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Revue | Revue historique |
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Numéro | no 662, avril 2012 |
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- « La Purge » : une expertise juridico-médicale de la lèpre en Auvergne au Moyen Âge - Johan Picot p. 292-321 Dès le début du xiie siècle, l'Auvergne est témoin du retour d'une maladie absente depuis plusieurs siècles : la lèpre. L'endémie contraint les autorités locales à réagir pour diminuer la propagation du mal avec notamment l'installation de plusieurs léproseries. Cependant, ce sont les Montferrandais les plus organisés avec un tribunal unique en France : « la Purge ». Les origines de cette juridiction sont obscures et il faut attendre le début du xive siècle pour en saisir l'existence et le fonctionnement, c'est-à-dire lorsque la juridiction est créée ou officialisée sous la forme d'un tribunal royal. Détenue et présidée par le consulat de Montferrand, la Purge a pour but la convocation, l'examen, le jugement, puis la mise à l'écart des lépreux résidant en Auvergne, mais aussi dans les pays voisins. Le fonctionnement de cet organe juridico-médical est assuré par un organigramme précis composé de notaires, d'huissiers, de greffiers, de sergents, de procureurs, de juges, mais surtout de médecins et de chirurgiens experts en matière de lèpre. En effet, la procédure repose sur un élément capital : la visite médicale et le procès-verbal dressé par les experts médicaux. Le déroulement de cette procédure illustre la place centrale détenue par ces savants puisque c'est à eux que revient le soin de déterminer la présence ou non du mal de lèpre sur l'inculpé. Ce jury d'experts est donc indispensable à la Purge qui ne peut rendre ses sentences ni fonctionner sans lui. Si dans certaines régions l'examen des lépreux peut repousser les praticiens, en Auvergne il n'en est rien. L'office offert par la cour royale de Montferrand attire les cliniciens sur le long terme. La charge est visiblement porteuse de considération, mais apporte surtout des rémunérations considérables à ceux qui visitent les suspects de lèpre. Enfin, pour s'assurer l'entière disponibilité de ses experts, la Purge n'hésite pas à inquiéter les imprudents médecins qui exercent sans sa licence ce qui prouve encore l'utilité de ces conseillers particuliers, mais attestent également de l'émergence d'un système médico-légal en Auvergne à la fin du Moyen Âge.
- Diplomatique et discours politiques. Une analyse lexicographique qualitative et quantitative des ordonnances de Philippe le Bon pour la Flandre (1419-1467) - Jonas Braekevelt, Jan Dumolyn p. 323-356 Le présent article veut considérer l'activité législative des ducs de Bourgogne de la maison de Valois comme le résultat d'une forme de communication politique entre le prince et ses sujets. En tant que tel, il traite le contenu des ordonnances ducales comme incorporant divers langages ou discours idéologiques, parfois même antagonistes. En focalisant la recherche sur des édits datant du règne de Philippe le Bon, qui formait l'apogée du pouvoir de l'« État bourguignon », cette contribution tâte l'évolution d'allocutions législatives plutôt « dialogiques », incorporant des notions populaires, vers un discours princier « hégémonique ». Ce sondage s'effectue grâce à l'utilisation d'un logiciel lexicographique (Hyperbase), qui permet également l'identification de l'emploi dans les ordonnances ducales, dans des contextes politiques spécifiques, de diverses chaînes de signifiants propres au duc ou aux organes représentatives de ses sujets. Ainsi, la législation se révèle non seulement en tant qu'exécutante d'un politique princier ou le résultat de conflits politiques, mais aussi comme un champ de bataille idéologique évoluant.
- L'économie espagnole en débat. L'oeuvre d'Accarias de Sérionne et sa réfutation par Campomanes - Jesús Astigarraga p. 357-389 En 1773 fut publié un petit livre intitulé Impugnación de diferentes máximas perjudiciales a España, que se encuentran en la obra titulada Historia, o Descripción general de los intereses de Comercio (Réfutation de nombreuses maximes préjudiciables pour l'Espagne, se trouvant dans l'oeuvre intitulée Histoire, ou Description générale des Intérêts du Commerce). Ce texte anonyme possède une portée historique non négligeable parce qu'on peut en attribuer sa paternité au puissant membre du Conseil de Castille, le comte de Campomanes. Le livre avait pour but de contester un ensemble d'idées sur l'Espagne contenues dans le traité de l'économiste français Jacques Accarias de Sérionne Les Intérêts des nations de l'Europe (1766). Campomanes prenait la défense des intérêts économiques et impériaux espagnols, de son point de vue insuffisamment défendus dans la traduction espagnole du traité d'Accarias de Serionne. Dans le même temps, avec son Impugnación, il prétendait démontrer l'importance qu'avait la diffusion des « écrits publics » dans la stratégie des Lumières. Dans ce cas précis, il s'agissait de mobiliser l'opinion publique espagnole contre un courant intellectuel d'envergure européenne qui prétendait que l'Espagne était inadaptée aux projets des Lumières. Cette Impugnación trouve donc sa place dans le champ d'une littérature européenne de type polémique qui constitue l'une des expressions du processus de création de la sphère publique dans la majorité des pays européens.
- Deux générations de musiciens au xviiie siècle : la famille Dobet de Chartres à Châteaudun, 1713-1829 - François Caillou, Sylvie Granger, Christophe Maillard p. 391-419 Un père, ses deux fils et sa fille : quatre musiciens sur deux générations du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle. Leurs destins s'entrecroisent dans un triangle Chartres/Blois/Orléans, dont Châteaudun serait le coeur. Leurs itinéraires déclinent les principales possibilités alors offertes aux professionnels de la musique. D'une part, la musique liturgique au service de l'Église, dès l'enfance grâce à la formation maîtrisienne, et sauf accident jusqu'au grand âge. D'autre part, la musique profane, par l'alliance de l'enseignement (clavecin), de la composition et du service des élites sociales. Ainsi que, pour la fille, une vie d'organiste tissée dans la discrétion, sans s'éloigner du foyer paternel. La Révolution fait dévier ces trajectoires, coupant net les carrières des deux fils, à l'Église pour l'un, dans les salons pour l'autre, et les ramenant à Châteaudun. Ils y tiennent l'orgue du temple de la Raison avant de participer activement à la reconstruction cultuelle postconcordataire. Une enquête « à six mains », dans des sources diversifiées, a reconstitué une famille de musiciens obscurs et pourtant actifs, représentatifs de ce qu'était le tissu culturel des provinces de la France moderne.
- Le mythe de l'obéissance de la Moselle napoléonienne (1811-1814) - Pierre Horn p. 421-443 Si l'obéissance caractérisant la Moselle napoléonienne est un mythe sans fondement, c'est que de 1810 à 1814 la Lorraine allemande, région généralement connue comme l'une des plus soumises du Grand Empire, apparaît de plus en plus dissidente. Tous les ingrédients de la sédition sont réunis : résistance aux mesures d'un pouvoir discrédité, opposition à ses agents, révoltes populaires, contrebande et fraude galopantes, recours croissant à la violence. Jusque-là, le département de la Moselle était pourtant connu pour être, tout à la fois, soumis, obéissant, légaliste et fidèle : l'esprit des Mosellans était présenté comme « excellent », aussi bien par les administrateurs napoléoniens que par les historiens qui ont suivi. Depuis sa prise de fonction en 1805, le préfet de la Moselle, Viénot de Vaublanc, ne cessait d'assurer le pouvoir central de la docilité de son département et répondait même de la fidélité de ses administrés. Dans cette démonstration qui tendra à prouver que l'obéissance du département de la Moselle tient bien plus du mythe que de la réalité historique, la Lorraine allemande sera notre unique champ d'investigation. La dissidence de cette dernière, de 1811 à 1814, nous portera à remettre en question certains mythes particulièrement tenaces dans une région frontalière sarro-mosellane où la légende exerce, aujourd'hui encore, un certain empire.
- La politique étrangère et l'élection présidentielle de 1981 - Sabine Jansen p. 445-475 Les Français ont la réputation de n'être guère préoccupés par la politique étrangère. S'il est vrai que les questions internationales sont peu présentes lors des campagnes des élections présidentielles de 1965, 1969 et 1974, celle de 1981 fait figure d'exception. Les affaires extérieures y tiennent une place toute particulière. Dès lors, il s'agit d'en comprendre les raisons, en soulignant, à partir de l'automne 1979, le caractère dramatique de la conjoncture internationale qui marque un regain de la guerre froide. Hommes politiques, observateurs, journalistes et citoyens se font l'écho, au travers de discours, d'articles ou de sondages, d'une inquiétude croissante qui pèse sur l'évolution du rapport de forces entre les candidats à l'élection présidentielle d'avril-mai 1981. Le président de la République sortant, Valéry Giscard d'Estaing, héritier et garant de la traditionnelle politique gaulliste de détente avec l'Est, apparaît progressivement en porte-à-faux avec une opinion de plus en plus méfiante à l'égard de l'URSS, d'autant que cette politique contredit les efforts parallèles du président en vue de renforcer la cohésion franco-allemande et la solidarité atlantique face au déploiement des fusées nucléaires en Europe de l'Est. D'atout, la politique étrangère, domaine réservé du chef de l'État, devient, pour le président, un handicap exploité par son principal adversaire François Mitterrand dont, pourtant, la crédibilité aurait pu être affectée par un statut d'éternel opposant et d'allié d'un parti inféodé à l'Union soviétique. Le candidat du Parti socialiste tire habilement profit de la campagne antigiscardienne et antisoviétique d'une partie de la droite, comme de la virulence des attaques communistes dirigées contre lui et qui ont pour effet de rassurer l'électorat modéré. Même si, au coeur de la campagne électorale, les sondages nous éclairent davantage sur les intentions que sur les motivations, discours, questionnaires et commentaires de presse nous permettent de saisir les mouvements de l'opinion au fur et à mesure que se précisent les positions des candidats. L'activisme agressif de l'URSS réveille les vieux démons de la guerre froide. L'hostilité croissante de l'opinion à l'égard de la superpuissance communiste, mais aussi de la politique africaine du président sortant, joue un rôle indiscutable dans la montée du désamour à l'égard de Valéry Giscard d'Estaing, dont la politique étrangère soucieuse d'apaisement et de compromis n'apparaît plus en phase avec les attentes des Français.
- Justice, société et pouvoir à l'époque féodale : nouvelles perspectives. À propos de deux ouvrages récents - Florian Mazel p. 477-491
- Comptes rendus - p. 493-551