Contenu du sommaire : Varia
Revue | Cahiers d'études africaines |
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Numéro | no 192, 2008 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Etudes et essais
- Le « roi est nu ». Les imaginaires du sacré dans la tourmente judiciaire : Procès autour des regalia de la royauté sakalava du Boina, nord-ouest de Madagascar, 1957-2006 - Marie-Pierre Ballarin p. 665-686 Dans les royaumes du Menabe et du Boina de l'ouest malgache, la confection des reliques issues des corps des rois, le culte qui leur est rendu à travers la cérémonie du bain, le fait que leur détention soit la condition primordiale du pouvoir contribuent à singulariser la dynastie et le roi, porteur du hasina, force d'origine sacrée bénéfique, mais potentiellement dangereuse. La fabrication de reliques à partir des corps des souverains est commune en Afrique, mais est devenue la règle au moment de la formation des grandes monarchies au XVIIIe siècle qui y ont trouvé leur fondement idéologique. Dans la ville de Majunga (région du Boina), les reliquaires royaux sont connus sous le nom « andriamisara efa dahy ». Ils ont représenté un enjeu de taille pour tous les régimes qui se sont succédé à la tête de l'île dans la mesure où l'obtention du pouvoir dépend de leur possession et de la garde des clés du doany, lieu dans lequel ils sont conservés. De fait, le pouvoir opérant fondamental des reliques nous conduit vers d'autres chemins à explorer. Avec l'Indépendance, elles cristallisent les turbulences de la nouvelle donne politique malgache, au moins du point de vue local, au travers d'un conflit dont l'enjeu est leur possession. Le contrôle du doany et des restes royaux entre dans le domaine du juridique et prendra figure publique, théâtrale, lors d'un interminable procès qui débute en 1957, qui s'est poursuivi sous différentes formes et au travers de plusieurs procédures, jusqu'à nos jours sans que jamais une solution ne soit trouvée. Le débat réel se situe en deçà du discours formel juridique et de façon logique nous changeons de registre. Cet article se propose d'explorer, en trois temps, l'idée d'un déboîtement entre le droit et la réalité au travers des différentes procédures qui se sont suivies depuis la première plainte en justice en 1957. Car, si le roi paraît nu, le culte atteint dans sa crédibilité, il n'en est sans doute rien au vu des derniers rebondissements de l'affaire et du énième refus d'admettre la décision juridique lors de la célébration du grand rituel royal de 2004. Nous pourrons ainsi nous demander sous quelle forme à l'heure actuelle ont perduré ces logiques profondes liées aux imaginaires du sacré.
- Restaurer le futur. Sur la Route de l'Esclave à Ouidah (Bénin) - Gaetano Ciarcia p. 687-706 La thématique des rapports entre les usages mémoriaux du passé de l'esclavage et les reprises d'activités cultuelles s'est imposée à partir du début des années 1990 à Ouidah, au Bénin, où l'on peut observer une mise en relation entre les discours relatifs à l'histoire de la traite et les nouvelles formes de ritualisation de la religion perçue comme traditionnelle. Aujourd'hui, la prolifération d'initiatives visant le développement d'un tourisme culturel va avec la valorisation des sites sacrés et des manifestations qui expriment la vivacité et la légitimité, parfois retrouvées, des croyances et des cultes anciens. Ainsi, la question mémoriale de la traite négrière exerce son emprise sur les modalités de transmission et de représentation des pratiques dites vodun. L'institution des lieux de mémoire de la traite se présente comme une situation patrimoniale marquée par des ruptures entre les diverses restitutions collectives et religieuses de l'histoire des esclavages, transatlantique et locale. Ces espaces sont affectés par la précarité des structures censées devoir composer les identités du présent avec la mise en mémoire des faits du passé.
- Transnational Networks and Internal Divisions in Central Mozambique : An Historical Perspective from the Colonial Period - Malyn Newitt, Corrado Tornimbeni p. 707-740 Réseaux transnationaux et divisions internes dans le centre du Mozambique. Perspective historique de la période coloniale. De 1890 aux années 1930, la colonie portugaise du Mozambique s'est développée comme un ensemble de régions institutionnellement et économiquement distinctes. Du fait de la domination des compagnies concessionnaires et des liens économiques tissés avec les colonies britanniques avoisinantes, les relations entre les régions au sein du pays étaient souvent non existantes. Après 1930, dans le district de Beira, le régime colonial est parvenu à consolider et modifier les liens entre la population d'une part et l'État et le territoire d'autre part. Au régime du travail forcé vinrent s'ajouter des restrictions de mouvement et la mise en place de réserves de main-d'oeuvre accentuant à leur tour les déséquilibres dans l'économie politique et créant ainsi des « frontières intérieures » qui étaient souvent plus difficiles à franchir que celles rencontrées sur les parcours traditionnels de la main-d'oeuvre migrante. Cette séparation était visible dans la division coloniale interne du travail entre les différents intérêts économiques, dans les types d'emplois réservés aux travailleurs africains, et enfin dans le statut différent des Africains dans les entreprises coloniales.
- Conflits fonciers. De l'ethnie à la nation : Rapports interethniques et « ivoirité » dans le sud-ouest de la Côte-d'Ivoire - Alfred Babo, Yvan Droz p. 741-764 Avec l'ouverture démocratique au début des années 1990, la question des systèmes fonciers à la fois complexes et flous des zones forestières de l'ouest a refait surface. Les accords fonciers antérieurs sont alors remis en cause et l'on passe d'une situation de tensions latentes à des conflits fonciers entre autochtones et migrants nationaux (en majorité akans-baoulés) et non nationaux (burkinabè, maliens et guinéens). Cependant, du fait de l'affaiblissement du pouvoir politique akan, favorable aux migrants baoulés, on pouvait craindre une aggravation des conflits interethniques entre planteurs baoulés et propriétaires terriens kroumen. En réalité, on a assisté à l'exacerbation des tensions entre Kroumen et migrants burkinabè en 1999. Comment est-on passé d'une crise foncière où pointaient des conflits interethniques à une crise entre Ivoiriens et « étrangers » ? Nous analysons ici le processus par lequel les tensions foncières entre Ivoiriens, depuis l'instauration de la démocratie en 1990, se sont muées en conflits nationalistes opposants les Ivoiriens aux « étrangers ».
- Female Cleansing of the Community. The Momome Ritual of the Akan World - Stefano Boni p. 765-790 Exclusion de femmes de la communauté. Le rituel momome du monde akan. Cet article décrit un rituel féminin visant à purifier la communauté en période de crise. Cette cérémonie, connue sous le nom de momome dans sa variante sefoui, est ici analysée en plaçant la signification de certains accessoires et particularités chorégraphiques (costumes, positions et mouvements dans l'espace, symbolisme des couleurs, actes métaphoriques, herbes thérapeutiques, chants) dans le contexte culturel plus large du monde akan de l'Afrique de l'Ouest. En retraçant l'évolution de cette cérémonie au cours du XXe siècle, nous montrerons que même si, comme nos informateurs le prétendent et les sources précoloniales le confirment, le rituel n'a pas changé de manière significative, la temporalité et les raisons d'invoquer ces rituels ont en revanche beaucoup évolué. Le momome, qui avait lieu essentiellement en cas de guerre ou d'épidémie, fut de plus en plus utilisé au cours du XXe siècle pour des crises (maladie, destitution, décès) touchant les personnes de l'establishment. Cet article évalue l'autonomie idéologique de cette cérémonie ? présentée par certains comme un « rituel d'inversion » ? et conclut que la politique institutionnelle a eu une influence majeure sur la promotion et la maîtrise de diverses formes de protection supranaturelle apparues au cours du XXe siècle.
- Histoire d'une stigmatisation paradoxale, entre islam, colonisation et « auto-étiquetage ». Les Baay Faal du Sénégal - Charlotte Pezeril p. 791-814 La communauté Baay Faal des Mourides du Sénégal a connu, dès sa constitution à la fin du XIXe siècle, une forte stigmatisation de la part des observateurs extérieurs, au premier rang desquels les colons français. Considérés comme des « fous » et assimilés à des « mauvais » musulmans parce qu'ils ne respectent pas les pratiques cultuelles, les Baay Faal revendiquent toutefois leur pleine inscription dans le soufisme et tentent, depuis les années 1970, de faire valoir leur légitimité. Cet objectif est aujourd'hui partiellement atteint, même si la communauté doit relever un nouveau défi : l'intégration de jeunes urbains marginaux déconnectés de la hiérarchie maraboutique. Cet article se propose de comprendre ces processus de stigmatisation paradoxale dans la mesure où l'engouement suscité par la communauté au Sénégal et dans le monde ne se dément pas.
- Pratiques du corps, ethnicité et métissages culturels dans le Rwanda colonial (1945-1952) - Thomas Riot p. 815-834 La colonisation du Rwanda a entraîné, comme ailleurs en Afrique, de rapides transformations de la société. Au moment où les identités sociales se recomposaient sur une base ethnique, la réinvention des pratiques guerrières locales ? en s'articulant avec le développement d'activités et mouvements de jeunesse d'origine occidentale ? vint alors produire des innovations culturelles métissées dans lesquelles ont pu se projeter les identités rwandaises. Dans le même temps, au sein d'une ambiance ?cuménique prônée par l'institution coloniale (missions catholiques et administration belge), l'instrumentalisation de ces activités syncrétiques pouvait servir la légitimation et l'ordonnancement des inégalités sociales. Les scotomes du colonisateur s'associaient alors au jeu des élites autochtones dans l'édification d'une société coloniale moderne en cours d'ethnicisation.
- Le « roi est nu ». Les imaginaires du sacré dans la tourmente judiciaire : Procès autour des regalia de la royauté sakalava du Boina, nord-ouest de Madagascar, 1957-2006 - Marie-Pierre Ballarin p. 665-686
Notes et documents
- Ethnicité et territorialité : Deux modes du vécu identitaire chez les Teke du Congo-Brazzaville - Jean-Pierre Missié p. 835-864 L'objectif de cette étude est d'analyser les méandres de l'identité, notamment à travers le rapport concurrentiel entre le sentiment d'appartenance à une communauté sociolinguistique (l'ethnie) et l'identité qui naît de l'occupation territoriale d'une aire géographique, que celle-ci soit une entité étatique ou relève, au sein d'un État, du découpage en régions ou départements. Nous montrons que la longue cohabitation de groupes différents dans un même espace génère un sentiment d'appartenance plus fort que l'identité ethnique au sens strict. Mais cette territorialité est surtout l'oeuvre des entrepreneurs politiques qui instrumentalisent ces appartenances objectives, et s'activent aussi à mobiliser des espaces plus larges regroupant plusieurs régions qu'ils soutiennent à partir d'une politique clientéliste. Il s'agit donc d'une ethnicité politique.
- Ethnicité et territorialité : Deux modes du vécu identitaire chez les Teke du Congo-Brazzaville - Jean-Pierre Missié p. 835-864
Chronique bibliographique
- Analyses et comptes rendus - p. 865-908