Contenu du sommaire : Les Années 68 : une contestation mondialisée

Revue Matériaux pour l'histoire de notre temps Mir@bel
Numéro n° 94, avril-juin 2009
Titre du numéro Les Années 68 : une contestation mondialisée
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Avant-propos - Geneviève Dreyfus-Armand p. 1 accès libre
  • Historiographie de mai 1968 en langue anglaise - Michael Seidman p. 3 accès libre avec résumé
    Les événements de mai 1968 en France ont fasciné et continuent de fasciner les auteurs tant en Grande-Bretagne qu'aux États-Unis. Pour les historiens anglo-américains, la France a renoué avec sa position de terre de révolution de la fin du XVIIIe siècle et du XIXe siècle. L'insistance sur le changement soudain, voire révolutionnaire, en 1968 a encouragé des recherches en histoire politique et en histoire événementielle. Le mois de mai a fini par représenter l'entière décennie des années soixante et les années qui ont précédé et suivi mai 68 — périodes de changement et de créativité considérables — sont négligées au détriment d'un point de focalisation sur les événements survenus au cours de quelques mois. L'historiographie en langue anglaise a surévalué les changements politiques et culturels provoqués par mai 1968 et n'a, dans la plupart des cas, pas encore utilisé de sources primaires.
  • L'Internationale situationniste : d'autres horizons de révolte - Anna Trespeuch p. 10 accès libre avec résumé
    De plus en plus nombreux à partir de 1966, les lecteurs de la revue Internationale situationniste sont sensibilisés à des thèmes alternatifs à ceux que l'extrême gauche développe. Leur analyse géopolitique du monde renvoie dos-à-dos les États-Unis — qui mobilisent contre eux une jeunesse mondiale opposée à la guerre au Vietnam — et les pays qui suscitent l'espoir chez tant de jeunes révolutionnaires, la Chine ou Cuba. Les situationnistes relèvent à l'étranger de nouveaux modes de subversion qui sont issus d'analyses proches des leurs : rejet de la société de consommation, valorisation de la créativité et du ludique, invention d'un nouveau mode de vie, révolution par les conseils ouvriers. Les situationnistes participent au mouvement de Mai-68. Mais l'événement « Mai-68 » ne se joue pas tant sur les barricades que dans l'immédiate mise en récit dont il fait l'objet dès l'été 1968. L'Internationale situationniste se lance dans cette bataille mémorielle avec des armes qu'elle maîtrise parfaitement : sa rhétorique tranchante et son esthétique subversive. Elle s'auto-dissout en 1972, mais la culture situationniste survit dans un réseau de sociabilité international structuré en Europe et aux États-Unis. Et elle apparaîtra a posteriori comme une synthèse de Mai-68.
  • Ombres chinoises : regards de maoïstes français sur la Chine de Mao (1965-1976) - Marnix Dressen p. 16 accès libre avec résumé
    Pour les maoïstes, la Chine semblait apporter des réponses aux questions suscitées par la dégénérescence d'un monde soviétique qui n'offrait pas d'autre objectif qu'une compétition avec les États-Unis en matière de développement économique ou d'influence internationale. La Chine passait pour porteuse de rupture avec la tradition et le fatalisme et incarnait un modèle pour le tiers-monde. En outre, la Chine était considérée comme apportant de stimulants éléments de réflexion sur les rapports entre les intellectuels et le peuple, entre les villes et les campagnes, entre les hommes et les femmes. La Chine paraissait aussi renouveler la question de la démocratie en lui adjoignant l'adjectif direct. La perception dont la Chine était l'objet en Europe occidentale, et tout particulièrement en France, doit être replacée dans le contexte particulier de la Révolution culturelle qui mobilisait une partie de la jeunesse chinoise. Le maoïsme et son éthique sont bien plus qu'une doctrine politique parmi d'autres ; il s'agit d'une véritable religion politique qui compte une dimension anthropologique évidente. Les travaux de sociologues et d'anthropologues sont indispensables pour en comprendre les fonctionnements.
  • Mouvement antiautoritaire en Allemagne et mouvement contestataire en France : interactions ? - Christiane Kohser-Spohn p. 33 accès libre avec résumé
    Le congrès sur le Vietnam, tenu à Berlin les 17-18 février 1968, peut faire croire qu'il existait des confluences politiques et des réseaux de relations intenses entre révolutionnaires français et allemands à la fin des années 1960. Or, ce congrès a surtout été un point de départ dans une découverte réciproque. Il ne s'agit pas de négliger le rôle joué par les relations individuelles dans l'évolution des mouvements de contestation en France et en Allemagne au cours des années 1960, ni de sous-estimer le rôle du tourisme politique. Si l'on peut parler d'interactions entre les mouvements protestataires français et allemands à partir des années 1970-1980 — durant lesquelles les mouvements anti-nucléaires, écologistes ou féministes français et allemands ont souvent coordonné leurs actions de protestation — ce type de campagnes politiques n'a pas eu lieu dans les années 1960. En outre, malgré la similitude des mouvements et la diffusion des idées et des concepts, l'influence réciproque fut limitée en raison des particularités de la protestation sociale et des traditions de lutte propres à chaque pays. Ces limites sont particulièrement visibles dans l'événement Mai-68. Si le mouvement français a fasciné les gauchistes allemands, il a été perçu moins comme un modèle à suivre que comme une référence à adapter aux conflits politiques et sociaux de l'Allemagne.
  • Perceptions, transpositions et mémoires du Mai français en Italie - Antonio Benci p. 39 accès libre avec résumé
    Pour les militants, les observateurs et les témoins italiens qui l'ont vécu dans son expansion, le Mai français reste un lieu autre, indélébile dans leur mémoire. D'événement provenant d'un autre lieu, il s'est transformé en un lieu autre sur lequel s'est projeté le désir d'une nouvelle politique, de nouveaux modèles de société et de nouvelles mœurs. Enfin, il s'agit d'un ailleurs de la mémoire en vertu d'un imaginaire puissant qui a fait rentrer Mai-68 dans le patrimoine personnel et partagé d'une génération, même pour ceux qui l'ont simplement vécu en écoutant la radio ou en lisant les chroniques dans les journaux. Le rôle des étudiants pendant la crise française a suscité des interprétations divergentes au sein même du PCI. La réception et l'interprétation du Mai-68 français par le très hétérogène « mouvement » italien sont complexes. Il émerge notamment une position qui présente les événements de Mai comme le paradigme de l'absence de capacité et d'intentions révolutionnaires des partis communistes. Une telle interprétation, notamment récupérée par le filon ouvriériste, conduira à la naissance de l'expression politique et lexicale de « Mai-68 italien ».
  • Des "enfants monstrueux de 68" ? ) propos des mouvements politiques violents et des médias (France-Allemagne, 1968-1998) - Fanny Bugnon p. 47 accès libre avec résumé
    En France comme en Allemagne, la décennie qui a suivi les événements de mai-juin 1968 a été marquée par l'émergence de nouveaux militantismes. Certains ont fait le choix de la violence comme moyen d'action politique. En effet, des deux côtés du Rhin, l'agitation sociale et politique a conduit à une radicalisation des pratiques débouchant sur ce que Gérard Chaliand qualifie de « terrorisme à vocation révolutionnaire ». De quelle manière des mouvements français et allemands ont intégrés à leur répertoire militant les événements du printemps 1968 ? Quels usages du Mai français les mouvements contestataires violents de la décennie 1970 font- ils ? Comment les événements du printemps 1968 sont-ils intégrés au référentiel de ces groupes et mobilisés lorsqu'il est question de revendication et de justification des pratiques utilisées ? Du point de vue de la construction mémorielle, est-il question de filiation, ou de démarcation ? Afin de défricher cette question, l'auteur a pris appui sur la presse d'information et la presse militante de l'époque ainsi que sur des entretiens.
  • L'écho du Mai français en Angleterre et Irlande du Nord - Manus McGrogan p. 53 accès libre avec résumé
    Deux grandes manifestations nationales ont été organisées contre la guerre au Vietnam, en mars et octobre 1968, à Londres. Des grèves étudiantes et des occupations de bâtiments universitaires se sont également produites, dont les plus importantes à la London School of Economics (LSE), partiellement inspirées de l'exemple français. Militants, étudiants et curieux sont partis à Paris témoigner des émeutes et des occupations. On est revenu la tête pleine de rêves et d'images. Certains ont ramené des images-objets (affiches, photos, etc.). Par ailleurs, il y a eu, tout le long de l'année 1968, un développement des différentes tendances gauchistes, à moitié façonnées ou infléchies dans leur politique par la contestation internationale (maoïstes, guévaristes, trotskistes, anarchistes, libertaires ou hippies politisés). La vague de révolte internationale a aussi touché l'Irlande du Nord. Un nouveau courant pour les droits civiques, plus radical, s'est constitué en 1968.
  • L'impact des événements français sur le mouvement de 68 en Suisse - Nuno Pereira p. 60 accès libre avec résumé
    La Suisse n'est pas restée à l'écart du mouvement de contestation international. Le Mai français a été un catalyseur, mais également un référentiel et une source d'inspiration. Au-delà des slogans, souvent repris par divers acteurs, cette influence s'est notamment traduite par l'appropriation d'un langage de la subversion, par l'emprunt de certaines thématiques ou d'un répertoire d'actions et par la reproduction de certaines formes organisationnelles. Les militants suisses s'emploient pourtant à inscrire leurs mouvements respectifs dans la réalité locale, en évitant une transposition artificielle des expériences étrangères, qui apparaissent dès lors plutôt comme instrumentales. Le mouvement de 1968 en Suisse a été, comme ailleurs dans le monde, à l'origine d'une profonde mutation sociale et culturelle. La « décennie rouge » qui a suivi a été caractérisée par une mobilisation politique, dont témoigne le foisonnement de nouveaux mouvements sociaux et d'organisations d'extrême gauche. La Suisse, qui n'a pas connu de crise politique majeure, a vu l'affirmation d'une nouvelle culture de rupture, attestée par l'émergence des luttes féministes, anti-militaristes, écologistes, anti-xénophobes et de solidarité internationale, mais aussi par la progression, certes plus timide, du mouvement ouvrier.
  • Mai-68, la France et les "porteurs de valise de la guerre froide - Bent Boel p. 66 accès libre avec résumé
    En étudiant les contacts entre Français et dissidents de l'Est pendant les années 1968-1980, l'auteur pose la question de savoir dans quelle mesure il est possible d'identifier un « impact Mai-68 » compte tenu de la solidarité proclamée en 1968 par certains contestataires occidentaux avec le « Printemps de Prague », de la sympathie française pour l'opposition dans les pays de l'Est et du rôle important joué par ces contacts au cours des années 1980 (en particulier la « détente par le bas » prônée par les mouvements pacifistes non-alignés de l'Est et de l'Ouest). Cette solidarité avec les dissidents de l'Est pendant les années 1970 est-elle due à « l'effet Soljénitsyne » ou remonte-t-elle à Mai-68 ? En vue d'ébaucher une réponse à ces questions, le texte tente d'identifier les contacts entre Français et dissidents de l'Est en examinant plusieurs catégories d'acteurs. Les contacts avec les oppositionnels de l'Est pendant les années 1980 mobilisèrent un nombre bien plus important de personnes que pendant la décennie précédente, et l'on ne peut exclure que pour certains d'entre eux un passé soixante-huitard ait joué un rôle par rapport à leur engagement.
  • Mai-68 français et Corée du Sud : contestation bloquée et appropriation tardive - Dongkyu Shin p. 76 accès libre avec résumé
    Le phénomène contestataire international n'atteint pas la Corée du Sud, où la démocratie reste formelle. L'année 1968 est marquée par la tension militaire issue de l'antagonisme entre les gouvernements opposés des deux Corée. En Corée du Sud, l'effort pour la démocratie est réprimé au nom de l'anti-communisme caractérisé par la phobie de la Corée du Nord. L'atmosphère de l'année 1968 est ainsi particulièrement étouffante pour les mouvements sociaux en Corée du Sud. En août, la condamnation à mort de cinq militants « révolutionnaires », soupçonnés d'être liés au Nord, aggrave encore cette situation. Il faudra attendre les années 1990 pour que certains militants s'approprient le Mai français.
  • Le mouvement étudiant au Brésil : résonances françaises et spécificités - Angelica Müller p. 78 accès libre avec résumé
    Les organisations étudiantes brésiliennes, notamment l'Union nationale des étudiants, ont été déclarées illégales après le coup d'État militaire de 1964. Face à la dictature, le mouvement étudiant commence à se restructurer en 1966 et l'année 1968 marque le début d'une rébellion contre le régime. À partir de sources diverses, les événements de l'année 1968 au Brésil sont évoqués. Si le Mai français a eu des résonances au Brésil à la fin du printemps, il faut souligner que la révolte étudiante y débute en mars 1968 et qu'elle est dirigée spécifiquement contre la dictature. Le mouvement de contestation brésilien présente donc des caractéristiques particulières, liées à la situation politique du pays ; la dénonciation de la violence, de l'arbitraire et de la répression pratiqués par le régime est marquée par une succession de manifestations et de conflits d'une grande brutalité. En décembre 1968, le régime militaire durcit encore les dispositions constitutionnelles, contraignant nombre d'opposants à s'exiler ou à entrer dans la clandestinité pour échapper à l'emprisonnement.
  • Le "Mai argentin" Des lectures de la Nouvelle Gauche jusqu'au Cordobazo - Horacio Tarcus p. 85 accès libre avec résumé
    Il y eut bien, à sa façon, un « 68 Argentin ». Cette révolte ne peut se comprendre hors de son cadre international — la contestation mondialisée des « années 68 » — mais elle a ses racines dans les traditions de lutte des travailleurs, des étudiants et des intellectuels argentins. Le « 68 argentin » possède son propre tempo et il se déclenche seulement en 1969. C'est en mai de cette année-là qu'il explose avec la grève des travailleurs et des étudiants de la ville de Córdoba, connue sous le nom de « Cordobazo ». Le péronisme comme les forces de la gauche traditionnelle argentine réfrénèrent la réception du Mai français. La culture politique du péronisme n'encourageait pas les attentes de changement provenant du « premier monde » ; elle avait une image négative des étudiants et une affinité avec le gaullisme. La diffusion des textes du mouvement français de Mai est due essentiellement aux maisons indépendantes de la Nouvelle gauche qui ont fortement contribué à fixer un imaginaire dans la mémoire des Argentins. Les journées du « Cordobazo » ont enregistré des scènes semblables de fraternité entre travailleurs et étudiants, de grandes manifestations, de combats de rue contre les forces de l'ordre, de barricades et de jeunes lançant des projectiles. Aussi, dans la mémoire des hommes et des femmes des années 1960, les images du Mai français se sont-elles superposées sur celles du Cordobazo, souvent nommé « le Mai argentin ».
  • Résumés - p. 93
  • Bulletin d'abonnement - p. 96