Contenu du sommaire : Retour sur Gabriel Monod
Revue | Revue historique |
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Numéro | no 664, octobre 2012 |
Titre du numéro | Retour sur Gabriel Monod |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Retour sur Gabriel Monod - Claude Gauvard, Jean-François Sirinelli p. 787
- Les « Écoles historiques » à l'épreuve de Gabriel Monod. Un historien célébré et méconnu - Olivier Lévy-Dumoulin p. 789-801 À l'occasion du centenaire de la mort de Gabriel Monod, cet article s'attache à éclairer le paradoxe apparent de sa fortune. Pour tous les récits autorisés de la construction de la profession d'historien en France, Monod est une figure centrale, l'un des deux pères tutélaires de « l'école méthodique » avec Ernest Lavisse. Pourtant, derrière ce rôle majeur transparaît une relative désaffection : tous les indicateurs révèlent qu'au regard de l'intérêt fort pour Lavisse ou Seignobos Gabriel Monod n'est évoqué qu'avec parcimonie, cité plutôt que lu. Marc Bloch déjà, dans l'Apologie, ne lui laisse pas de place quand Mabillon, Fustel et Seignobos sont cités.Pour éclairer cette situation paradoxale l'histoire de la relation privilégiée de Monod avec l'œuvre de Michelet est essentielle. Tout d'abord son attrait pour elle marginalise sa production, quand l'intérêt pour Michelet s'estompe au début du XXe siècle. Sa passion pour l'homme et l'œuvre apparaît en contradiction avec ses principes ou bien fait de lui un marginal au regard des « méthodiques ». Cependant, l'article conclut dans un sens différent et avance l'idée que le sort intellectuel de Monod met en lumière les limites de pertinence, voire l'inadéquation de la notion « d'école historique » pour rendre compte de l'histoire de l'historiographie.The centennial of Gabriel Monod's death gives the opportunity, in the journal he created in 1876, to lighten his paradoxical fortune. Every classical narrative of the construction of the historical profession in France describes him as one of the two fathers of history, along with Ernest Lavisse. But this statement is disavowed by the relative indifference which surrounds its work and life compared with historians such as Ernest Lavisse, Charles Seignobos and so on. Marc Bloch does not even mention Monod in the “Apologie pour l'histoire”, when Fustel de Coulanges, Mabillon and Seignobos are quoted quite often. Monod's passion for the works and person of Michelet might explain such a paradoxical status, in a time when Michelet's conceptions ceased to be considered valuable. Another clue would be the absolute singularity of Monod. But such an explanation does not fit well with the central position he was still occupying at that time. So the paper tends to consider that, if Monod's case does not fill in the form of historical school, it is probably because the notion is most of the time inappropriate to write a comprehensive history of historiography.
- Les fantômes de Gabriel Monod. Papiers et paroles de Jules Michelet, érudit et prophète - Yann Potin p. 803-836 Cet article se propose de revisiter la relation, vivante et posthume, entre deux figures d'historiens, opposées en apparence par la tradition et les méthodes : Gabriel Monod et Jules Michelet. Et cependant, le fondateur de la Revue historique fut aussi l'héritier secondaire des papiers de l'historien-écrivain. En suivant le fil rouge de l'unique lettre connue, adressée par Monod à Michelet en 1868, nous avons souhaité revenir sur les « fantômes » de la jeunesse de Monod, tout en suivant leurs échos, à travers les traces directes ou posthumes du rapport intime et professionnel des deux historiens. Il s'agit de retrouver la cohérence d'un projet intellectuel « total », poursuivi par un historien qui demeure, malgré tout, sinon malgré lui, « généraliste ». Ainsi s'éclaire la complémentarité du double acte qui achève la carrière et la vie de Monod : un cours – temporaire – au Collège de France et la transmission – définitive – des papiers de Michelet dans une institution publique en 1912.This article offers a reinterpretation of the relationship, both actual and posthumous, between Gabriel Monod and Jules Michelet, two historians traditionally associated to conflicting traditions and methods. Monod, the founder of La Revue historique, was also the secondary heir of Michelet's papers. I use the only known surviving letter, written by Monod to Michelet in 1868, as a connecting thread between the “ghosts” of Monod's youth, and the various links between the two historians, as they surface in their personal and professional papers. The article aims to retrieve the coherence of the “total” intellectual project sought by an historian who was, nolens volens, a “general historian”. This sheds light on the double act that ends his career and his life: a (temporary) course at the Collège de France, and the (definitive) bequest of Michelet's papers to a public institution in 1912.
- Gabriel Monod et « l'État Monod ». Une campagne nationaliste de Charles Maurras (1897-1931) - Laurent Joly p. 837-862 À l'été 1897, dans le quotidien royaliste La Gazette de France, puis en 1899-1900, dans les premiers fascicules de L'Action française bimensuelle, Charles Maurras publie une série d'articles polémiques visant l'historien Gabriel Monod et sa famille, d'origine étrangère et protestante. Véritable préface à la doctrine des « quatre États confédérés », la campagne contre « l'État-Monod » fait sensation dans les milieux nationalistes et est l'un des actes fondateurs de l'Action française. L'objet de cet article est d'interroger les ressorts cachés de cette campagne. Au final, les diatribes contre Monod en disent plus sur leur auteur que sur leur objet. C'est ce que révèle un examen attentif du contexte et des mobiles de Maurras, éclairés par la riche correspondance personnelle de l'écrivain royaliste et une série de sources inédites.Charles Maurras published in summer of 1897 in the royalist daily paper La Gazette de France and in 1899-1900 in the first parts of the bimonthly review L'Action française, a series of polemical articles aiming at historian Gabriel Monod and his family of foreign and Protestant origins. His campaign against the “Monod-State” was a prelude to the doctrine of “Anti-France” (the “quatre États confédérés”). It created a sensation in the nationalist circles and was one of the founding acts of Action Française. This article aims at questioning the hidden logics of this campaign. Why did Maurras choose to be so bitter against the director of the Revue historique and his family? How important is this debate in his way of thinking and what does it reveal of his personality? In the end, the diatribes against the “Monod-State” tell more on their author than on the debate itself. This are the conclusions of a close examination of the context and of Charles Maurras's motives, enlightened by the rich personal correspondence of this royalist writer and of a series of unpublished sources.
- Horace et la question idéologique à Rome : considérations sur un itinéraire politique - Philippe Le Doze p. 863-886 Horace combattit dans les rangs des républicains avant de devenir, en apparence au moins, l'un des plus fervents partisans d'Auguste et du régime impérial. Cette volte-face idéologique ne manque pas de surprendre. Sans doute parce que nous accordons aux idéologies une place qui n'était pas la leur dans le monde romain. En réalité, jamais Horace n'eut le sentiment de se renier. Il a seulement changé de protecteurs après la défaite de ses amis républicains, fait un pari sur l'avenir en s'attachant à un nouveau réseau, celui des vainqueurs. Et loin d'avoir été manipulé par le nouveau régime, loin d'être devenu son porte-parole, il a, par ses vers, tenté de l'influencer, adoptant par là même la posture de l'intellectuel.Horatius fought in the ranks of the Republicans before becoming, at least in appearance, one of the most fervent supporters of Augustus and of the Imperial regime. This ideological volte-face is very surprising, perhaps because we tend to assign ideologies a significance they did not actually have in the Roman world. In reality, Horatius did not believe he had recanted. He simply changed patrons after the defeat of his Republican friends; he wagered a bet on the future by incorporating himself into a new network, that of the victors. Far from having been manipulated by the new regime, and far from having become its spokesman, he tried to influence it through his verses, and in this way assumed the stature of an intellectual.
- Récrire l'histoire de la Guerre de Cent Ans. Une relecture historique et historiographique du traité de Troyes (21 mai 1420) - Jean-Marie Moeglin p. 887-919 La « Guerre de Cent ans » comme concept historiographique est d'abord le produit d'un discours sur la guerre et la paix tenu par les acteurs même de ce conflit, un discours qui construit la réalité historique autant qu'il est construit par elle. Ce discours traduit des enjeux politiques importants et il n'est pas resté identique tout au long de la période. La guerre est d'abord présentée comme « emprise » chevaleresque lancée par Édouard III contre l'usurpateur Philippe de Valois. Elle devient ensuite la guerre des deux royaumes de France et d'Angleterre à laquelle il faut mettre fin par l'établissement d'une paix finale. C'est sur cet arrière-plan qu'il faut comprendre la conclusion non seulement du traité de Brétigny-Calais en 1360 mais aussi du traité de Troyes en 1420. Mais cet enjeu a été ensuite volontairement gommé chez les historiens qui ont parlé du traité de Troyes. Dans l'historiographie française, la « Guerre de Cent ans » est devenue une guerre menée par un adversaire qui voulait faire disparaître le royaume de France en tant que pays indépendant mais qui, par contrecoup, avait provoqué la prise de conscience par la nation française elle-même de son identité.The “Hundred Years War” as historiographical concept is the product of a discourse on war and peace held by the actors himself of this conflict, a discourse which built the historical reality as much as it was built by it. This discourse remained not identical among the whole period. The war was first presented as a chivalric adventure launched by King Edward III against the usurper of “his” throne of France, Philipp of Valois. It then became the war of the two kingdoms of France and England one against the other which must be finished by the establishment of a “final peace”. That led to the conclusion of the Treaty of Brétigny-Calais in 1360 and also of the Treaty of Troyes in 1420. This was however deliberately hided by the subsequent French historians. In the French historiography, the “Hundred Years War” has become a war which intended to eradicate the Kingdom of France as an independent country.
- Pierre Nora ou l'avènement de l'intellectuel démocratique - François Dosse p. 921-936
- Comptes rendus - p. 937-1035