Contenu du sommaire : Qatar : jusqu'où ?
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 84, hiver 2012-2013 |
Titre du numéro | Qatar : jusqu'où ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Avant-propos - Agnès Levallois p. 9-15
- Le Qatar : une volonté au prisme de l'histoire - Jérôme Lavandier p. 17-28 L'activisme dont fait actuellement preuve le Qatar sur la scène internationale peut de prime abord paraître surprenant. L'étude du processus historique de la reconnaissance du peuple qatarien et de la création de l'État du Qatar permet de mieux comprendre les ressorts de l'identité qatarienne. Pris entre les Ottomans, les Britanniques, les Saoudiens et les autres émirats arabes, il aura fallu environ un siècle à la tribu des Al-Thani pour asseoir son pouvoir sur la péninsule et affirmer la différence du Qatar dans le paysage politique du Golfe persique. Cette longue entreprise familiale pour obtenir l'indépendance du pays permet d'expliquer, pour partie, l'originalité des positions et initiatives qatariennes telles qu'elles s'expriment aujourd'hui.
- Entre wahhabisme et marche forcée vers la modernité : Itinéraire d'un Qatar cultivant les paradoxes - Karim Sader p. 29-43 Encore peu connu du grand public jusqu'à récemment, l'émirat du Qatar aura su s'imposer comme un partenaire incontournable au Moyen-Orient, tant sur le plan diplomatique, grâce à son rôle de médiateur dans les grandes crises qui secouent la région, que sur le plan économique, en vertu de ses immenses richesses énergétiques. De la création de la chaîne satellitaire Al-Jazeera qui a révolutionné le paysage médiatique arabe, à l'organisation de la coupe du monde football en 2022, le petit émirat de 11.437 km2, territoire désertique à peine plus vaste que la Corse, aura connu une fulgurante ascension sur la scène internationale et ce, en à peine deux décennies.
- La stratégie économique du Qatar : Politique énergétique et diversification économique - Perla Srour-Gandon p. 45-57 En trente ans, le Qatar s'est construit une notoriété à l'échelle internationale. Mais c'est surtout ces dernières années que le petit émirat revient régulièrement sur le devant de la scène, soit pour ses investissements dans de nombreux secteurs de l'économie internationale, soit pour sa présence dans divers volets diplomatiques. Le pays, l'un des plus importants détenteurs de gaz au monde, a toujours fait preuve d'avant-gardisme. Il a su miser sur ses atouts gaziers alors que ses voisins tablaient sur le pétrole, il a développé une forte stratégie gazière en l'axant sur le gaz naturel liquéfié afin de l'exporter, il recycle les revenus de ce capital gazier en diversifiant son économie dans différents domaines : l'éducation, la culture, le sport, l'immobilier ou encore l'industrie. Clairvoyant, le Qatar compte sur cette diversification afin d'assurer une prospérité pérenne à sa population, en misant sur son capital humain via une « économie basée sur la connaissance », qui va bien au delà de la rente gazière.
- L'émirat « hyperactif » : une analyse de la politique d'internationalisation du Qatar - Mehdi Lazar p. 59-76 Le Qatar est en train de devenir l'un des pays les plus influents du monde arabe. Très visible grâce à sa chaîne de télévision, à ses larges investissements financiers dans le sport, l'industrie ou la finance, l'émirat l'est aussi depuis deux ans par son basculement dans une diplomatie d'engagement. C'est également la diversité de son activité internationale qui frappe : l'émirat à la perle sera, par exemple, l'hôte de la Coupe du monde de football 2022, il a construit des musées de classe mondiale et accueille depuis 2010 une antenne d'HEC Paris. Ainsi, cette « hyperactivité » autant que ses ambitions politiques et diplomatiques interrogent. Car si diplomatiquement l'émirat s'est construit une réputation de solide médiateur, il semble avoir dorénavant d'autres ambitions comme le confirme son implication dans les dossiers libyen et syrien.
- L'implication du Qatar dans les révolutions arabes : stratégie d'influence ou OPA ? - Hala Kodmani p. 77-85 Comme dans les autres domaines où il investit, le Qatar a trouvé dans les révolutions arabes une formidable occasion de déborder ses étroites frontières pour se projeter sur la scène internationale. Si le maximum de visibilité était l'objectif principal de l'implication de l'Emirat, on peut estimer qu'il est largement réalisé. Mais son soutien privilégié aux mouvements islamistes aiguise les critiques tandis que l'effectivité de son influence reste discutable dans des dynamiques très mouvantes.
- Qatar : chance ou menace pour les intérêts français ? - Jean-François Coustillière p. 87-100 Reconnu depuis 1971 en tant qu'Etat indépendant, le Qatar a développé un dense réseau de relations internationales. L'adoption de cette dynamique de projection internationale répond à divers mobiles, notamment économiques et stratégiques. La France figure parmi les cibles de cet activisme international qatari. Cette relation entre la France et le Qatar constitue un révélateur de la politique étrangère du Qatar, mais elle en dévoile aussi des zones d'ombres qui soulèvent la question de la compatibilité avec la défense de nos intérêts nationaux.
- Le Qatar et l'islam de France : vers une nouvelle idylle ? - Haoues Seniguer p. 101-115 Il n'existe pas beaucoup de sources scientifiques sur le Qatar, son régime et les dessous de sa politique étrangère en général, et moins encore sur le montant de ses financements de l'islam ou des projets qui tournent autour de la religion musulmane, que ce soit dans le monde arabe ou en Occident. La relation des mécènes qataris à l'islam de France ou européen, œuvrant dans les cercles plus ou moins proches des centres du pouvoir officiel, est tout sauf évidente. En tous les cas, elle mériterait un traitement sur le plus long terme. C'est pourquoi, en la matière, il s'est agi pour nous, au cours de cet article, de formuler une série d'hypothèses explicatives à partir de faits objectifs incontestables : la France est le pays européen qui compte le plus grand nombre de musulmans (entre cinq et six millions de personnes, pratiquantes ou non), dont certains sont victimes d'exclusion socio-économique ; l'absence de magistère centralisateur, ajoutée à l'émergence de nouvelles générations françaises musulmanes de plus en plus détachées des pays dont leurs parents sont originaires, décuplent les capacités d'ancrage et d'attrait d'une idéologie islamiste (dont le Qatar est l'un des hérauts), par essence « déterritorialisée », qui essaye d'articuler réaffirmation identitaire, y compris orthodoxe et orthopraxe, et citoyenneté. En misant sur des personnalités européennes musulmanes de premier plan, en particulier en raison de leur forte audience et médiatisation, tel le prédicateur suisse Tariq Ramadan, la seconde épouse de l'émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani, Mozah bint Nasser, tente de promouvoir la valorisation de l'image de son pays auprès des musulmans d'Europe, Français en particulier, entre autres pour faire pièce à ses concurrents salafistes, eux, financés et soutenus par l'Arabie saoudite. Le Qatar, du moins la ligne défendue par l'émir et sa deuxième femme, cherche à faire d'une pierre deux coups : d'une part, réduire, à l'interne et à l'externe, la part d'influence du wahhabisme, et d'autre part, bénéficier d'une bonne image de marque auprès des Européens de confession musulmane. Car, en effet, personne ne pourrait croire, réalistement, que le Qatar s'intéresse à tout, investisse partout, sauf dans l'islam !
- Sports et relations internationales : l'offensive du Qatar - Sébastien Abis p. 117-130 Par ses dimensions internationales, financières, culturelles et médiatiques, l'industrie du football apparaît comme le secteur sportif prioritaire pour le Qatar. Cet article révèle les traits majeurs de cette dynamique et décrypte ses soubassements. Quelques hypothèses de scénarios sont proposées afin d'apporter une analyse prospective sur les futurs possibles de cette politique sportive développée par Doha.
- Qatar, une stratégie agricole au service de la puissance ? - Matthieu Brun p. 131-140 La hausse des prix des matières premières agricoles ne cesse de renforcer le poids stratégique de la sécurité alimentaire dans l'agenda politique de bon nombre d'Etats dépendants des marchés internationaux. Le Qatar, même s'il fait partie du trio de tête des pays les plus riches du monde1, importait en 2010 pour plus d'un milliard de dollars de produits alimentaires. Handicapé par le manque d'eau et de terres, cet Etat est pourtant bien décidé à réduire sa facture alimentaire. Un ambitieux défi étroitement lié à l'engagement de l'émirat pour les zones arides, preuve s'il en est que l'agriculture demeure encore au cœur des stratégies de puissance.
Variations
- Jérusalem : complexité du statut, quelles solutions possibles ? - Olivier Danino p. 143-158 Jérusalem est une ville sans statut juridique officiel. L'ONU, qui prônait son internationalisation, n'a effectivement jamais adopté de texte à ce sujet. Malgré tout, les Nations unies refusent entre 1949 et 1967 de reconnaître les souverainetés israélienne et jordanienne sur Jérusalem tout comme celle d'Israël après la guerre des Six Jours en 1967 lorsque l'ensemble de la ville passe sous son administration unique. Le roi de Jordanie ne renonce à Jérusalem qu'en 1988 au profit de l'Organisation de libération de la Palestine. A partir de ce moment là, les discussions sur le futur statut de cette ville se déroulent entre Israéliens et Palestiniens sur la base d'un partage de Jérusalem.
- La question kurde en Turquie : retour aux années 1990 ? - Yilmaz Özcan p. 159-171 Cet article analyse le nouveau contexte de violence au Kurdistan de Turquie. Il soutient que les éléments de la compréhension de ce contexte sont à chercher dans l'évolution de la question kurde en Turquie depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP et insiste sur les va-et-vient d'AKP entre une « gestion sécuritaire » et la promesse d'une « nouvelle gestion » de la question kurde. Il montre que l'objectif de l'AKP d'une solution politique de la question kurde a renforcé la légitimité des demandes du PKK et l'a transformé en un interlocuteur incontournable. Il souligne que la décision de l'AKP de ne pas faire des réformes susceptibles d'aller dans le sens de la reconnaissance de ce statut l'amène à conditionner les réformes nécessaires pour une solution politique du conflit au désarmement ou à l'anéantissement du PKK qui, convaincu que l'« ouverture kurde » est la preuve de l'efficacité de sa lutte armée, intensifie ses attaques afin de pousser le gouvernement à reconnaître son statut d'interlocuteur.
- Notes de lecture - p. 173-191
- Jérusalem : complexité du statut, quelles solutions possibles ? - Olivier Danino p. 143-158