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Revue | Revue historique |
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Numéro | no 663, juillet 2012 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le chevalier Herluin et la fondation de l'abbaye du Bec : un dossier complexe entre tentation érémitique et normalisation cénobitique - Jean-Hervé Foulon p. 563-607 L'abbaye du Bec est considérée comme une des abbayes bénédictines les plus célèbres du Moyen Âge. L'image véhiculée par les sources narratives du xiie siècle, ainsi que les hypothèses des érudits de l'époque moderne donnent en effet à penser qu'un monastère bien constitué est fondé en 1034 par le chevalier Herluin. Toutefois, un examen attentif des sources oblige à distinguer entre la réalité historique où prévaut un goût nettement prononcé du fondateur pour la vie érémitique et un processus postérieur de réécriture des débuts de la fondation. Au xiie siècle, les moines du Bec entendirent occulter ces origines érémitiques, devenues suspectes dans le contexte de concurrence avec le nouveau monachisme, et exalter le primat d'une vie cénobitique. Dans ce cadre, il a été nécessaire de réviser la chronologie des événements traditionnellement admise. L'enquête aboutit à majorer l'importance de l'étape érémitique dans la vie d'Herluin, à travers un refus précoce d'embrasser le cadre normatif bénédictin, mais éclaire aussi l'adolescence du Conquérant. Le projet d'Herluin d'une vie more Patrum ne put déboucher sur une forme institutionnelle viable. Dans un contexte de sédition des lignées richardides, la confirmation des biens par le duc Guillaume, lors de la seconde dédicace en février 1046 ou 1047, traduit une volonté de fidélisation de l'abbaye. L'arrivée contemporaine du savant Lanfranc et la nouvelle protection ducale assurèrent la prospérité du Bec, remédiant aux difficultés de son gouvernement abbatial, mais suscitèrent sa régularisation bénédictine.
- Temps de travail et fêtes religieuses au XVIIIe siècle - Jean-Yves Grenier p. 609-641 La suppression d'un grand nombre de jours de fêtes religieuses entre le milieu du xviie siècle et la fin du xviiie siècle a permis une forte augmentation du temps de travail. Cet article s'efforce d'en comprendre les raisons. Est-ce la conséquence du désir des populations de travailler plus pour consommer plus, comme le soutiennent les historiens de la consumer revolution ? Est-ce une évolution du calendrier encouragée et conduite par les élites éclairées acquises à l'utilitarisme de l'économie politique ? Ou doit-on au contraire y voir d'abord un phénomène de nature religieuse, voulu et organisé par l'Église et la papauté ?
- Religion du souverain, souverain de la religion : l'invention de saint Napoléon - Vincent Petit p. 643-658 Après la conclusion du Concordat et l'établissement de l'Empire, la date de la fête nationale est fixée au 15 août, jour anniversaire de la naissance de l'Empereur et fête de l'Assomption. À la demande des autorités françaises, la papauté invente même un saint de toutes pièces, qu'elle inscrit dans le calendrier liturgique et qu'elle dote d'un office que doit réciter l'ensemble du clergé en y associant les fidèles. La création de cette dévotion, fondée sur le nom même du souverain régnant, illustre de manière presque caricaturale la mobilisation de la religion au service de l'État, jusque dans ce qu'elle a de plus sacré, la prière. C'est que, contrairement à la place qu'elle occupait sous l'Ancien Régime, la religion n'est plus à l'origine de la souveraineté ? ce qui d'ailleurs justifiait l'intervention de la puissance publique : elle n'en constitue plus qu'un attribut. La dévotion à saint Napoléon ne parvient pas à survivre à l'Empire : plus que le mauvais vouloir d'une partie de l'Église, soucieuse de se dissocier théologiquement de l'État, il faut plutôt invoquer la mutation, sous l'effet d'un double processus de sécularisation et de politisation, de la figure traditionnelle du saint en mythe politique.
- Michel Crozier et le CSO, un entrepreneur sociologique de la réforme de l'État (début des années 1950-fin des années 1970) - François Chaubet p. 659-681 L'histoire des sciences sociales après 1945 en Europe, et tout particulièrement de la sociologie, fut en partie une tentative de concilier recherche scientifique et activité de conseil ou de proposition auprès des pouvoirs politiques et administratifs. Michel Crozier, aidé par le groupe de chercheurs qu'il rassembla autour de lui au CSO, exerça, entre le début des années 1960 et le début des années 1980, une très forte influence intellectuelle et médiatique au sein de l'univers des petits milieux « modernisateurs », préconisant des réformes politiques importantes dans le monde français. L'argumentaire scientifique élaboré collectivement par Crozier et ses collaborateurs sur le fonctionnement de diverses administrations françaises et sur les rapports entre pouvoir politico-administratif central et pouvoirs locaux fut en effet l'une des plus grandes réussites de la science politique et sociologique hexagonale de l'après-guerre. Mais, dans la volonté de passer du constat scientifique à l'application politique, l'expert que voulut être Michel Crozier connut des déconvenues. Il échoua quand il voulut se transformer en conseiller du prince auprès de Jacques Chaban-Delmas ou d'un Valéry Giscard d'Estaing. En revanche, dans un rôle plus modeste et plus patient, d'expert porteur de propositions et d'idées, son rôle est indéniable dans le succès de l'idée de décentralisation au début des années quatre-vingt. La figure de Michel Crozier paraît ainsi décisive pour comprendre le passage, à partir du milieu des années 1960, du grand théoricien sociologue (Durkheim) à celle du chercheur qui mêle recherche fondamentale et interventions auprès des acteurs économiques et administratifs. L'étude n'en montre pas moins le décalage entre d'un côté le savoir et l'immense compétence de chercheur et les logiques politiques profondes qui lui échappent en grande partie et qui le laissèrent frustré et mélancolique, à l'image d'ailleurs de beaucoup de ses collègues sociologues dans cette génération.
- Du SER au DEP, ou la constitution d'une socio-économie de la culture et d'une prospective culturelle au service de l'action (1959-1993) - Laurent Martin p. 683-704 L'article étudie le fonctionnement et le rôle d'un service relativement méconnu du ministère des Affaires culturelles fondé par André Malraux, le service des Études et Recherches, ancêtre de l'actuel département des Études, de la Prospective et des Statistiques du ministère de la Culture et de la Communication. Émanation du Commissariat général au Plan, le SER, sous l'impulsion de son fondateur et directeur jusqu'au début des années 1990, Augustin Girard, a été la « tête chercheuse » de la jeune administration en charge de la politique culturelle, proposant une expertise basée sur les sciences sociales pour dresser un état des besoins en équipements culturels, aider à la décision et diffuser l'information en matière de politique publique de la culture.
- Résistance de principe ou lucidité intellectuelle ? Les historiens français et l'histoire atlantique - Alain Cabantous p. 705-726
- Comptes rendus - p. 727-778