Contenu du sommaire : Varia
Revue | Cahiers d'études africaines |
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Numéro | no 175, 2004 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Une attente incessante - Marc-Henri Piault p. 493-505
Études et essais
- Du mythe de l'isolat kabyle - Nedjma Abdelfettah Lalmi p. 507-531 Ce que Charles-Robert Ageron a appelé le « mythe kabyle » n'a pas inventé la singularité kabyle. Il s'en est saisi et l'a fortement réinterprétée. Les besoins idéologiques avérés de la colonisation française ne sont pas seuls en cause. Les « spécialistes » de la Kabylie ont utilisé les grilles de lecture dominantes au XIXe siècle, qui regardaient les pays de montagne européens ou autres comme des isolats coupés des voies de la grande Histoire. Entre instrumentalisation consciente et sorte d'ingénuité, les éléments confortant ce modèle ont fait corps et se sont constitués en savoir clos et indiscutable. L'idée-force de ce savoir est que la Kabylie, demeurée sans liens avec les États et les cités, s'est organisée en univers autonome et fermé depuis des temps immémoriaux. Tout effort d'historicisation semble alors vain, particulièrement pour les périodes antérieures à la régence ottomane. Cette vision de la Kabylie est confortée par les études sur les villes souvent envisagées en rupture avec leurs arrière-pays, comme des implants d'origine toujours allochtone, image dans laquelle « l'idéologie citadine », qui se refuse à tout lien avec l'autochtonie, la fait refluer vers le monde rural, surtout montagnard. Partant d'une interrogation sur l'inscription territoriale de la Kabylie dans une histoire de la longue durée, nous essayons de montrer que les découpages motivés idéologiquement dans le passé et dans le présent, ou résultant des effets pervers de démarches savantes visant à isoler leur objet dans sa pureté maximale, ont rendu illisible le processus historique de sa formation.
- From Warriors to Urban Dwellers : Ascari and the Military Factor in the Urban Development of Colonial Eritrea - Uoldelul Chelati Dirar p. 533-574 Des guerriers devenus résidents urbains. Les ascaris et le facteur militaire dans le développement urbain de l'Érythrée. Le facteur militaire a joué un rôle important dans le processus d'urbanisation de l'Érythrée entre 1890 et 1941, pendant la période coloniale italienne. Les priorités militaires ont été plus déterminantes que les priorités économiques ou fonctionnelles dans le choix des lignes de développement dans l'urbanisme des débuts de la colonie. Le facteur militaire a également été décisif pour déterminer la nature et l'étendue de l'interaction entre l'urbanisme colonial et la société érythréenne. Les troupes coloniales érythréennes, connues sous le nom d'ascaris ont joué un rôle majeur dans ce processus. Du fait de leurs relations étroites avec les autorités, les ascaris sont devenus une sorte de tampon entre les colonisateurs et les colonisés et, pour cette raison, ont été en partie impliqués dans la stratégie coloniale qui visait à redéfinir le paysage économique et social de l'Érythrée. Les ascaris ont joué un rôle décisif dans la tentative menée par les autorités coloniales de mettre en place un ensemble de relations et de stratégies qui ont constitué le milieu colonial. L'histoire urbaine de l'Érythrée représente un sujet idéal pour l'étude du développement de la société coloniale dans laquelle les soldats coloniaux ont été des acteurs importants en tant que créateurs d'espaces urbains sociaux et territoriaux.
- La commémoration du génocide au Rwanda : Violence symbolique, mémorisation forcée et histoire officielle - Claudine Vidal p. 575-592 Les commémorations publiques des désastres extrêmes sont des rites toujours cruels pour les individus car elles réveillent la douleur des souvenirs tragiques. Les pouvoirs, organisateurs des cérémonies commémoratives, mettent en scène un travail de deuil collectif et une histoire officielle de la tragédie. Une histoire comparative de ces commémorations montrerait comment les autorités instrumentalisent les formes et les messages des cérémonies en fonction de leurs projets politiques. Les commémorations du génocide au Rwanda sont analysées dans cette perspective.
- Les administrateurs et les missionnaires face aux coutumes au Congo français - Côme Kinata p. 593-608 L'évangélisation et la colonisation se sont confondues dans leurs actions et méthodes pour civiliser ou christianiser les Noirs. Souvent, c'étaient les administrateurs conquérants qui déblayaient le terrain pour les missionnaires. Mais, les deux ont travaillé dans un projet de construction d'une société analogue aux sociétés occidentales, notamment française, considérée par les Spiritains comme un modèle de société chrétienne. Pour atteindre cet objectif général, administrateurs et missionnaires n'eurent pas la même approche de la question, les uns disant respecter la coutume, polygamie et sorcellerie, les autres les considérant comme un obstacle à la christianisation.
- Occupation of Public Space Anglophone Nationalism in Cameroon - Nantang Jua, Piet Konings p. 609-634 Occupation de l'espace public. Le nationalisme anglophone au Cameroun. Cet article examine le processus historique qui a abouti à l'émergence d'un nationalisme anglophone dans l'espace public au cours du processus actuel de libéralisation au Cameroun. Le nationalisme anglophone représente une sérieuse menace pour le projet de construction de la nation entrepris par l'État post-colonial, projet motivé par la ferme résolution de l'élite politique francophone de dominer la minorité anglophone et d'effacer les fondements culturels et institutionnels de l'identité anglophone. Les tentatives récurrentes de l'État, dominé par des francophones, visant à contrôler les mouvements anglophones récemment créés ont incité les nationalistes anglophones à recourir à des formes de résistance moins ostentatoires en créant un espace public pour une identité et un nationalisme anglophones dans les domaines historique, artistique, virtuel, légal et dans la vie de tous les jours.
- Une étrange familiarité. Les exigences de l'anthropologie « chez soi » - Fatoumata Ouattara p. 635-658 Dès lors que l'anthropologue mène des recherches de terrain dans sa société d'origine, voire dans son village natal, sa recherche est qualifiée d'« anthropologie chez soi ». Or, quelle que soit la place du chercheur par rapport à son objet d'étude, la description et l'interprétation des faits qu'il étudie requiert de sa part vigilance méthodologique et épistémologique. Si l'altérité du chercheur peut produire des biais, son implication sur un terrain, préalable à la recherche, peut également influer sur la perception de la réalité qu'il tente de restituer. Cependant, si les biais consécutifs à l'altérité font souvent l'objet d'une réflexion épistémologique, les risques interprétatifs encourus par l'implication et/ou l'appartenance au terrain sont en revanche rarement développés. L'objectif de cet article consiste à contribuer au débat sur les conditions méthodologiques et épistémologiques de la description dans un contexte de proximité culturelle au milieu à partir d'une expérience personnelle. Celle-ci met en évidence l'ambivalence de la position du chercheur dans une implication spécifique sur le terrain. Le chercheur dont la proximité au terrain se définit par les liens de parenté développe diverses stratégies pour contourner les risques d'être saisi dans les rouages de la filiation et des liens de parenté. Construire la distance vis-à-vis des liens pré-établis, se dés-impliquer de certains réseaux locaux et gérer les codes du savoir-vivre local sont autant de postures à prendre en compte pour parvenir à une construction critique de l'objet d'étude en situation « d'anthropologie chez soi ».
- Quand l'application du droit national est déterminée par la demande locale : Étude d'une résolution de conflit villageois au Bénin - Erdmute Alber, Jörn Sommer p. 659-680 Dans le Borgou, une région du nord-est du Bénin, le droit public et la pratique du droit dans le village divergent. En dessous d'un certain seuil d'escalade des conflits, l'État n'impose pas ses normes juridiques, mais ne fait que les proposer et fait dépendre leur application de la demande locale. Cette demande se trouve cependant limitée dans les villages par le fait que certains acteurs font appel à des idéologies communautaires qui ne sont pas nécessairement traditionnelles. Ils mobilisent pour cela des normes qui permettent de sanctionner cette simple demande de manière négative. Les réformes du droit, qui visent à toucher la réalité, doivent donc tenir davantage compte de la demande villageoise. Les projets de réforme du droit de la famille au Bénin en offrent un exemple actuel. Pour illustrer ces thèses fondées en théorie, le cas exemplaire d'un procès villageois fait l'objet d'une analyse. La base empirique de ces thèses repose sur plusieurs enquêtes et recherches menées dans différents villages de la région.
- Du mythe de l'isolat kabyle - Nedjma Abdelfettah Lalmi p. 507-531
Notes et documents
- « La danse africaine », une catégorie à déconstruire : Une étude des danses des WoDaaBe du Niger - Mahalia Lassibille p. 681-690 La danse africaine connaît un développement important et une visibilité croissante en Occident. Pourtant, cette appellation ne va pas sans poser de questions quant à son contenu et à la catégorisation qu'elle implique. L'étude ethnographique des danses des WoDaaBe, Peuls nomades du Niger, constitue une assise pour y réfléchir. Elle permet de considérer, à partir de la pratique et des conceptions des acteurs, que les caractéristiques utilisées pour définir la « danse africaine » et la « danse africaine traditionnelle » correspondent à un ensemble de représentations. Ces catégories, définies de façon unitaire, constituent des constructions sociales et culturelles devenues opératoires dans nombre de nos pratiques et de nos références.
- « La danse africaine », une catégorie à déconstruire : Une étude des danses des WoDaaBe du Niger - Mahalia Lassibille p. 681-690
Chronique bibliographique
- Analyses et comptes rendus - p. 691-725