclarations de politique générale des Premiers ministres français. Cet exercice rythme, depuis un demi-siècle exactement, la vie politique et médiatique française. Il fait l'objet d'attentes, de prévisions, d'analyses et de commentaires. C'est, en effet, une occasion unique pour un gouvernement d'exposer son analyse de la situation du pays, ses intentions d'action et les valeurs qui la sous-tendent. L'analyse assistée par ordinateur des déclarations de politique générale permet à la fois d'en cerner le genre et d'en observer l'évolution tout au long de la Ve République. La dernière élection présidentielle a été l'occasion d'une innovation, puisque l'Élysée ? comme les commentateurs ? ont qualifié de déclaration de politique générale un discours que le Président a prononcé devant sa majorité parlementaire. En était-ce vraiment une ? Quel effet cela a-t-il pu avoir sur celle du Premier ministre ? Qu'est-ce que cela signifie pour la Constitution après la révision votée le 21 juillet 2008 ?
- Lectures - p. 168-181
- Pierre Biétry (1872-1918), un parlementaire iconoclaste - Christophe Maillard p. 126-137