Contenu du sommaire : Égypte, Tunisie : de la rue aux urnes
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 82, été 2012 |
Titre du numéro | Égypte, Tunisie : de la rue aux urnes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Trajectoires transitionnelles et élections en Tunisie et en Égypte - Sarah Ben Néfissa p. 9-27 Suite aux révolutions de l'année 2011, les Tunisiens et les Égyptiens sont passés aux urnes. L'article propose d'inscrire l'analyse de ces premières élections dans le cadre des caractéristiques des trajectoires transitionnelles des deux pays. Il met en exergue la différence des logiques politiques à la base des victoires électorales islamistes dans les deux pays. Si la rupture avec le passé est une dimension fondamentale du vote pour Ennahda, en Égypte la victoire islamiste aux élections législatives a emprunté une dimension légitimiste à cause du rapprochement entre la direction de l'armée et la direction des Frères Musulmans. Cela n'a plus été le cas pour les élections présidentielles. L'article propose des hypothèses pour comprendre le score relativement faible de Mohamed Morsi au premier tour des élections présidentielles.
- Tunisie et Égypte aux urnes ! : Révolution ou restauration de la sociologie électorale ? - Myriam Catusse p. 29-50 Cet article se propose de réfléchir à la façon dont les scrutins de 2011 et 2012 en Tunisie et en Égypte peuvent bouleverser nos approches de l'acte électoral. En contexte d'incertitude politique, il questionne ces élections « pas comme les autres » sous deux angles : il invite d'abord à de ne pas se limiter aux lectures fonctionnalistes qui assignent au scrutin un rôle déterminant tant dans la reproduction des rapports de pouvoir autoritaires que dans le changement de régime et la démocratisation ; en conséquence, il s'interroge ensuite sur les possibilités sinon de révolution, du moins de restauration, voire d'inauguration de la sociologie électorale sur ces terrains où, pour des raisons pratiques (les difficultés d'accès à l'information et la manipulation des résultats), mais aussi plus théoriques, celle-ci n'en est qu'à ses prémices. Il compare comment, malgré les ruptures introduites par la révolution, l'histoire électorale locale peut influencer aujourd'hui les candidatures, le vote et son herméneutique ; et il se penche en retour sur les innovations repérables dans ces scrutins plus libres et concurrentiels que les précédents : transformations de la représentation, restructuration des organisations partisanes, métamorphoses du clientélisme et du leadership, ou évolution des comportements électoraux permettent de repérer non seulement des héritages et décrochages entre l'ancien et le nouveau régime mais aussi entre la « politique de la rue » et celle « de l'urne », entre le « peuple en révolution » et le « corps électoral ».
- La territorialité du vote pour l'Assemblée Nationale Constituante Tunisienne de 2011 - Alia Gana, Gilles Van Hamme, Maher Ben Rebah p. 51-69 Les résultats du scrutin du 23 octobre 2011, qui consacrent le parti Ennahdha comme la première formation politique en Tunisie, interrogent fortement sur l'importance des inégalités sociales et territoriales comme clé de compréhension des comportements électoraux. Une analyse de géographie et de sociologie électorale s'appuyant sur le croisement de la cartographie des résultats et des données socio-économiques des circonscriptions, complétée par une enquête auprès des électeurs, fait ressortir une très forte « territorialité » du vote. Celle-ci n'est cependant pas réductible aux caractéristiques socioéconomiques des circonscriptions. Elle intègre également les dimensions sociohistoriques et culturelles des territoires et renvoie à l'insertion des individus et des groupes dans une multiplicité de réseaux (familiaux, tribaux, partisans, associatifs ou de nature clientéliste).
- Comment les législatives se négocient : quelques réflexions sur les élections égyptiennes - Tewfic Albert Aclimandos p. 71-90 Le système clientéliste sur lequel s'appuyait le régime Moubarak était en crise. Le truquage des élections législatives de 2010 et le non accès de l'opposition au Parlement ont été deux causes majeures de la chute de ce régime. Pour contrer les processus révolutionnaires, le Conseil Supérieur des forces armées a organisé une transition démocratique, libéralisant les conditions de créations des partis, mettant à jour les listes électorales et organisant des élections sans intervention étatique pour peser sur les résultats - une condition nécessaire mais insuffisante pour parler d'élections libres, puisque tous les concurrents ou presque ont violé la loi et commis des irrégularités. Parmi ces concurrents, certains ont choisi de se coaliser, d'autres ont fait cavalier seul. Les islamistes, comme prévisible, ont remporté une écrasante majorité ? mais le rapport de forces entre salafistes et Frères est beaucoup plus équilibré que prévu, ces derniers n'ayant pas obtenu la majorité absolue, et le score des formations non islamistes n'est pas déshonorant.
- Le printemps des partis ? Le rôle des organisations partisanes égyptiennes dans les élections législatives - Clément Steuer p. 91-105 À la faveur de la nouvelle législation encadrant les organisations partisanes et les opérations électorales, les partis politiques égyptiens ont dominé les premières élections législatives post-révolutionnaires, au détriment notamment des élites locales traditionnelles et des hommes d'affaires. Le système partisan égyptien ne s'est néanmoins pour l'instant que partiellement autonomisé. Durant la campagne, les partis se sont révélés extrêmement dépendants de toute une variété d'organisations leur préexistant : clientèles, tribus, entreprises, syndicats, mouvements révolutionnaires, Églises, et surtout confrérie des Frères musulmans et organisation de la Prédication salafiste. Ce manque d'institutionnalisation ne doit cependant pas masquer le fait que les partis ont joué un rôle central dans ces élections, à tel point que cette situation a motivé l'arrêt de la Haute Cour Constitutionnelle qui a entraîné la dissolution de l'Assemblée du peuple en juin 2012.
- Révolution, élections et évolution du champ politique tunisien - Mohamed Chérif Ferjani p. 107-116 L'évolution du paysage politique tunisien est loin d'être stabilisée. Au lendemain du 14 janvier 2011, on a assisté à une explosion du champ politique : en quelques semaines, le nombre des partis a dépassé la centaine. Cependant les élections du mois d'octobre 2011 ont commencé à produire une restructuration du champ politique. Cet article analyse ce phénomène, en cherchant surtout à décrypter ses soubassements. La grande interrogation pour l'avenir est de savoir si Ennahda réussira à reconstituer le système État-Parti qui a dominé en Tunisie depuis l'indépendance et dans lequel les autres partis n'auront le choix qu'entre le rôle d74'une opposition servile ou celui d'une opposition stérile.
- Les juges et les élections dans l'Égypte post Moubarak : acteurs ou victimes du politique ? - Nathalie Bernard-Maugiron p. 117-132 Les décisions des juridictions égyptiennes relatives aux processus électoraux de l'Égypte post-Moubarak ont été perçues par les partisans des Frères musulmans comme hostiles au nouveau pouvoir en place et ont entraîné des accusations de collusion des magistrats avec l'armée et les anciens du régime de Moubarak. Cet article s'attache à rappeler, d'une part, que cette instrumentalisation du politique n'est pas nouvelle et qu'elle s'était exercée contre le régime de Moubarak, et à montrer, d'autre part, que les décisions controversées de la cour constitutionnelle s'inscrivent dans la droite ligne de sa jurisprudence. Il s'interroge sur le statut d'acteur ou de victime des magistrats dans ce processus de politisation du judiciaire.
- La Haute Instance et les élections en Tunisie : du consensus au « pacte politique » ? - Michael Lieckefett p. 133-144 L'article s'intéresse au rôle joué en Tunisie par la « Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique », chargée entre mars et octobre 2011 d'organiser le « passage de la révolution aux élections » de l'Assemblée Nationale Constituante. Rassemblant 155 représentants de divers partis, syndicats, organisations, professions ou régions du pays, elle intervient directement dans la préparation du moment électoral à travers la préparation de la loi électorale et élit et organise l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). À ce titre, elle offre un poste d'observation remarquable des tensions au sein des mouvements sociaux qui nourrirent les premières phases de la révolution et la politique des urnes qui suivit.
- Morsi au pouvoir : scénario d'une transition à l'égyptienne - Lamiss Azab p. 145-160 Le 24 juin 2012, les Égyptiens ont choisi le candidat des Frères Musulmans à la présidentielle, Mohamed Morsi, pour inaugurer cette deuxième République égyptienne. Dans un contexte fortement marqué par l'instabilité institutionnelle et la fragilité constitutionnelle, par le chaos sécuritaire et l'omniprésence du militaire, il reste difficile d'évaluer le processus de transition démocratique. En revenant sur le champ politique égyptien au lendemain des législatives et en reprenant les « surprises » des présidentielles, certains choix électoraux sont mis en lumière pour nuancer les propos selon lesquels l'Égypte serait sortie de la dictature militaire pour entrer, de son propre gré, dans la dictature islamique. Une analyse fondée sur le terrain et limitée aux facteurs internes permet de proposer un éclairage sur les mécanismes socioculturels propres au champ égyptien. Il en ressort que les électeurs ont plutôt voté contre un retour de l'ancien régime que pour un programme politique à référent islamique.
- Les nouvelles forces « civiles » égyptiennes face au défi électoral - Samer Soliman p. 161-169 Cette contribution s'intéresse à la performance électorale des forces « civiles » lors des élections parlementaires égyptiennes 2011-12. Malgré le brillant succès des islamistes, certaines candidats « civils » ont réussi à gagner des circonscriptions et, dans certains cas, avec une majorité écrasante (le cas de Amr Hamzawi à Héliopolis). À travers l'analyse des stratégies électorales de la coalition civile « le Bloc Égyptien » et de certains candidats indépendants, cet article veut montrer les éléments qui ont permis aux forces civiles d'obtenir quelques sièges au sein du premier parlement élu à la suite de la Révolution du 25 janvier 2011.
- L'Instance Supérieure Indépendante pour les élections et le processus électoral tunisien : un témoignage de l'intérieur - Larbi Chouikha p. 171-185 Fait unique dans l'histoire de la Tunisie ! Une Instance indépendante pour les Élections (ISIE) avait supplanté le ministère de l'Intérieur pour l'organisation et le déroulement des élections pour la Constituante d'octobre 2011. Pour le suivi des médias pendant la campagne électorale, sa mission fut déterminante : il fallait combler le vide juridique et institutionnel créé à la suite de l'abrogation de la loi sur la presse et de la suppression du ministère de la Communication et ses départements du temps de l'ex-président Ben Ali. Pour ce faire, l'ISIE avait participé à l'aménagement d'un cadre juridique et institutionnel pour ces élections, initié des rencontres régulières avec les responsables de tous les médias, préparé la logistique pour l'enregistrement des expressions légales des candidats et leur diffusion à la télévision et à la radio pendant la campagne. Et pour mener à bien sa mission de supervision des médias, l'ISIE s'était dotée d'une unité de monitoring des médias dont la tâche était de suivre la couverture médiatique des acteurs politiques. La grande question posée à l'ISIE est commune à toutes les institutions équivalentes de par de monde : comment concilier la liberté d'expression et d'information avec l'exigence d'impartialité et d'équité des médias en période électorale et comment traduire effectivement ce souci dans leur travail de couverture quotidien ? Après le travail accompli par l'ISIE et en dépit des insuffisances constatées, ce témoignage montre que la Tunisie dispose, aujourd'hui, d'une expérience et d'un savoir-faire ? perfectibles certes - pour l'organisation et la supervision de la couverture médiatique d'élections libres, plurielles et transparentes.
- Trajectoires transitionnelles et élections en Tunisie et en Égypte - Sarah Ben Néfissa p. 9-27
Variations
- Le parti Ennahdha à l'épreuve du pouvoir en Tunisie - Kmar Bendana p. 189-204 Cet article résume l'histoire du parti Ennahdha, neuf mois de son arrivée au pouvoir en Tunisie à la faveur des élections d'octobre 2011. Après une vingtaine d'années de coupure forcée des sphères de la politique active, le parti se trouve au défi de piloter une transition politique qui l'oblige à composer avec plusieurs forces. Si la religiosité de la société tunisienne et son statut de victime de la dictature ont favorisé son score de 38 %, liberté de parole, floraison des partis et vitalité de la société civile sont une épreuve inédite pour lui. Trois champs (le syndicat, l'université et les médias) sont aux premières loges (avec la magistrature) pour résister aux mesures hégémoniques d'une formation qui table sur la légitimité carcérale et le résultat des urnes pour asseoir son retour aux affaires. À côté de ces résistances, Ennahda doit aussi faire face aux difficultés économiques et sociales du pays qui sont d'autant moins maîtrisées par ce parti qu'il a été absent des luttes sociales et que le libéralisme économique - à l'origine de la crise persistante - est le seul horizon d'une équipe gouvernementale inexpérimentée.
- Le Hamas et les printemps arabes - Leïla Seurat p. 205-218 À partir du déclenchement des évènements révolutionnaires en Tunisie qui ont conduit au départ du président Ben Ali, le mouvement de la résistance islamique en Palestine, le Hamas, a infléchi sa stratégie en investissant sur le « printemps arabe ». L'objectif est d'apparaître, surtout aux yeux de son propre public, comme facteur mais aussi comme principal bénéficiaire de ces transformations régionales. Proposant une lecture idéologique qui met l'accent sur des éléments consensuels au sein du mouvement, cette entreprise peut tout autant servir à faire oublier des points qui ont longuement été discutés ou qui restent l'objet de discordes entre les différents leaders. Cet article cherche également à mesurer les effets réels des révoltes arabes sur le Hamas en confrontant les pratiques aux expériences historiques tout en réinscrivant celles-ci dans leurs interactions avec les stratégies des autres acteurs régionaux.
- Notes de lecture - p. 219-226
- Le parti Ennahdha à l'épreuve du pouvoir en Tunisie - Kmar Bendana p. 189-204