Contenu du sommaire : Politiques étrangères de l'URSS et des démocraties populaires depuis 1945 - II
Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 148, hiver 2011 |
Titre du numéro | Politiques étrangères de l'URSS et des démocraties populaires depuis 1945 - II |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Politiques étrangères de l'URSS et des démocraties populaires depuis 1945 - II
- Introduction - Antoine Marès p. 3-6
- Essai sur la spécificité des relations entre l'URSS et l'Europe de l'Est de 1945 à 1989 - Jacques Lévesque p. 7-16 Tout en reconnaissant pleinement le caractère multidimensionnel de la politique soviétique à l'endroit de l'Europe de l'Est de 1945 à 1989, c'est d'abord et surtout dans la dimension idéologique qu'il faut rechercher une spécificité de cette politique. L'argument central développé ici est le suivant : l'existence des régimes socialistes de l'Europe de l'Est a été une des principales, et peut-être même la principale source de légitimation du pouvoir du Parti communiste de l'URSS, en URSS même. Il en résulte plusieurs comportements particuliers de l'URSS à l'endroit des pays d'Europe de l'Est et par extension aux autres pays socialistes qui seraient difficilement explicables autrement. La tolérance inattendue de l'URSS face à l'effondrement des régimes politiques de l'Europe de l'Est en 1989 est un indicateur probant de la recherche d'un nouveau système de légitimation du pouvoir soviétique qui avait alors cours à Moscou.
- Une réinterprétation des origines de la dispute sino-soviétique d'après des témoignages de diplomates russes - Céline Marangé p. 17-32 Cet article propose une réinterprétation des origines de la dispute sino-soviétique à la lumière de documents d'archives chinois et soviétiques et surtout des mémoires d'une dizaine de diplomates et d'interprètes russes, témoins directs des négociations bilatérales entre 1949 et 1960. Il incite à ne pas surévaluer le poids de l'idéologie, ni à sous-estimer l'importance des fausses perceptions et du facteur humain, dans le déclenchement de la querelle sino-soviétique. Contrairement à une idée répandue, les dissensions sur l'avenir de la révolution, en particulier dans le Tiers Monde, apparurent tardivement et ne furent pas déterminantes. La dispute sino-soviétique résulta avant tout, d'une part, des ambitions de Mao et de la personnalité de Khrouchtchev, d'autre part, de divergences de vues sur des questions stratégiques et la défense de « l'intérêt national ».
- L'observatoire du mensuel Kultura, entre Londres et Maisons-Laffitte - Lubor Jílek p. 33-46 En tant que revue majeure dans la vie intellectuelle polonaise d'après-guerre, le mensuel d'exilés Kultura n'a jamais retenu la politique étrangère soviétique comme un enjeu d'observation de première importance. Or Juliusz Mieroszewski, qui, malgré son isolement à Londres, s'impose entre 1949 et 1976 comme la principale plume politique du mensuel et comme un fort alter ego de Jerzy Giedroyc, le maître d'oeuvre de la revue, apparaît aujourd'hui comme l'un des analystes les plus perspicaces de la Guerre froide. Comble du paradoxe, son appareil conceptuel éclectique, sans perdre de vue les virtualités de crises dans l'Europe soviétique, s'ancre dans les analyses traditionnelles d'avant 1950. Cracovien sceptique mais intéressé à l'évolution de la pensée socialiste d'Occident, sa seule faiblesse aura été de servir une langue et une volonté d'indépendance alors dominées dans le partage consensuel soviéto-américain. Quarante ans après s'être tu, l'homme a de quoi nourrir bien des recherches novatrices.
- En quête permanente d'une reconnaissance internationale : La politique étrangère de la RDA et ses marges de manoeuvre - Christian Wenkel p. 47-58 L'article dresse un bilan sommaire des trois phases de la politique étrangère de la RDA (1949-1955, 1955-1972, 1973-1989). Tout en prenant en compte les deux facteurs qui ont le plus déterminé cette politique, à savoir l'idéologie et l'économie, l'analyse se focalise sur les deux thèmes qui correspondent aux principaux enjeux de la diplomatie est-allemande : les rapports avec Moscou et la quête pour une reconnaissance internationale de la RDA la plus complète possible, une bataille qui continue même au-delà de la signature du traité fondamental en 1972. Si la RDA a su prendre pendant certains épisodes de la guerre froide la posture d'un acteur, notamment durant la deuxième crise de Berlin, l'article montre qu'elle n'a jamais réellement pu s'émanciper de sa puissance de tutelle.
- La politique étrangère Tchécoslovaque (1948-1989) : un cas généralisable ? - Antoine Marès p. 59-74 Bien que la Tchécoslovaquie se soit trouvée dans une situation d'autonomie particulière entre 1945 et 1948, sa politique étrangère s'est distinguée jusqu'en 1989 par un alignement remarquable sur Moscou, en dehors de l'année 1968. Cette contribution s'attache dans un premier temps à rappeler les grands traits de cette spécificité. Une deuxième partie analyse les facteurs structurels qui ont empêché l'exercice de la souveraineté, puis les éléments économiques et culturels qui ont pu au contraire favoriser la satisfaction des « intérêts nationaux ». Finalement, s'il y a un modèle commun des politiques étrangères des pays d'Europe médiane et des périodes d'unité forcée par Moscou, on ne doit pas négliger les spécificités de chacun des pays du bloc soviétique, liées notamment à des chronologies politiques et à des réactions de la société très différentes.
- Le pragmatisme contre l'idéologie : la Tchécoslovaquie communiste et l'Iran de l'époque du shah (1948-1979) - Petr Zídek p. 75-80 L'article traite de l'influence de l'idéologie communiste sur les relations de la Tchécoslovaquie avec l'Iran. L'auteur rappelle que pendant tout l'entre-deux-guerres, la Tchécoslovaquie a été l'un des principaux partenaires de l'Iran. Après le coup de force communiste, le rythme des affaires a été entravé et Prague est devenu un lieu d'asile pour plusieurs douzaines de membres du parti Tudeh. Depuis le début des années 1960, les relations ont commencé à prendre un tour plutôt pragmatique : bien que l'Iran soit décrit dans les documents internes tchécoslovaques comme « l'État le plus réactionnaire de la région », les exportations tchécoslovaques ont atteint un volume considérable. Le pragmatisme de cette coopération se reflète alors dans les activités du Centre d'art tchécoslovaque : dans les années 1970, ce Centre a organisé de nombreuses expositions célébrant le régime du Shah, avec la collaboration de nombreux artistes persécutés en Tchécoslovaquie.
- La Hongrie entre tutelle soviétique et intérêt national au cours des années 1960 - Aniko Macher p. 81-94 Liée à l'Union soviétique sur les plans politique, militaire, économique et idéologique, la Hongrie est associée à la première révolution antitotalitaire et nationale de la Guerre froide. Alliée loyale de l'Union soviétique pendant l'ère de János Kádár, elle a de l'ambition sur la scène internationale. Pendant les années 1960, la Hongrie s'intéresse de près à la coopération régionale en Europe centrale. Finalement instrumentalisé par les Soviétiques, ce concept géopolitique présente un cadre possible pour la diplomatie hongroise en vue de se rapprocher des minorités hongroises vivant au-delà de ses frontières. Malgré la rhétorique « internationaliste », la prise de conscience de la situation difficile des Hongrois face à l'assimilation forcée dans certains pays voisins est alors une réalité en Hongrie. Critiquée même à Budapest, cette prise de conscience resta au niveau des études ou d'actions diplomatiques isolées pour favoriser l'unité de la nation hongroise, au-delà des frontières, par le biais des liens culturels.
- Bucarest-Moscou : le ferment nationaliste des dissensions bilatérales (1964) - Irina Gridan p. 95-110 Après avoir pris leurs distances avec la diplomatie de bloc économique, en 1962-1963, les dirigeants roumains recherchent des marges de manoeuvre politiques à l'égard de l'URSS. Le conflit sino-soviétique leur fournit matière à théoriser leur neutralité, à travers la Déclaration d'indépendance du 22 avril 1964. L'objectif de cet article est de montrer comment les Soviétiques ont réagi aux revendications roumaines, d'autant qu'elles ont été accompagnées d'une campagne de mobilisation populaire antisoviétique. La riposte se situe sur le même terrain, celui du nationalisme, notamment à travers des pressions territoriales concernant la Transylvanie et la Bessarabie exercées au cours des pourparlers roumano-soviétiques de Moscou de juillet 1964. À partir d'archives nouvellement accessibles, il s'agit d'analyser ce moment crucial pour la quête roumaine d'autonomie dans sa politique extérieure.
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 117-122