Contenu du sommaire : Révoltes arabes : premiers regards
Revue | Confluences Méditerranée |
---|---|
Numéro | no 77, printemps 2011 |
Titre du numéro | Révoltes arabes : premiers regards |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Pierre Blanc p. 9-12
- Inspiration et perspectives de la révolution tunisienne - Mohamed Chérif Ferjani p. 13-28 Véritable catalyseur des révoltes qui traversent le monde arabe, la révolution tunisienne était peu prévisible tout comme l'est l'issue de la transition en cours. Cet article revient sur les origines du soulèvement tunisien. Il évalue également les questions qui se posent aujourd'hui au pays mais également les hypothèques politiques et économiques qui demeurent. Alors que l'espace politique s'ouvre fortement, l'auteur fait également un tour d'horizon des formations politiques engagées dans la nouvelle Tunisie, en analysant leur discours et en évaluant leur force.
- La laïcité : un principe à l'ordre du jour de la IIe République tunisienne ? - Farah Hached p. 29-36 La Tunisie post-révolutionnaire va entamer la rédaction de sa nouvelle Constitution. Quelle sera la place de l'Islam dans l'ordre politico-juridique de la IIe République tunisienne ? Le principe de laïcité sera-t-il à l'ordre du jour ? En étudiant l'architecture actuelle de la relation entre l'Islam et le droit et l'Islam et l'Etat, on peut se demander si le principe de laïcité est l'instrument le plus adapté à la situation tunisienne. D'autres pistes moins controversées mais tout aussi, voire même plus, protectrices des droits et libertés fondamentales peuvent être empruntées.
- Opposition de gauche et opposition islamiste en Egypte : concepts et pratiques révolutionnaires partagés - Amélie Régnault p. 37-50 La révolte égyptienne de janvier-février 2011 a été impulsée puis menée par une coalition hétéroclite de forces sociales et politiques. Un tel rassemblement est l'aboutissement d'un processus nourri depuis les années 1970 : la constitution et le renforcement d'une opposition égyptienne, dont le spectre s'étend de la gauche « progressiste » aux Frères musulmans et qui partage des mots d'ordre largement empruntés à l'arsenal conceptuel socialiste. D'abord brandis par le régime nassérien afin de légitimer le pouvoir, les concepts anti-impérialistes sont peu à peu réappropriés par une partie de l'opposition, qui les intègre à un discours aussi bien « progressiste » qu'islamiste. Malgré son caractère hétérogène, cette dernière adopte la stratégie du rassemblement à plusieurs reprises, entre les années 1970 et 2011, pour former un front uni contre le régime. Communistes et islamistes, privés de statut légal, rivalisent pour le contrôle des espaces de mobilisation, comme les universités. Pourtant, seuls les seconds parviennent réellement à impulser ou récupérer une dynamique d'opposition soutenue par la population.
- La Révolution arabe de 2011 : à la recherche du sens perdu.... - Hayat Lydia Younga p. 51-62 Dans les médias français ou chez des spécialistes reconnus, les révoltes en cours dans le monde arabe font l'objet d'analyses qui ont du mal à s'abstraire d'un certain européo-centrisme ou bien de référents historiques trop peu opérants comme le référent islamiste. Bien que porteurs de nouveauté, ces révoltes s'inscrivent dans la longue généalogie des mouvements politiques et sociaux. Il n'est qu'à reconsidérer les slogans repris par les foules en mouvement pour prendre la mesure de cet ancrage historique. Le présent politique choisit sa mémoire du passé. Il nous faut la regarder pour comprendre le mouvement à l'oeuvre.
- L'orientalisme et les révolutions tunisienne et égyptienne : pourquoi ne l'ont-ils pas aimée la révolution ? - Hakim Ben Hammouda p. 63-74 Les révolutions en cours dans le monde arabe ont été à l'origine d'un important débat sur l'attitude des intellectuels occidentaux. La timidité de leurs réactions au moment des épisodes tunisien et égyptien a suscité des interrogations et des questionnements. L'objectif de cette contribution est de comprendre les raisons du peu d'empressement de ces intellectuels à apporter un franc soutien aux peuples arabes comme ils l'ont fait lors de la chute du mur de Berlin ou de la guerre dans l'ex-Yougoslavie.
- Révolution arabes : les angles morts de l'analyse politique des sociétés de la région - Sarah Ben Néfissa p. 75-90 Les soulèvements qui ont conduit à la chute des deux présidents tunisien et égyptien et qui agitent aujourd'hui les pays de la région ont provoqué la surprise non seulement de l'opinion internationale mais également des milieux académiques, en France notamment. Cet étonnement pose le problème de certains angles morts de la recherche scientifique sur la région. Si la focalisation des sciences politiques françaises sur l'islamisme a souvent été dénoncée avec raison, par contre les interprétations conformistes et littéralistes des analyses portant sur les pactes sociaux et politiques à la base du phénomène autoritaire et sa consolidation dans le cadre de la globalisation démocratique dans la région n'ont pas suffisamment été mises en exergue. Une de leurs conséquences a été de faire du « mouvement social » un objet de recherche illégitime, malgré son importance accrue ces dernières années dans les pays de la région. Or ces analyses demeurent pertinentes pour interroger les processus politiques futurs de ces pays et également pour comprendre les spécificités plus « civiles » que strictement politiques des révolutions tunisienne et égyptienne
- Jordan: Revolutionaries without a Revolution - Jamal Al Shalabi p. 91-104 Contrairement à l'image très répandue d'un oasis de stabilité dans un Moyen-Orient conflictuel, la Jordanie a connu des soubresauts révolutionnaires il y a plus de vingt ans. Une analyse détaillée des transformations politiques, sociales et économiques observées en Jordanie indique que ce pays fut même l'un des premiers pays arabes à expérimenter un changement révolutionnaire « silencieux » car peu médiatisé à l'époque. En 1989, la Jordanie a ainsi connu ce qu'on appelle communément la « poussée d'avril », qui exigeait le combat contre la corruption, le développement des libertés et la limitation des pouvoirs du Roi. Vingt deux ans après cette « poussée », de nouvelles forces politiques (les militaires retraités, les tribus, la déclaration des 36 et le Mouvement de la Jeunesse en Marche) ont fait émerger des programmes de réformes politiques et économiques qui ont, dès novembre 2010, donné lieu à des protestations et des manifestations. Amorcées avant les révolutions tunisienne et égyptienne, ces mouvements demandaient le départ du gouvernement, la dissolution du Parlement et la mise en oeuvre de réformes politiques. La convergence de l'opposition traditionnelle (les Frères Musulmans, les nationalistes et des personnalités indépendantes) et de la nouvelle opposition (l'armée, les tribus et la jeunesse) ne signifie pas, d'une quelconque façon, un « renversement du régime hachémite », mais plutôt sa réforme. Il semble que la nature tribale de la société, doublée de la flexibilité et de l'expérience du régime, lui a permis d'avoir une communication avec ces nouvelles forces « rebelles », ce qui lui a permis d'éviter une confrontation brutale.
- L'Algérie dans le « Printemps arabe » entre espoirs, initiatives et blocages - Salim Chena p. 105-118 L'Algérie a connu des émeutes nationales au début du mois de janvier 2011 puis, dans le contexte du « Printemps arabe », plusieurs membres de la société civile et des personnalités historiques ont défendu la perspective d'un changement pacifique du système politique algérien. Néanmoins, malgré la levée de l'état d'urgence intervenue fin février, le régime algérien ne montre aucune velléité de changement en profondeur. Entre espoirs et initiatives, l'Algérie fait face à des blocages institutionnels au changement démocratique.
- La modernité gandhienne de l'Intifada arabe - Bernard Ravenel p. 119-129 La révolution dans le monde arabe a pris la forme d'une lutte populaire non-violente qui a triomphé d'abord en Tunisie, puis en Egypte. Mais pour mieux comprendre ce phénomène historique, on ne peut ignorer le précédent que représente la résistance non-violente en Palestine comme ce fut le cas avec la première Intifada de 1987 à 1993 avant que cette forme de résistance soit relancée à partir de 2005. Cette innovation politique oblige à repenser le rapport entre révolution et violence et à considérer le choix de la non-violence comme une nécessité politique et historique.
- La révolution arabe de 2011 et son printemps palestinien - Roger Heacock p. 131-137 La Palestine forme le coeur de la cause arabe, dit-on. Aujourd'hui, la formule s'est inversée, et les Palestiniens se voient emportés dans la grande révolution arabe de 2011, déjà devenue l'année des retrouvailles, du moins s'agissant des peuples. Les deux ?régimes' palestiniens de Cisjordanie et Gaza doivent suivre, abandonnés par leurs protecteurs (Mubarak dans un cas, Assad dans l'autre), et c'est ainsi que la pression conjuguée de la base populaire et de la région a forcé le Hamas et le Fatah à s'engager dans un processus de réconciliation que les Palestiniens appellent de leurs voeux.
- Israël face aux révoltes arabes : raidissement ou ouvertures ? - Pierre Berthelot p. 139-151 Les récentes révoltes arabes ont surpris l'ensemble de la communauté internationale et Israël, qui, bien qu'en principe extrêmement bien informé des évolutions de ses voisins, n'a pas davantage pu ou su anticiper ces bouleversements. La question qui est maintenant posée est celle de l'attitude qu'adoptera l'Etat hébreu, acteur incontournable de toute perspective de paix ou de stabilité régionale, car de celui-ci peut dépendre en partie le sort de ces révolutions. Il semble que trois types de réactions soient possibles de sa part, bien que toutes prévisions en ce sens restent plus qu'incertaines, ne serait-ce que parce qu'Israël souhaite conserver ce qui a constitué un de ses atouts majeurs au cours des dernières décennies : l'effet de surprise. La première hypothèse, c'est que l'on assiste à un raidissement voire à une fuite en avant de la coalition ultranationaliste qui montrerait ainsi aux nouveaux régimes sa détermination et pourrait aussi profiter de l'affaiblissement de certains alliés de l'Iran pour attaquer ses sites nucléaires et accélérer la colonisation. A l'inverse, Tel-Aviv pourrait accompagner positivement les évènements actuels en en devenant un acteur à part entière, via la relance de négociations aboutissant à l'émergence d'un authentique Etat palestinien (avant qu'il ne soit proclamé unilatéralement) ce qui favoriserait l'émergence d'un climat régional pacifié. Enfin, on peut également supposer que face au tumulte observé, la prudence ne l'emporte et que le statu quo, plus confortable à court terme, ne soit finalement privilégié alors qu'Israël a toujours une certaine difficulté à savoir s'il doit se réjouir ou s'inquiéter de cette déferlante démocratique.
- Après les révolutions arabes : changer de paradigme dans le partenariat euro-méditerranéen - Jean-Yves Moisseron p. 153-165 Face aux changements dans le monde arabe, il est nécessaire de refonder le partenariat euro-méditerranéen et de changer de paradigme. Un bilan objectif du processus de Barcelone depuis 1995 s'impose pour redéfinir une stratégie qui ne pourra être que l'expression d'une volonté bipartite exprimée par des gouvernements représentatifs. La tâche est d'autant plus difficile que la rive sud a exprimé plusieurs fois une fatigue institutionnelle devant l'empilage des projets européens (Processus de Barcelone, Nouvelle Politique de Voisinage, Union pour la Méditerranée). Il est temps de refonder ce partenariat en mettant l'accent sur la culture et en abandonnant le référentiel méditerranéen qui se révèle peu mobilisateur au sud. Il faut aussi faire preuve d'ambition et, pourquoi pas, reconsidérer les avantages d'une perspective d'adhésion de la Tunisie dans l'Union Européenne.
Actuel
- Insécurités alimentaires : les risques géopolitiques se précisent en Méditerranée - Sébastien Abis p. 169-181 Les pays arabes de la Méditerranée subissent plusieurs chocs simultanément : politique, économique, climatique et alimentaire. Tout est lié dans cette région du Monde qui semble connaitre les débuts d'une transition majeure de son histoire. Parmi les nombreux enjeux à relever, celui consistant à gérer les insécurités alimentaires s'amplifie. Bien qu'il ne soit pas nouveau, le problème prend une tonalité de plus en plus géostratégique dans une zone où notamment les ressources en eau et en sols se font rares. Le développement agricole est contrarié, tout comme l'accès à l'alimentation se complexifie. Il faut regarder attentivement cette fragilité alimentaire qui s'accroît parmi les risques majeurs auxquels la région devra faire face. Au même moment, c'est également la dérive des territoires, entre des villes littorales globalisées et des zones rurales enclavées, qui s'affiche comme l'une des failles majeures traversant ces pays et ces sociétés
- Impacts monétaires de la crise sur les pays méditerranéens et guerre des changes ? - Guillaume Almeras p. 183-189 Le texte ci-dessous reprend et développe les idées qu'il a présentées lors des premières Rencontres de Cybèle organisées par l'association Euromed-IHEDN le 17 décembre 2010 à Paris, autour du thème « Les relations en Méditerranée seront durablement affectées par la crise mondiale ».
- Insécurités alimentaires : les risques géopolitiques se précisent en Méditerranée - Sébastien Abis p. 169-181
Culture
- Réjouissez-vous des révoltes arabes - Fawzia Zouari p. 193-207
- L'instrumentalisation des corridas : no pasaran - Christophe Chiclet p. 209-216 En juillet 2010, la Catalogne interdit les corridas au grand plaisir des écologistes extrémistes et en particulier des animalistes. Au demeurant, ce clivage cache mal un autre clivage, plus politique celui-ci, entre catalanistes et espagnolistes de Catalogne. Aussitôt dans le Sud de la France, terre de tradition taurine, certains milieux ont tenté sans grand succès de s'engouffrer dans la brèche, faisant fi d'une longue tradition régionale et populaire.
Histoire
- L'immigration algérienne en France : histoire et actualité - Pierrette et Gilbert Meynier p. 219-234 La migration algérienne vers la France a commencé à la fin du XIXe siècle. Elle a été accélérée par les demandes de main d'oeuvre pendant la première guerre. Elle s'est ensuite poursuivie, outre à Paris, notamment dans le Nord, en Lorraine, à Lyon-Saint Étienne et à Marseille, mais avec des reflux ? lors de la crise économique des années 30 et pendant la deuxième guerre. Elle s'est accélérée après 1945 et durant les « trente glorieuses ». Elle a fortement reflué à partir de 1974, bloquée qu'elle a été conjointement par les autorités française et algérienne. Depuis, de masculine qu'elle était surtout, elle a évolué avec les regroupements familiaux, mais elle n'a jamais cessé et elle tend à reprendre depuis la dernière décennie du XXe siècle. Mais aujourd'hui, c'est dans la conjoncture tragique du verrouillage de l'Europe par le système Frontex, en coopération avec le Maghreb et en partenariat non dit avec le pouvoir algérien pour traquer les harragas qui tombent, en Algérie, depuis 2008 sous le coup d'une pénalisation par la loi.
- L'immigration algérienne en France : histoire et actualité - Pierrette et Gilbert Meynier p. 219-234
- Notes de lecture - p. 235-246