Contenu du sommaire : Les espaces du contrôle social
Revue | Politix |
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Numéro | vol. 25, no 97, 2012 |
Titre du numéro | Les espaces du contrôle social |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 3-6
Dossier : Les espaces du contrôle social
- L'espace et l'ordre social - Murray Edelman, Claire Habart, Fabien Desage p. 7-24 Ce texte est la traduction inédite d'un article peu connu du politiste américain Murray Edelman (1919-2001), paru en 1978 sous le titre «Space and the Social Order», dans le Journal of Architectural Education. Dans son propos, adressé initialement à des architectes ou étudiants en architecture, M. Edelman interroge le rôle spécifique des espaces et des bâtiments (notamment publics) dans l'institutionnalisation de l'ordre social et, en particulier, dans la réaffirmation des hiérarchies symboliques et des catégories qui le sous-tendent.
- Contrôler des populations par l'espace?? : Prévention situationnelle et vidéosurveillance dans les gares et les centres commerciaux - François Bonnet p. 25-46 Cet article porte sur la prévention situationnelle, une politique de sécurité qui consiste à aménager l'espace pour réduire la probabilité du passage à l'acte délinquant, et plus précisément sur les usages de la prévention situationnelle dans deux gares et deux centres commerciaux. Différents dispositifs de prévention situationnelle (la vidéosurveillance, l'éclairage et l'aménagement de ces espaces, la gestion des accès et des flux) sont analysés à partir de données qualitatives. On montre comment ces dispositifs révèlent une théorie implicite du désordre?; comment les rationalités de sécurité sont indissociables des rationalités d'entreprises?; et comment enfin produire de l'ordre ne peut se résumer à agencer l'espace.
- Vers de nouvelles frontières de la pénalité : Le cas de la surveillance électronique des condamnés - Marie-Sophie Devresse p. 47-74 Le placement des condamnés sous bracelet électronique représente l'objet idéal pour interroger les rapports entre espaces et dispositifs sociotechniques. L'article vise tout d'abord à dénouer la relation complexe que la surveillance électronique entretient avec la peine de prison. Au départ de constats issus d'une observation de la pratique, il sera montré que cette mesure, qui évolue parallèlement à l'incarcération, entretient avec elle des rapports étroits et ambigus et, sous cet angle, peine à renouveler la conception traditionnelle de la sanction. Il sera cependant montré que, si l'on se situe hors du champ pénal, on découvre que la surveillance électronique des condamnés est un outil propre à produire des effets qui dépassent les frontières de la justice, qui agit sur les normes comportementales, établit de nouveaux repères spatiaux et temporels et tend à intervenir jusque dans la relation qui unit les individus dans l'espace social.
- De la prison dans la ville à la prison-ville : Métamorphoses et contradictions d'une assimilation - Grégory Salle p. 75-98 Cet article entend démontrer que dans la période postérieure à la crise de l'ordre carcéral des «années 1968», la conception de la prison en tant que ville s'est substituée à l'ambition ? déclinante dans l'idéal et ineffective dans le réel ? d'insérer la prison dans la ville. Pour ce faire, il adopte successivement un point de vue généalogique et sociologique. Il s'appuie d'abord sur trois rapports produits par des commissions spéciales dans le dernier quart du XXe siècle (1974, 1985, 1996), au travers desquels se lit l'évolution des préoccupations officielles. La tension qui travaille le rapport de la prison à la ville s'y résout progressivement en concevant la ville dans la prison, plutôt que l'inverse. On passe graduellement d'un impératif d'inclusion de la prison dans la ville à la projection analogique de la prison comme ville. Une recherche menée dans l'une des nouvelles prisons élaborées à cette image permet ensuite de mettre en relief un paradoxe saisissant ? : l'agencement carcéral calqué en principe sur l'urbanité fonctionne en fait comme un facteur d'atomisation brisant les faibles opportunités de socialisation intra muros. Mais cet échec apparent, celui de l'assimilation urbaine de la prison, peut être aussi lu comme un succès?: celui d'une rationalisation utilitariste, entre économie et sécurité, du contrôle de l'espace.
- Entre dedans et dehors : les parloirs - Gwénola Ricordeau p. 101-123 À partir d'une observation participante et d'entretiens réalisés avec des personnes incarcérées et des proches de détenus, nous proposons une lecture des parloirs sous l'angle de la confrontation du dehors et du dedans. Les parloirs sont envisagés successivement sous l'angle de l'espace qu'ils constituent au sein de l'institution carcérale, des temporalités qu'ils produisent et des acteurs qu'ils convoquent. Les sociabilités et les solidarités intra/extra muros que dévoilent les parloirs, comme les règles et les usages du lieu-parloir et les rythmes sociaux induits par le moment-parloir, font apparaître les ambiguïtés de la frontière dedans/dehors et les formes variées de l'expérience, par les détenus et leurs proches, de la liberté et de l'enfermement.
- Espace et surveillances en établissement pénitentiaire pour mineurs - Gilles Chantraine, David Scheer, Olivier Milhaud p. 125-148 À la croisée d'une sociologie de la surveillance, d'une sociologie des professions et d'une sociologie des résistances infrapolitiques en milieu autoritaire, cette contribution propose une ethnographie de la surveillance humaine et technologique en établissement pénitentiaire pour mineurs, saisi comme un territoire singulier mais emblématique du contrôle social. L'enquête empirique, originale, a ainsi permis de décrypter non pas le fonctionnement d'un panoptique omniscient mais celui d'un espace pénitentiaire fragmenté, où chaque sous-espace ? couloir de circulation, cellule, unité de vie, pôle socioéducatif, pôle médical ? est soumis à une épreuve de visibilité et à des enjeux spécifiques, structurés par des négociations conflictuelles entre différents corps professionnels (éducateurs, surveillants, professeurs, personnel soignant) et entre détenus et professionnels. Ce faisant, l'analyse des pratiques de surveillance témoigne de la complexité de l'économie relationnelle en détention et des modalités négociées mais asymétriques de la production de l'ordre.
- L'espace et l'ordre social - Murray Edelman, Claire Habart, Fabien Desage p. 7-24
Varia
- Des profanes en justice : Les jurés d'assises, entre légitimité et contestation du pouvoir des juges - Aziz Jellab, Armelle Giglio-Jacquemot p. 149-176 Les jurés de cour d'assises se situent à l'arrière-plan des chroniques judiciaires et les médias n'en parlent souvent que pour en évoquer le rôle dans les arrêts prononcés. Pourtant, l'expérience de ces «juges d'un jour» révèle les contradictions d'une justice qui, en faisant appel à des «citoyens» issus du peuple, les oblige à se socialiser à des pratiques judiciaires et à un rôle auquel ils sont peu préparés. Cette socialisation s'opère sur fond d'interrogations quant à leur légitimité mais aussi d'interactions avec des magistrats dont le statut, les stratégies d'accueil et les manières d'organiser les débats à l'audience comme lors du délibéré, en font des professionnels dominants et au pouvoir susceptible d'être perçu comme démesuré. Le fait que les jurés sont censés juger des faits tandis que les magistrats jugent selon le droit introduit une hiérarchie subtile où, d'un côté, c'est le «bon sens» et «l'émotion» qui contribueraient à la formation du jugement, tandis que, de l'autre, c'est la «raison» et la «loi» qui seraient à l'oeuvre. La contestation du pouvoir des juges et de certaines de leurs pratiques par les jurés est une manière de défendre l'idée que l'on ne peut juger sans un regard «humain» dont on découvre le lien avec l'histoire biographique du citoyen-juge. Cette contestation illustre les paradoxes d'une institution qui maintient la fiction d'une égalité entre citoyens tout en organisant en pratique la perpétuation de certaines formes de domination. Cela amène à s'interroger sur l'héritage «démocratique» que constitue la cour d'assises, sur la «démocratie délibérative» qui la caractérise, et sur les effets sociaux de cette expérience quant à l'engagement des anciens jurés dans l'espace public.
- Des profanes en justice : Les jurés d'assises, entre légitimité et contestation du pouvoir des juges - Aziz Jellab, Armelle Giglio-Jacquemot p. 149-176