Contenu du sommaire : Émile Durkheim : Les Formes élémentaires de la vie religieuse, un siècle après

Revue L'Année sociologique Mir@bel
Numéro vol. 62, no 2, 2012
Titre du numéro Émile Durkheim : Les Formes élémentaires de la vie religieuse, un siècle après
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Émile Durkheim : Les Formes élémentaires de la vie religieuse, un siècle après

    • Présentation - Massimo Borlandi p. 281-288 accès libre
    • Les deux tournants, ou la religion dans l'oeuvre de Durkheim avant Les formes élémentaires - Giovanni Paoletti p. 289-311 accès libre avec résumé
      Durkheim développa son intérêt pour l'étude de la religion très tôt, sans plus le délaisser par la suite. Son programme de recherche, formulé dès ses premiers textes (1886-1887), consiste en quelques questions fondamentales, qui reviennent dans toute son oeuvre : la définition de la religion, ses fonctions sociales, son rapport à la morale, son avenir dans les sociétés modernes. Si les questions restent les mêmes, les réponses de Durkheim se modifient au fil des ans. À deux occasions, autour de 1897 et de 1907, on est en présence d'un véritable tournant dans sa conception des phénomènes religieux. Réexaminer ce parcours complexe et laborieux peut aider à jeter une lumière nouvelle sur les enjeux des Formes élémentaires de la vie religieuse et sur les problèmes que Durkheim s'efforça de résoudre dans son dernier chef-d'oeuvre.
    • Durkheim et Frazer : un débat sur le totémisme - Myron Achimastos p. 313-327 accès libre avec résumé
      Dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse, au comble d'une polémique qui dure depuis 1897-1898, Durkheim discute longuement avec Frazer de la nature du totémisme. Deux questions majeures sont abordées : il s'agit tout d'abord de savoir si le totémisme relève de la religion ou de la magie (ce qui demande qu'on définisse au préalable ces deux phénomènes) ; il faut ensuite établir s'il implique ou non des règles de parenté (l'exogamie). Le désaccord entre Durkheim et Frazer sur ces deux thèmes montre combien leurs méthodes sont différentes.
    • Durkheim's re-imagination of Australia: a case study of the relation between theory and « facts » - William Watts Miller p. 329-349 accès libre avec résumé
      On explore ici Les Formes élémentaires de la vie religieuse du point de vue de la relation entre théorie et faits. Dans les premiers volumes de L'Année sociologique, Durkheim avait construit un modèle dans lequel l'Australie fournissait l'exemple de la manière dont, à l'origine, société et religion fusionnaient dans le monde du clan totémique. Il avait la certitude d'avoir discrédité les théories concurrentes. Mais, voilà que sa propre théorie semblait disqualifiée par le choc de nouvelles informations sur l'Australie, avec la description ethnographique par Spencer et Gillen d'une société dont la vie ordinaire ne reposait nullement sur le totémisme, le clan ou la religion. Les Formes sont issues de l'effort pour répondre à Spencer et Gillen et recoller ensemble société et religion. Ce faisant, Durkheim donne souvent une représentation erronée de leur description, sans toutefois la travestir totalement. On peut voir là une reconstruction pleine d'imagination, qui l'a poussé à développer une théorie nouvelle et féconde qui lui est propre : une transfiguration tant de l'Australie de Spencer et Gillen que de l'Australie durkheimienne antérieure.
    • Animisme et totemisme : Durkheim vs Wundt - Cécile Rol p. 351-366 accès libre avec résumé
      Dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse et en deux autres occasions Durkheim critique le point de vue de Wundt sur les origines du totémisme et sur les rapports entre religion et société, en Australie et en général. Wundt répond à Durkheim en 1914 et en 1917. Deux différentes manières d'expliquer les phénomènes sociaux sont à la base de leur controverse.
    • La méthode de Durkheim à l'épreuve des Formes élémentaires - Massimo Borlandi p. 367-385 accès libre avec résumé
      Émile Durkheim explique la religion selon trois de ses Règles de la méthode sociologique. Elles assurent, respectivement, que les phénomènes sociaux découlent du resserrement moral des groupes, sont, à tout moment de leur carrière, l'aboutissement d'un processus d'individualisation et persistent aussi en raison de leur utilité. Une quatrième règle, demandant que la cause des phénomènes sociaux soit établie par des comparaisons historiques étendues, est en revanche modifiée par Durkheim dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse. Il y tient néanmoins pour acquis qu'on ne rend vraiment compte d'un phénomène social que si on remonte à ses origines.
    • Forms of thought and forms of society: Durkheim and the question of the categories - Susan Stedman Jones p. 387-407 accès libre avec résumé
      Cet article examine la théorie des catégories de l'entendement que Durkheim expose dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse en soulignant l'importance qu'il accorde au jugement dans toute expérience humaine, aux notions de forme et de relation ainsi qu'aux représentations conçues comme des forces qui assurent la communication entre les individus - un aspect essentiel de cette même théorie négligé par ses interprétations récentes. Il faut se reporter aux travaux de Durkheim antérieurs à 1912 pour comprendre le lien qu'il établit entre religion et connaissance, c'est-à-dire pourquoi il recourt aux croyances et aux pratiques des sociétés totémiques en vue de donner une réponse sociologique à une des questions les plus controversées de l'histoire de la pensée philosophique, alors que pour bien évaluer les thèses de Durkheim il est nécessaire de tenir compte des influences intellectuelles qu'il a subies.
    • Religion et parenté dans Les formes élémentaires - Enric Porqueres i Gené p. 409-427 accès libre avec résumé
      L'article met en lumière la place structurante de la parenté et ses représentations dans la construction des Formes élémentaires de la vie religieuse. Dans ses travaux antérieurs sur le totémisme, Durkheim avait souligné le caractère religieux de la parenté. Dans Les Formes élémentaires, au contraire, suite aux critiques adressées à ses thèses sur la coprésence du totémisme et de l'exogamie, il sépare sociologie de la religion et sociologie de la famille. Pourtant, dans Les Formes, il dresse un système de correspondances entre personne, consubstantialité clanique et ordre cosmique qui viennent annoncer les points de vue contemporains sur la définition de la parenté. Durkheim apparaît ainsi comme un précurseur inattendu de l'anthropologie de la parenté d'aujourd'hui.
    • Durkheim, Lévy-Bruhl et la « pensée primitive » : quel différend ? - Dominique Merllié p. 429-446 accès libre avec résumé
      On se propose d'analyser les passages des Formes élémentaires de la vie religieuse présentant une critique des Fonctions mentales dans les sociétés inférieures pour évaluer la signification et la portée de l'opposition de Durkheim à l'oeuvre de Lévy-Bruhl. Sous le différend apparent, couramment surinterprété, lié au rapport à l'évolutionnisme, s'en profile un autre, généralement inaperçu, sur le caractère primitif de l'institution religieuse.
    • Le débat philosophique autour des Formes élémentaires (1912-1914) - Stéphan Soulié p. 447-463 accès libre avec résumé
      Si la publication des Formes élémentaires de la vie religieuse est saluée comme un événement scientifique majeur, les thèses de Durkheim suscitent des réserves au sein de la communauté philosophique. Tout d'abord, l'affirmation selon laquelle la sociologie échapperait au conflit entre science et religion ne convainc guère. D'autre part, la discussion, parfois polémique, réactive un argumentaire déjà ancien contre le « sociologisme » et met en évidence l'articulation problématique, au coeur du programme durkheimien, de la démarche scientifique et de l'ambition philosophique. Davantage que la théorie de la religion élaborée par Durkheim, son prolongement en direction d'une théorie sociologique de la connaissance heurte de front la « tradition philosophique ». Enfin, la réception des Formes élémentaires révèle l'ambiguïté du déploiement, à l'intérieur d'un cadre de pensée rationaliste et laïque, d'une « apologétique » sociologique mettant l'accent sur la « vertu dynamogénique » de la religion, sur sa fonction morale. De façon générale, la discussion témoigne d'une résistance à la prétention affichée par Durkheim de renouveler la spéculation philosophique à partir de la sociologie.
    • Les durkheimiens face aux Formes élémentaires (1912-1939) - Jean-Christophe Marcel p. 465-481 accès libre avec résumé
      La réception des Formes élémentaires de la vie religieuse chez certains des principaux collaborateurs de Durkheim se caractérise, surtout après 1918, par une focale sur quelques thèmes : totémisme et religion, débat Durkheim-Lévy-Bruhl, origine religieuse de la pensée conceptuelle, effervescence collective et double nature de l'homme. Ces caractéristiques suggèrent que sont alors en jeu les conditions de possibilité d'une théorie sociologique de la connaissance susceptible d'expliquer l'intégralité des états mentaux propres à la vie en groupe.
    • Les Formes élémentaires dans la pensée anthropologique du XXe siècle - Pascal Sanchez p. 483-500 accès libre avec résumé
      L'apport de Durkheim à l'anthropologie contemporaine apparaît ambivalent. D'un côté Les Formes élémentaires de la vie religieuse illustrent au plus haut point les débats d'une époque marquée par l'évolutionnisme et ont été l'objet d'analyses critiques dès leur publication. D'un autre côté, le livre de Durkheim a conservé une rare vitalité et exercé une influence durable sur l'anthropologie du xxe siècle. En effet, la contribution de Durkheim à l'édification d'une anthropologie scientifique est considérable : il a réussi à formuler un nouveau langage (le fonctionnalisme), il a inventé un nouvel objet (les croyances collectives), et il a indiqué comment renverser deux obstacles épistémologiques majeurs ? l'irrationalité supposée du primitif et la thèse de la mentalité primitive.
    • Les Formes élémentaires et la sociologie contemporaine - Jacques Coenen-Huther p. 501-521 accès libre avec résumé
      La théorie de la religion présentée dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse est l'un des aspects les plus discutés de l'oeuvre de Durkheim. Des critiques ont été formulées à plusieurs points de vue. Le livre a cependant continué à susciter les commentaires des exégètes. On aurait pu néanmoins s'attendre à ce que son rayonnement faiblisse. C'est pourtant l'inverse qui s'est produit. L'ouvrage a suscité un regain d'intérêt dans les dernières décennies du XXe siècle. Au cours des années 1930, Parsons avait déjà souligné l'importance du symbolisme dans Les Formes élémentaires. Cette dimension symbolique fut une source d'inspiration pour les travaux de Bellah, d'Alexander et de Habermas. Quant à Boudon, c'est l'élément rationaliste de la théorie durkheimienne qui attira son attention. L'argumentation présentée dans le livre est à ses yeux une contribution majeure à la sociologie de la connaissance.
  • Notes de lecture thématiques