Contenu du sommaire : Varia
Revue | Cahiers d'études africaines |
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Numéro | no 205, 2012 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les boeufs de paix : Douglas H. Johnson et la violence nuer (Soudan) - Frederico Delgado Rosa p. 5-28 Cet article cherche à rétablir le statut guerrier des Nuer dans le débat anthropologique et historique, concernant la période coloniale, et remet en question les conclusions négatives de Douglas H. Johnson à propos de la dimension culturelle de la combativité. En 1839, lorsque les Nuer ont sacrifié un boeuf devant une flottille venue du Nord, les Égyptiens ont tiré sur eux, croyant à un geste d'agression. Mais cette méprise a-t-elle inauguré une succession de malentendus sur la disposition offensive de ce peuple ? Si c'est ce qu'affirme Johnson, un retour aux sources permet une interprétation alternative. L'article met en symétrie cet épisode et un autre, à quatre-vingt-dix ans de distance où intervient également un « boeuf de paix ». Les Britanniques ont tué cet animal en 1929, lors de la répression du mouvement prophétique nuer. Mais si Johnson cherche à contredire l'importance des prophètes en tant que meneurs de révolte, le présent article souligne que leur pacifisme était imbriqué dans l'idéologie guerrière.
- Contribution à une anthropologie des villes secondaires - Mathieu Hilgers p. 29-55 Le nombre de plus en plus élevé de villes moyennes en Afrique nécessite de développer une analyse du phénomène urbain qui ne soit subordonnée ni à l'étude des métropoles ni à celle des communautés, lesquelles ont fait les beaux jours des études anthropologiques. Après être revenu sur l'histoire de la discipline, cet article esquisse les jalons d'une approche globale de la ville permettant d'étudier de manière comparative les centres secondaires.
- Imams of Gonja : The Kamaghate and the Transmission of Islam to the Volta Basin - Andreas Walter Massing p. 57-101 Le lignage des Kamaghate qui prétend appartenir à la tradition Diakhanke d'al-Haj Salim Souaré et le lignage royal du Wagadu des Diaby-Gassama ont tenu l'imamat dans Begho qui s'est élargi avec les Gonja dans le bassin occidental de la Volta. Ses Leurs racines peuvent en outre être suivies dans les centres de la diaspora islamique comme Djenne, Odienne, Samatiguila, Tieme, Kong, Bouna et Bondoukou. Il fait partie d'une branche orientale des Diakhankhe qui a introduit l'islam dans le bassin de la Volta, le Kamaghate étant l'un des principaux acteurs de la moitié ouest, tandis que le Baghayogho, dont l'importance pour la partie orientale du bassin de la Volta et les populations mossi et dagbani fut démontré dans un article précédent, a opéré dans la partie occidentale du bassin de la Volta (Volta Noire). L'émigration et la mission parmi les incroyants ? thèmes de la doctrine musulmane ? ont été abordées par des musulmans africains de façon à être compatibles avec les formes d'organisation ? par la voie d'offices héréditaires dans certains lignages spécialisés ? et ainsi tranchés dans la lutte entre les doctrines malikite et ibadite qui est encore évidente à travers les textes historiques.
- Y a-t-il des tribus dans l'urne ? : Sociologie d'une énigme électorale (Algérie) - Mohammed Hachemaoui p. 103-163 Pourquoi après plus d'un siècle chargé de ruptures allant de l'écroulement du makhzen turc à la colonisation de peuplement, de la désagrégation de la tribu à la dépossession foncière, de la domination coloniale au triomphe du nationalisme, de la « révolution socialiste » à la umma, le fait tribal s'avère-t-il aussi prévalent dans l'Algérie de Bouteflika ? Comment expliquer la « résurgence » de ce tribalisme dans un pays qui a subi la déstructuration communautaire de beaucoup la plus profonde d'Afrique du Nord ? Avons-nous affaire à une tenace rémanence du tribal ou au réveil d'un tribalisme dormant ? Si certains sujets s'épuisent une fois défrichés, d'autres exigent à l'inverse d'être régulièrement revisités. La problématique des rapports tribus versus États appartient à cette seconde catégorie. Une double thèse commande l'économie de ce texte. La perspective interprétative, prenant le contrepied des assomptions véhiculées par les paradigmes dominants, entend démontrer, d'abord, la prégnance du tribalisme sans tribu. L'analyse, allant au-delà des métonymies théoriques, s'emploie à montrer, ensuite, la prévalence du clientélisme politique et de la corruption électorale ; l'hybridation des trois répertoires présidant à la fabrique du politique en situation autoritaire.
- Entre infantilisation et répression coloniale : Censure cinématographique en AOF, « grands enfants » et protection de la jeunesse - Odile Goerg p. 165-198 Cet article envisage le contrôle cinématographique sous l'angle de la relation à l'enfance, soit comme métaphore des Africains en situation coloniale, soit comme cible de la politique des années 1950. La vision des colonisés comme des « grands enfants », dont les capacités intellectuelles seraient différentes par essence ou conjoncturellement limitées, fut une des façades idéologiques légitimant la censure en AOF, qui vient se surimposer au visa d'exploitation métropolitain. Dans cette optique, les autorités de tutelle s'érigent en protectrices d'individus incapables d'exercer un jugement critique et qu'il faut guider. À la même période, des élus stigmatisent les films comme agents de la dépravation d'une jeunesse vulnérable. Ceci aboutit à des négociations complexes où les acteurs africains poursuivent leurs propres objectifs mais peuvent être instrumentalisés par les autorités qui, sous couvert de moralisme, cherchent à restreindre l'accès aux images porteuses de bouleversement social et politique.
- Féral Benga : De la danse nègre à la chorégraphie africaine - Nathalie Coutelet p. 199-215 Féral Benga constitue une figure originale de danseur au XXe siècle, oscillant entre les personnages stéréotypés et dénudés du music-hall et les créations chorégraphiques personnelles. En dépit des stéréotypes entourant chacune de ses prestations, il a pu faire dialoguer les cultures africaines et européennes, les traditions et la modernité. Il se présente ainsi comme un discret mais essentiel pionnier de la rénovation chorégraphique et de la reconnaissance de la danse africaine comme art à part entière.
- La folie mise en marge : Genre et aliénation chez les Berbères ichelhiyn du Maroc - Matthew Carey p. 217-236 La folie et la maladie mentale fonctionnent comme des prismes qui réfractent et concentrent d'autres éléments de la culture, notamment la conception des différences de genre. Ainsi, les femmes berbères du Haut Atlas marocain ont plus de chances que des hommes d'être classifiées comme folles, et le traitement social qui leur est réservé dans de tels cas diffère aussi fondamentalement de celui que subissent les fous. Tandis que de grands efforts sont consentis pour intégrer les hommes aliénés au va-et-vient de la vie en société, les folles s'en trouvent très souvent exclues ou marginalisées. Toutefois, ces différences sont inversées au niveau des réponses médicales apportées à cette forme de souffrance. Les hommes cherchent à cacher ou dissimuler leur mal, tandis que les femmes s'adonnent beaucoup plus à des traitements qui se déroulent en public, comme le pèlerinage. Cet article explore ces divergences et essaie de les situer par rapport à l'expérience sociale plus large des hommes et des femmes, ainsi que par rapport à la façon dont les femmes se représentent cette expérience à travers des crises de possession par les esprits.
- Fakes: Crisis in Conceptions of Value in Neoliberal Togo - Nina Sylvanus p. 237-258 Cet article montre comment les Togolais en sont venus à vivre l'époque contemporaine comme une période de crise dans les conceptions de la valeur, concrétisée autour de la notion de faux. En considération du fait que les biens de consommation sont devenus de plus en plus volatiles en tant que formes matérielles stables dans le Togo postcolonial (et ailleurs), cette analyse suggère que des disjonctions entre ce que la loi reconnaît comme faux et ce que les consommateurs conçoivent comme faux, tendent, là, à se produire de manière croissante. En utilisant la ?fausseté? des tissus africains en tant qu'outil pour étudier le champ en constante évolution dans lequel la construction sociale et juridique de l'authenticité et de la contrefaçon ont lieu, l'article examine comment les citoyens-consommateurs togolais et les commerçants se comportent par rapport à une telle ?zone grise? des biens de consommation, en même temps qu'ils redéfinissent les taxonomies pratiques de la vie quotidienne.
- Soixante ans de création à l'École de peinture de Poto Poto (Congo-Brazzaville) - Nora Greani p. 259-267 Cet article retrace les temps forts de l'émergence d'une école d'art congolaise appelée « École de peinture de Poto Poto » depuis sa fondation à Brazzaville dans les années 1950 durant la colonisation jusqu'à son actuel succès national et international. Il propose de considérer l'histoire de cette école comme reposant sur un « mythe fondateur », son créateur le Français Pierre Lods ayant tenté de faire ressortir des peintres une supposée essence purement africaine. L'étude des sources de financement et de l'évolution générale de l'esthétique de cette École, basée sur des enquêtes de terrain, permettra de mieux saisir sa place au sein de la vie culturelle congolaise. Par ailleurs, l'article interroge les limites de la production artistique actuelle des membres.
- Analyses et comptes rendus - p. 269-316